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Saint Camille de Lellis

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Bibliothèque régionale d'Aoste

Il naquit en 1550, dans une petite ville des Abruzzes. Sa mère mourut quand il était encore au berceau, et son père, qui était officier, négligea fort son éducation. Il envoya pourtant son fils à l’école. L’enfant y apprit à lire et à écrire, mais, abandonné à lui-même, il se lia avec de jeunes vauriens et fit des jeux de dés et de cartes son occupation principale.

À dix-huit ans, Camille de Lellis embrassa la carrière des armes. Passionné pour le jeu au-delà de tout ce qui se peut dire, il ne tarda pas à perdre aux cartes toute sa fortune et, au bout de trois ans, un ulcère à la jambe, suite d’une égratignure négligée, l’obligea de quitter le service.

L’hôpital des Incurables de saint Jacques, à Rome, était alors desservi par les meilleurs chirurgiens. Dans l’espoir de faire guérir plus vite sa jambe, le jeune Napolitain s’y rendit, et sa fierté et son dénuement lui firent demander une place d’infirmier.

Le néant des choses humaines lui apparaissait souvent dans une vive lumière, il aurait voulu se faire capucin.

Mais, malgré les graves pensées qui le travaillaient, malgré les pertes énormes qu’il avait faites au jeu, la vue des cartes et des dés exerçait encore sur lui une fascination irrésistible.

Le futur fondateur des Frères du bien mourir abandonnait le service des malades pour aller jouer. Aussi on ne tarda pas à le renvoyer, non seulement comme joueur, mais encore comme fantasque, emporté et cherchant querelle, sur le moindre prétexte, aux employés de la maison.

Tels furent les débuts du saint dans une carrière où il devait aller jusqu’au bout des forces humaines dans l’abnégation et la charité.

Réduit par ses folies à gagner misérablement sa vie et tourmenté à certaines heures du désir de la perfection, Camille de Lellis fut tour à tour novice franciscain, aide-maçon, infirmier par nécessité et soldat. L’extrême misère et ses essais de vie religieuse ne l’avaient point guéri de son amour du jeu et, à Naples, on le vit, emporté par sa passion, jouer jusqu’à sa chemise — qu’il perdit.

L’infortuné jeune homme semblait condamné à finir ses jours dans quelque misérable querelle. Mais, malgré son naturel emporté, malgré tous ses excès, ce joueur frénétique et malheureux n’avait jamais souillé ses lèvres d’un blasphème. Ce fut là sans doute, dit l’un de ses biographes, ce qui lui fit trouver grâce devant Dieu.

Un jour qu’il cheminait à pied, seul et sans ressource, l’injure faite par ses péchés à la Majesté divine lui apparut tout à coup dans une lumière si terrible qu’il tomba la face contre terre. Il se releva changé, transformé, résolu à ne plus vivre que pour expier ses folies et ses crimes. Il se rendit à Rome et s’offrit, en qualité d’infirmier volontaire et gratuit, à l’hôpital des Incurables d’où on l’avait renvoyé.

Là, Camille de Lellis parut un homme nouveau et, tout en pratiquant des mortifications terribles, il servit nuit et jour les malades, avec un dévouement aussi tendre qu’infatigable.

Il s’attachait surtout aux mourants et, comme un ange du ciel, les préparait à paraître devant Dieu. Son incomparable charité et ses hautes capacités le firent bientôt nommer directeur de l’hôpital. Le saint eut bien des occasions de constater que l’argent seul ne fait pas les bons infirmiers et il souffrait cruellement de se voir si mal secondé par les employés mercenaires.

Afin de porter remède à ce mal, il résolut de fonder une congrégation d’hommes charitables qui serviraient les malades pour le seul amour de Jésus-Christ.

Pendant qu’il méditait ce grand projet, un Christ, détachant ses mains de la croix, les tendit suppliantes vers lui et l’encouragea dans son dessein.

