Extraits de la notice du bienheureux cardinal Schuster.
Nous connaissons l’existence de cette veillée depuis le IVe siècle. Nous lisons en effet dans la vie de sainte Mélanie la Jeune, que ses parents refusèrent de l’y conduire dans son enfance. Alors Mélanie se retira dans l’oratoire domestique et fit, le mieux qu’elle put, la veillée en l’honneur de saint Laurent.
Le Sacramentaire Léonien nous a conservé diverses formules de messes pour la veillée de cette nuit, ce qui témoigne de la popularité du culte de saint Laurent à Rome, telle qu’aucun autre saint n’en fut l’objet, à l’exception des Princes des Apôtres.
La tradition de la messe vigiliale se perpétua dans les Sacramentaires Gélasien et Grégorien, la liste des Évangiles de Würzbourg, etc., jusqu’à notre Missel actuel. Bien plus, quand, à la fin du moyen âge, on anticipa les vigiles des grandes fêtes à l’après-midi du jour précédent, saint Laurent eut sa messe in vigilia, suivie d’une autre prima missa in nocte.
L’introït célèbre la charité du saint Archidiacre, pour qui les vrais trésors de l’Église, ceux qu’il montra avec satisfaction au juge, étaient les pauvres. Ps. 111. « Il répandit ses largesses et donna aux pauvres ; sa justice demeure dans tous les siècles, sa puissance sera glorifiée et exaltée ».
Prière. — « Exaucez, ô Dieu, nos prières, et, par l’intercession de votre bienheureux martyr Laurent, dont nous anticipons la solennité, accordez-nous une perpétuelle miséricorde ». Elle plaît extrêmement à Dieu, cette prière nocturne, à laquelle si souvent nous exhortent les Écritures et qui, sanctifiée par l’exemple du Christ, est conservée maintenant, comme une tradition sacrée, par les Ordres monastiques et par plusieurs familles religieuses. L’âme qui prévient la lumière en pleurant ses péchés et en cherchant Dieu, exprime toute la force de sa contrition et l’énergie de sa foi. La prière matinale est comme la rosée qui, à l’aurore, descend pour rafraîchir et féconder le champ brûlé par le soleil de midi.
Le répons est tiré du même psaume que l’introït : « Il répandit ses largesses et donna aux pauvres ; sa justice demeure à travers les siècles. Sa descendance sera puissante sur la terre, parce que la postérité des saints est en bénédiction ». Les saints appartiennent proprement à l’Église catholique ; leur descendance est donc l’Église elle-même, qui, par les mérites des justes, continue, prospère et triomphe.
L’antienne pour l’oblation est tirée de Job. C’est le martyr qui en appelle de l’inique jugement de l’homme à un tribunal supérieur qui ne souffre pas d’erreur et n’admet pas d’injustice (Job, XVI, 20) : « Ma prière est pure, c’est pourquoi je demande que ma voix arrive jusqu’au ciel, car là-haut est mon témoin, mon garant. Que ma prière s’élève jusqu’au Seigneur ».
Le témoignage de la bonne conscience et la foi dans le juste jugement de Dieu, inspiraient une grande paix aux Martyrs au milieu de la tempête de haine qui les emportait. Aussi Tertullien écrivait-il dans son Apologétique : « Tandis que vous nous condamnez à mort, Dieu nous absout ; c’est pourquoi, à la lecture de votre sentence, nous répondons joyeux : Deo gratias ».
Sur l’oblation. — « Accueillez favorablement, Seigneur, les oblations que nous vous présentons ; et par les mérites de votre bienheureux martyr Laurent, délivrez-nous des liens du péché ». Celui qui, dans le dur martyre souffert pour le Seigneur, lui a tout donné, peut aussi tout sur son cœur. Voilà la raison pour laquelle l’Église, de toute antiquité, reconnaissait aux martyrs un privilège spécial d’intercession.
Après la Communion. — « Faites, Seigneur, que dans l’éternité nous puissions jouir de la compagnie du bienheureux Laurent dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire par cet office ». Dans le ciel, outre la vision béatifique, nous recevrons une joie particulière de la société des saints. La raison en est que, les bienheureux étant unis les uns aux autres par un lien très parfait d’amour, la félicité de chacun sera multipliée à l’infini par celle de la cour céleste tout entière.