En 602, l’évêque de Lyon Aetherius (saint Ethère) écrit à saint Grégoire le Grand notamment pour lui demander des éléments sur la vie et l’œuvre de son prédécesseur Irénée, car il n’a rien à son sujet. Le pape répondit qu’il avait déjà cherché minutieusement mais qu’il n’avait rien trouvé… De son grand exposé contre les hérésies, dont le texte grec était donc déjà perdu, il y avait pourtant une traduction latine, mais manifestement confidentielle. Et l’on a aussi une traduction arménienne de deux livres de cet ouvrage. En 1904, on a découvert une traduction arménienne du dernier traité d’Irénée, l’Exposé de la prédication des apôtres. En voici un extrait, dans la première traduction française qui en fut faite, par le missionnaire Joseph Barthoulot. On ne peut qu’être frappé par la fermeté de la doctrine trinitaire, alors que nous ne sommes qu’à la fin du IIe siècle.
Or, voici ce que nous assure la foi telle que les presbytres, disciples des apôtres, nous l'ont transmise. Tout d'abord, elle nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu, qui s'est incarné, est mort et est ressuscité, et dans l'Esprit saint de Dieu. Par elle, nous savons que ce baptême est le sceau de la vie éternelle et la régénération en Dieu, afin que nous soyons, non plus seulement les fils des hommes mortels, mais aussi les enfants de ce Dieu éternel et indéfectible. Nous devons nous rappeler que Dieu est l'être éternel, qu'il est au-dessus de toutes les choses créées; tout est placé sous son domaine. Tout ce qui dépend de lui a été créé par lui. Dieu n'est pas maître et seigneur de biens d'autrui mais de ce qui lui appartient. Tout est à lui. Voilà pourquoi Dieu est le Maître souverain et tout vient de lui.
En effet, les choses créées tirent nécessairement le principe de leur existence d'une cause première. Or Dieu est le principe de tout, parce qu'il n'a été créé par personne et que tout a été créé par lui. Il est donc nécessaire d'admettre qu'il y a un Dieu, Père, qui a fait et façonné toutes choses, qui a mené à l'existence, qui contient tout et que rien n'étreint. Ce tout comprend également l'univers, et dans l'univers, l'homme. Or l'univers a été créé par Dieu.
Voici donc l'exposé de la doctrine. Un seul Dieu, le Père, incréé, invisible, créateur de tout, au-dessus duquel il n'y a pas d'autre Dieu. Ce Dieu est intelligence, et c'est pourquoi il a fait les créatures par le Verbe. Et Dieu est esprit, aussi est-ce par l'Esprit qu'il a embelli toutes choses, comme dit le prophète: «Par la Parole du Seigneur, les cieux ont été créés, et dans son Esprit est toute leur force» (Ps 32, 6). C'est le Verbe qui pose la base, c'est-à-dire qui travaille pour donner à l'être sa substance et le gratifie de l'existence, et c'est l'Esprit qui procure à ces différentes forces leur forme et leur beauté; c'est donc avec justesse et convenance que le Verbe est appelé Fils, tandis que l'Esprit est appelé Sagesse de Dieu. Aussi l'apôtre Paul dit très justement: «Un seul Dieu, le Père, qui est au-dessus de tous, et par tous et en nous tous» (Ep 4, 6). En effet, celui qui est au-dessus de tous, c'est le Père; mais celui qui est avec tous, c'est le Verbe, puisque par son moyen tout a été fait par le Père; et celui qui est en nous tous, c'est l'Esprit, qui crie: «Abba, Père!» (Ga 4, 6) et qui façonne l'homme à la ressemblance de Dieu. Or, l'Esprit montre le Verbe, et pour cette raison, les prophètes annonçaient le Fils de Dieu. Mais le Verbe sert de lien à l'Esprit; et c'est pourquoi l'interprète des prophètes, c'est lui: il a conduit et élève l'homme jusqu'au Père.
Voici la règle de notre foi, la base de l'édifice et le fondement de notre conduite: Dieu le Père, incréé, insaisissable, invisible, Dieu unique, créateur de tout: c'est le premier article de notre foi. Quant au second, le voici: c'est le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, Jésus-Christ, notre Seigneur, qui est apparu aux prophètes en la forme décrite dans leurs oracles, et selon l'économie du Père. Par lui tout a été fait; à la fin des temps pour récapituler et contenir toutes choses, il s'est fait homme, né des hommes, il s'est rendu visible et palpable, afin de détruire la mort et de manifester la vie et rétablir l'union entre Dieu et l'homme.
