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Samedi des quatre temps de Pentecôte

Spíritus, ubi vult, spirat : et vocem ejus audis, allelúia, allelúia : sed nescis, unde véniat aut quo vadat, allelúia, allelúia, allelúia.

Les moniales d’Argentan :
podcast

Le bienheureux cardinal Schuster :

L’antienne de la Communion contient une dernière allusion à l’octave de la Pentecôte et au temps pascal qui va s’achever. L’alléluia lui-même, au moins selon l’ancien rite grégorien, est prêt à s’envoler et à retourner au ciel : Sed nescis unde veniat aut quo vadat : alleluia, alleluia, alleluia. Ce chant est tiré de saint Jean (III, 8) « L’Esprit souffle où il veut ; tu entends son souffle, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Alléluia, Alléluia, Alléluia. »

II est vrai que le texte grec de l’Évangile parle ici, non du Saint-Esprit, mais du vent. Toutefois, comme Jésus s’est précisément servi de l’image du vent pour expliquer à Nicodème le caractère suprasensible et surnaturel de la grâce de l’Esprit Saint, ainsi l’emploi que fait de ce verset la liturgie romaine au moment où se clôt le cycle de la Pentecôte, n’est nullement arbitraire.

Il est d’autant moins arbitraire que la phrase se termine ainsi : « sic est omnis qui natus est ex spiritu », ce qui ne peut se traduire que par : « il en est ainsi de tout homme qui est né de l'Esprit ». Et Jésus venait de dire : « Quod natum est ex carne, caro est : et quod natum est ex spiritu, spiritus est », où spiritus ne peut pas vouloir dire vent : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit. »

En fait Jésus joue sur les deux sens du mot (en grec c’est pneuma), comme il le fait, dans le même dialogue avec Nicodème, avec le mot ἄνωθεν, anothen. Ce mot peut vouloir dire « d’en haut » ou « de nouveau ». Jésus dit qu’il faut naître d’en haut. Nicodème comprend qu’il faut naître de nouveau, et ne voit pas comment il pourrait retourner dans le ventre de sa mère. Mais pour Jésus, naître de nouveau, c’est naître d’en haut. « Ne t’étonne pas que je t’ai dit : il faut que vous naissiez de nouveau (d'en haut). Le vent (pneuma, spiritus) souffle où il veut… »

Le cardinal Schuster termine sa notice par ces lignes remarquables :

La sainte messe clôt dignement le temps pascal. Désormais la Rédemption est accomplie, et le Saint-Esprit est venu comme pour en assurer définitivement l’efficacité, moyennant le caractère sacramentel qu’il imprime dans l’âme. Telle est la propriété personnelle du divin Paraclet : il accomplit, termine, opère toujours quelque chose de définitif, à l’égal d’une conclusion qui, inévitablement et inébranlablement, sort des prémisses. C’est la raison pour laquelle les péchés contre le Saint-Esprit n’obtiennent, en fait, jamais le pardon : ils représentent l’obstination définitive de l’âme dans la haine suprême contre le souverain amour.

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Commentaires

  • Intéressant, comme d'habitude.

    Le double sens souffle / esprit n'offre certes aucune difficulté. .

    Mais, notoirement, le grec anothen pose un problème aux exégètes. Le double sens existe, mais suppose que Jésus et Nicodème (ainsi nommé en grec) conversent en grec, et non en araméen. Les notes des bibles usuelles se contentent de signaler un jeu de mot mais ne se posent pas cette question.

    Il y a bien sûr des discussions sur la question de savoir quel était le possible polyglottisme de Jésus. Ceux qui pensent qu'il devait connaître le grec mentionnent des conversations avec un centurion, avec Pilate. Mais la question a été soulevée de savoir s'il est plausible que deux juifs conversent en privé en grec.

    Deux pages sur le problème :

    http://blog.nabeelqureshi.com/2011/06/lost-in-translation-did-jesus-only.html

    https://katachriston.wordpress.com/2011/08/26/the-born-again-narrative-in-john-3-an-aramaic-impossibility-well-no/

    Il doit y avoir d'autres choses intéressantes, mais je n'ai pas cherché assez longtemps.