Du cœur du saint, cet appel du Christ fit jaillir les énergies irrésistibles.

Il triompha de tous les obstacles ; il trouva des compagnons tels qu’il en désirait et, afin d’être plus utile aux malades, il résolut, sur l’ordre de saint Philippe de Néri, son directeur et son ami, de se préparer au sacerdoce. Il apprit le latin avec une ardeur incroyable, fit ses études théologiques au collège romain et reçut la prêtrise.

Des amis lui donnèrent une maison ; le pape Sixte v approuva l’institut naissant, et, trois ans plus tard, Grégoire xiv fit de sa congrégation un ordre religieux.

Les fils de saint Camille remplaçaient les infirmiers mercenaires presque toujours insuffisants. Ils transformèrent les hôpitaux et se répandirent bientôt dans les villes d’Italie et dans toute la chrétienté. Leur saint fondateur leur avait donné pour règle de voir dans les malades Jésus-Christ en personne. Aussi ces religieux firent partout des prodiges de charité. Ils s’engageaient par vœu à servir les malades — même pestiférés — et, dans les temps d’épidémie, beaucoup moururent victimes de leur dévouement.

On aimera peut-être à savoir ce que saint Camille recommandait surtout à ceux qui assistent les mourants. Il voulait qu’on les exhortât discrètement et suavement à s’abandonner à Dieu, à accepter la mort en union avec Notre Seigneur et en esprit d’expiation.

Il voulait qu’on fît demander aux mourants l’application du fruit de cette prière que Jésus-Christ fit sur la croix.

Dans les derniers moments, le saint recommandait instamment qu’on rappelât souvent aux mourants l’invocation des noms de Jésus et de Marie.

Il ordonna aussi de continuer les prières pour les agonisants quelque temps après qu’ils paraîtraient avoir rendu le dernier soupir.

Camille de Lellis parlait toujours aux malades avec une douceur toute céleste. Par ses exhortations pénétrantes, il leur inspirait la patience, la résignation, parfois même la joie de souffrir.

Il appelait les cruelles infirmités dont il souffrait des miséricordes du bon Dieu.

On l’entendait souvent dire comme saint François d’Assise :

« Le bonheur que j’espère est si grand, que toutes les peines et toutes les souffrances deviennent pour moi des sources de joie ».

Austère à lui-même jusqu’à ne se laisser que la peau et les os, il avait pour tous les malades la tendresse d’une mère. Il poussait la bonté jusqu’à faire faire de la musique auprès de ceux qui trouvaient, dans cette harmonie, quelque soulagement à leurs maux.

On le voyait, épuisé de fatigues et de souffrances, se traîner de lit en lit pour voir si rien ne manquait aux malades et pour leur parler de l’amour de Dieu.

Même dans les conversations ordinaires, les discours de saint Camille roulaient toujours sur l’amour de Dieu, et, s’il lui arrivait d’entendre un sermon où il n’en fut point parlé, il disait que c’était un anneau auquel il manquait un diamant.

Lorsqu’on lui annonça que les médecins désespéraient de sa vie, il s’écria, ravi :

« Je me suis réjoui parce qu’on m’a dit : Nous irons dans la maison du Seigneur ».

Quand on lui apporta le viatique, il versa des larmes et dit avec une humilité profonde :

« Je reconnais, Seigneur, que je suis le plus grand des pécheurs et que je ne mérite pas la faveur que vous daignez me faire, mais sauvez-moi par votre infinie miséricorde. Je mets toute ma confiance dans votre précieux Sang ».

Il prononçait avec tant de tendresse les noms de Jésus et de Marie, que l’amour qui le consumait embrasait aussi les assistants. Enfin, les yeux fixés sur une image de Marie et les bras en croix, il expira dans une paix céleste, en invoquant toujours ces doux noms qui furent ses dernières paroles.

Laure Conan, Physionomie de saints, Montréal, 1913

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