Quant au troisième article, c'est le Saint-Esprit, par qui les prophètes ont prophétisé, les pères ont appris les choses divines, les justes ont été guidés, dans la voie de la justice; c'est lui qui dans les derniers temps a été répandu d'une manière nouvelle sur l'humanité, pour ramener à Dieu l'homme renouvelé sur toute la terre.
Pour cette raison, lors de notre nouvelle naissance, le baptême évoque ces trois articles, en nous faisant renaître en Dieu le Père, par la médiation de son Fils, avec le Saint-Esprit. Car ceux qui portent l'Esprit de Dieu sont amenés au Verbe, c'est-à-dire au Fils, et le Fils les prend et les offre à son Père, et le Père leur communique l'incorruptibilité. Ainsi donc sans l'Esprit, on ne peut voir le Verbe de Dieu; et sans le Fils, nul ne peut arriver au Père; puisque la connaissance du Père, c'est le Fils, et la connaissance du Fils de Dieu s'obtient par le moyen de l'Esprit saint; mais c'est le Fils qui, par office, distribue l'Esprit, selon le bon plaisir du Père, à ceux que le Père veut et comme le Père le veut.
Commentaires
sublime
Un IMMENSE M E R C I !
Cela fait ma joie aujourd'hui
Il est bon de rappeler ici, alors que nous fêtons St Irénée qu'une Messe Catholique sera offerte à la Chapelle de Bermont dimanche 08/07 à 10h50 pour la cause de béatification de Madame Elisabeth, soue de notre Roy très Chrétien, Louis le XVI°.
Inutil de prévenir un public aussi averti, que ce ne sont pas les rubriques du missel né sous la république qui seront utilisées ..........
Vu le circuit de transmission des textes d’Irénée, ça pourrait intéresser certains lecteurs de prendre connaissance de ce billet d’un blog intéressant par ailleurs (l’auteur est un Américain qui réside en Australie, c’est un « Evangelical » érudit, qui se garde de toute polémique directe avec d’autres Églises).
Dans ce billet, Muehlenberg attire l’attention sur l’importance des écrits aux premiers siècles du christianisme, religion productrice de masse de textes qui étaient discutés et commentés. Il déplore l’anti-intellectualisme des chrétiens actuels, leur refus de lire, y compris la Bible.
Le blog me tient au courant des délires idéologiques en Australie, qui valent les nôtres, nul ne s’en étonnera.
https://billmuehlenberg.com/2018/06/28/christianity-really-is-bookish/
Je comprends ce qu'il veut dire, mais c'est bien le propos d'un protestant moderne. Il ne dit pas un mot des sacrements, qui sont infiniment plus importants que n'importe quel livre en dehors des textes sacrés - mais la messe est elle-même infiniment plus importante que la Bible. Il oublie que "fides ex auditu". Il oublie surtout que l'immense majorité des chrétiens ne savaient pas lire jusqu'à une époque récente et qu'il y a parmi eux infiniment plus de saints que chez les chrétiens sachant lire, puis ne sachant plus ce qu'est être chrétien.
Le christianisme n'est pas une religion livresque mais, comme son nom l'indique, une relation avec le Christ qui n'est pas un livre mais une personne divine.
Je n’aime pas plus que vous l’emploi un peu gauche de « livresque » par Muehlenberg, mais, attentif à ce que vise son propos, je me refuse à lui chercher querelle.
Yves Daoudal 11h12 - mercredi 04 juillet 2018. " Le christianisme n'est pas une religion livresque mais, comme son nom l'indique, une relation avec le Christ qui n'est pas un livre mais une personne divine."
C'est tout à fait vrai ! Le Catholicisme ( mais aussi l'Orthodoxie ) est la seule religion au monde qui ne dépend pas prioritairement d'un "Livre", contrairement à toutes les autres dont le Protestantisme, l'Islam.
Notre sainte Foi repose avant tout sur la divine Personne du Christ que l'on connaît À TRAVERS l'Évangile et la Tradition. Et l'Évangile et la Tradition ne peuvent en aucun cas être séparés sans remettre en question la permanence de nos connaissances. Ils sont une garantie contre ce que Bossuet appelait les "variations"du Protestantisme et la multiplication des sectes qui en résulte.