  • Pour moi il n'y a aucun "problème". Comme je l'ai souvent écrit, il est évident pour moi que Jésus parlait grec. La Palestine était hellénisée depuis longtemps, comme le montre le fait que les derniers livres de l'Ancien Testament, écrits par des juifs pour des juifs, sont en grec, et comme le montrent clairement les livres des Macchabées. De nombreux noms du Nouveau Testament sont grecs (dont Nicodème, et 7 sur 7 des "diacres" nommés par les apôtres), il y avait près de Nazareth la ville nouvelle de Sephoris qui était culturellement entièrement grecque, et TOUTES les inscriptions funéraires de l'époque qu'on a retrouvées sont en grec: les deux tiers seulement en grec, l'autre tiers en grec et dans une langue sémitique.

  • Appendice sur ma note.

    Les tenants de la réincarnation ont cherché à interpréter ce passage en leur faveur, ce qui est tout de même tiré par les cheveux.

    En cherchant des cartes, je suis tombé sur ces curieuses données concernant la croyance en la "réincarnation" en Europe :

    http://egregores.blogspot.f...

    Les gens qui ont répondu au sondage concevaient-ils la réincarnation comme on l'entend dans les religions indiennes ?

    Il y a peu d'années, j'avais vu un sondage sur les catholiques pratiquants français d'où il ressortait que quelques pour cent (si ma mémoire est bonne) pensaient qu'il n'y avait rien après la mort ou croyaient en une réincarnation. Ce pourcentage était faible mais non nul, comme on s'y attendrait.

    Ce genre de faits montre à nouveau qu'il faut être prudent quand on dit qu'un territoire a été "christianisé".

  • Lien :

    http://egregores.blogspot.fr/2011/04/more-on-belief-in-reincarnation-in.html

  • A Yves Daoudal :

    Si votre position est la bonne, elle résout élégamment le problème. Il faut être un peu prudent avec les données archéologiques et épigraphiques si elles ne dont pas localisées assez précisément, ça va de soi.

    Quelques autres éléments pourront intéresser des lecteurs :

    http://www.patheos.com/blogs/markdroberts/series/what-language-did-jesus-speak-why-does-it-matter/

    https://www.tms.edu/m/tmsj20e.pdf

    Cette thèse est-elle aisément compatible avec diverses données autres ?

    Le témoignage de Josèphe (262-65) :
    http://remacle.org/bloodwolf/historiens/Flajose/juda20.htm

    Les bribes d'araméen dans les Evangiles ? Est-ce que ça ne plaiderait pas plutôt pour l'araméen ? Mais il faut reconnaître que l'argument se retourne : on pourrait citer de l'araméen justement parce que c'est frappant en contexte grec.

    Bien entendu on peut conjecturer que Jésus pariait avec une aisance assez grande aussi bien le grec que l'araméen et pouvait s'adresser aux uns ou aux autres dans une langue ou l'autre selon les cas. Sans compter l'hébreu.

  • Extrait du deuxième article (celui d'Aaron Tresham), sans les notes :

    "Although the evidence indicates that Israel was multilingual, Greek functioned as the “prestige language.” Porter states, “Prestige languages are those languages that dominate political, educational and economic forces at play in a language milieu. In Palestine, the prestige language was Greek, even if Greek was not the first language for a significant number of its speakers.” In such a situation it would be very natural for the inhabitants of Israel to obtain a functional knowledge of Greek.

    This would be particularly true of Galilee, which was surrounded by Hellenistic culture and acted as a center for trade, with a number of waterways and roads connecting important cities running through Galilee.

    Jesus grew up in Nazareth. While this was a small village (pop. 1600-2000), it overlooked an important trade route, the Via Maris, which connected Damascus and the Mediterranean. Jesus also spent time in Capernaum, a city of 12,000-15,000, which acted as an entrance to Gaulanitis (Golan Heights) and had the means to support tax collection (Mark 2:14).

    Fitzmyer notes, “Jesus was not an illiterate peasant and did not come from the lowest stratum of Palestinian society. . . . He would naturally have conducted business in Greek with gentiles in Nazareth and neighboring Sepphoris.”

    Matthew was a tax collector from Capernaum, so he probably used Greek in the course of his official duties. Many of the other disciples were fishermen, and they most likely used Greek in the business of selling fish."

