On sait que le culte des saints Jean et Paul, derniers martyrs de Julien l’Apostat en 362, a été immédiat. Leur messe et leur office sont manifestement antiques. En témoigne par exemple la simplicité et la grandeur toute romaine des antiennes du jour :
Paulus et Joánnes dixérunt Juliáno : Nos unum Deum cólimus, qui fecit cælum et terram.
Paul et Jean dirent à Julien : Nous n’adorons qu’un Dieu, qui a fait le ciel et la terre.
Paulus et Joánnes dixérunt Terentiáno : Si tuus dóminus est Juliánus, habéto pacem cum illo : nobis álius non est, nisi Dóminus Jesus Christus.
Paul et Jean dirent à Térentianus : Si Julien est ton Seigneur, conserve la paix avec lui ; pour nous, nous n’avons point d’autre Seigneur que Jésus-Christ.
Joánnes et Paulus, agnoscéntes tyránnidem Juliáni, facultátes suas paupéribus erogáre cœpérunt.
Jean et Paul, connaissant la tyrannie de Julien, commencèrent à distribuer leurs biens aux pauvres.
Joánnes et Paulus dixérunt ad Gallicánum : Fac votum Deo cæli, et eris victor mélius quam fuísti.
Jean et Paul dirent à Gallican : Fais un vœu au Dieu du ciel, et tu sera plus heureusement vainqueur que tu ne l’as été.
L’antienne de Magnificat est particulièrement remarquable. Elle cite d’abord Apocalypse 11,4 et 6, et ajoute que si ces martyrs ont le pouvoir de fermer et d’ouvrir le ciel c’est que leurs langues sont devenues les clefs du ciel.
Isti sunt duæ olívæ, et duo candelábra lucéntia ante Dóminum ; habent potestátem cláudere cælum núbibus et aperíre portas eius, quia linguæ eórum claves cæli factæ sunt.
Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui luisent devant le Seigneur ; ils ont le pouvoir de fermer le ciel en le couvrant de nuages, et d’en ouvrir les portes, car leurs langues sont devenues comme les clefs du ciel.
Leurs langues sont devenues comme les clefs du ciel. Saint Bernard reprend cette expression dans un sermon de la Pentecôte, en parlant des langues des apôtres. Ce qui en effet leur convient encore davantage. C’est que cette antienne était justement devenue aussi un répons du « commun de deux apôtres », donc fatalement des apôtres Pierre et Paul, notamment chez les cisterciens (mais aussi dans le bréviaire romain avant qu’il perde son 9e répons), avec comme verset
Isti sunt duo filii splendoris qui assistunt dominatori universae terrae.
Ceux-ci sont les deux fils de la splendeur qui assistent le Dominateur de toute la terre.
Ici il s’agit d’une citation de Zacharie 4, texte qui est évidemment (il s’agit des deux oliviers de part et d’autre du candélabre) la source de l’Apocalypse. C’est de cette citation dont Guerric d’Igny (très remarquable disciple de saint Bernard) fait tout un sermon pour la fête des saints Pierre et Paul. Au lieu des « fils de la splendeur » on voit aussi les « fils de la clarté », les « fils de l’huile » (comme dans la Vulgate, ce qui renvoie aux oliviers), les « fils de la graisse » (c’est-à-dire de la prospérité résultant de la bénédiction divine). Guerric d’Igny en reprend deux versions, ou plutôt avait les deux dans sa Bible : les « fils de l’huile de splendeur ».
Voici le répons dans l’antiphonaire cistercien de Salzinnes (Namur), qui date de 1455 :
Commentaires
Et on remarque qu'encore une fois, le copiste varie l'emplacement de la clé. D'où, peut-être, l'usage (bien utile dans un cas comme celui-ci) d'indiquer en fin de portée la première note de la suivante, ce qui ne se fait pas dans la notation musicale "moderne"?