La lecture biblique de cette semaine est l’histoire de Joseph, que les exégètes modernes osent appeler « le roman de Joseph », sans même voir l’incongruité de l’anachronisme.
Les répons des matines sont donc tirés des derniers chapitres de la Genèse, sauf deux. L’un (Lamentabatur Jacob) dont le beau texte est inspiré du récit mais ne s’y trouve pas, l’autre qui cite deux psaumes.
Le verset du répons cite le psaume 104, qui a la particularité d’être le seul texte de la Bible hébraïque en dehors de la Genèse à parler de Joseph. Comme si la signification de l’histoire de Joseph était tellement messianique qu’on ne pouvait rien en dire avant le Messie…
Le psaume 104 résume donc l’histoire de Joseph en huit versets : Joseph vendu puis emprisonné puis devenant le maître de l’Egypte et y faisant entrer son père et ses frères. Le répons a gardé le seul verset de l’emprisonnement.
Le texte du répons proprement dit (℟.) est une curieuse inversion et accommodation du psaume 80.
Le psaume dit que Dieu a fait un commandement pour Joseph de célébrer la néoménie, quand il sortait de la terre d’Egypte, et que Joseph entendit alors une langue qu’il ne connaissait pas, et Dieu a déchargé ses épaules des fardeaux et ses mains qui portèrent la corbeille.
Il est clair qu’ici Joseph désigne le peuple d’Israël, comme cela n’est pas rare dans l’Ecriture, plus souvent avec l’expression « maison de Joseph » (qui désigne alors le royaume du nord par opposition au royaume de Juda). Israël sortant d’Egypte a été déchargé des fardeaux et des corbeilles dans lesquelles on transportait la terre pour faire les briques. Le texte est ici inversé : Joseph entre en Egypte, il a entendu une langue qu’il ne connaissait pas, et ses mains (les mains du peuple hébreu qui se développera) ont été mises en servitude. Puis le répons ajoute une phrase qui fait plutôt penser au psaume 104 : « Et il parlait avec sagesse devant les princes » - et qui revient précisément après la citation du psaume 104.
℟. Joseph dum intráret in terram Ægýpti, linguam quam non nóverat, audívit : manus ejus in labóribus serviérunt : * Et lingua ejus inter príncipes loquebátur sapiéntiam.
℣. Humiliavérunt in compédibus pedes ejus : ferrum petránsiit ánimam ejus, donec veníret verbum ejus.
℟. Et lingua ejus inter príncipes loquebátur sapiéntiam.
Joseph, quand il entra dans la terre d’Egypte, entendit une langue qu’il ne connaissait pas ; ses mains furent asservies au travail : Et il parlait avec sagesse devant les princes. On humilia ses pieds dans des entraves, un fer transperça son âme, jusqu’à ce que s’accomplît sa parole. Et il parlait avec sagesse devant les princes.