    Il est amusant de lire ceci quand on a en mémoire les diatribes de Voltaire, ce paladin contre "le fanatisme", un homme fortement imprégné d'une pénible haine de classe (combinée à une détestation anti-juive délirante même dans le contexte du temps) contre ce qu'il appelait "la canaille" :

    "Jésus est évidemment un paysan grossier de la Judée, plus éveillé, sans doute, que la plupart des habitants de son canton. Il voulut, sans savoir, à ce qu’il paraît, ni lire ni écrire, former une petite secte".

    Dans L'Examen important de Milord Bolingbroke, ou le tombeau du fanatisme (1736), Voltaire se surpasse dans la verve et le sarcasme, ainsi que, pourra-t-on juger, dans la vilenie:

    http://www.monsieurdevoltaire.com/2017/05/examen-important-de-milord-bolingbroke-partie-12.html

  • J'avais oublié ceci, que le grand écrivain juif de l'époque était Philon, qui écrivait en grec. Que la Bible courante était la Septante. Que les auteurs du Nouveau Testament, quand ils citent l'Ancien, le citent généralement dans le grec de la Septante.

    En ce qui concerne Capharnaüm, c'est en effet un carrefour commercial, où l'on parle grec. Capharnaüm, c'est la ville de Jésus (Matthieu 9,1) et c'est la ville de Simon-Pierre et d'André (un nom grec). Ces pêcheurs vivent dans la ville (la belle-mère de Pierre était malade, etc.). Ils sont donc aussi, certainement, mareyeurs, et ils vendent en grec.

    D'autre part, jusqu'à une époque récente (et même très récente dans certains endroits et même encore actuelle par exemple dans certains pays d'Afrique et d'Asie - au Pakistan où la langue officielle de l'administration est l'anglais, pour prendre un seul exemple), il faut une "langue véhiculaire", une "lingua franca" qui permette de se comprendre entre locuteurs de diverses langues ou dialectes. Les langues non écrites sont dialectales. Le breton a quatre dialectes et de nombreux sous-dialectes, et dans les zones entre-deux on se comprenait difficilement à quelques kilomètres de distance. Sans parler de simples questions de prononciation: pour ma grand-mère (qui était une institutrice de la République), la pomme de terre c'était "valdaour", alors qu'en "bon" breton c'est avalou-douar. Et elle se moquait de ceux qui avaient "inventé" ce mot d'avalou-douar, parce qu'on a "toujours dit" "valdaour".

    Il en est ainsi partout et il en était ainsi en Palestine. Saint Pierre se fait immédiatement repérer dans la cour du grand prêtre parce qu'il parle galiléen. Jésus était donc au moins obligé de prêcher en grec lorsque c'était devant des foules qui venaient tant de Judée que de Tyr et Sidon et de la décapole.

  • Merci à Yves Daoudal pour ses observations supplémentaires.

    Traditionnellement, et aujourd'hui encore, une situation extrêmement répandue et peut-être bien majoritaire est effectivement le plurilinguisme. Il est du reste fréquent que les règles de mariage imposent l'exogamie, y compris avec un peuple d'une langue différente. Donc la femme et le mari n'ont pas la même langue maternelle, mais connaissent la langue de leur conjoint.

    La France a été massivement non francophone, et fréquemment plurilingue jusqu'à une date assez récente. Mes propres ancêtres n'avaient pas le français (standard ou patoisant) pour langue maternelle jusqu'à la génération de mes grands-parents comprise, et durant les vacances d'été de mon enfance, j'entendais ces derniers converser dans une langue étrangère que je comprenais.

    Le Français moderne qui ne connaît que le français et doit apprendre une ou des langues étrangères dans une école est un cas historiquement assez peu typique (même si les apprentis scribes akkadophones apprenaient le sumérien sous la férule d'un maître).

    C'est pourquoi l'environnement plurilingue dans lequel le christianisme est apparu exige un certain effort d'imagination historique.

  • Deux mots araméens pour un seul mot "paix" en grec ou en hébreu. Une observation ingénieuse d'Edouard-Marie Gallez ;

    http://www.eecho.fr/les-apotres-et-la-paix-quelle-paix/

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