D’ordinaire, l’Église se sert des paroles de la Sainte Écriture. On dirait qu’elle redoute de s’adresser à Dieu avec ses propres paroles. Quand elle le fait cependant, elle emploie les termes les plus riches de sens. De même que le cristal de roche acquiert, par le travail séculaire de la nature, du brillant et du poli, de même ces textes de l’Église où elle a déposé ce qu’il y a de plus fervent dans son amour, ses désirs, sa prière et sa foi, ont été élaborés au cours des siècles. C’est le cas pour cette prière si simple et si profonde : « Viens, Saint-Esprit, remplis les cœurs de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour ! » Toutes les fois que cette prière est chantée ou récitée, l’Église nous ordonne de nous agenouiller.
a) Veni, viens. Ce mot a une histoire. Avant la naissance du Christ, il était dans la bouche du peuple juif. Le Rédempteur s’appelait : « Celui qui doit venir ». C’est pourquoi le Baptiste demande : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Les chrétiens adoptèrent ce petit mot et en firent l’expression de leur désir de la parousie. Les anges avaient déjà dit du Seigneur monté aux cieux : « Il viendra de nouveau... » Dans la primitive Église, on terminait chaque prière par ce vœu ardent : « Maranatha », c’est-à-dire, viens, Seigneur. Il n’est pas étonnant que l’Église ait introduit ce mot dans sa liturgie. Rappelons-nous les grandes antiennes O de l’Avent. Nous comprenons que l’Église se serve du même mot pour implorer la descente du Saint-Esprit. — Ici, se pose une question : Le Saint-Esprit n’est-il donc pas parmi nous ? A quoi bon, dès lors, implorer sa venue ? Oui, il est parmi nous et, pourtant, il faut qu’il vienne à nous. Autrefois, le Baptiste pouvait dire aux sanhédrites : « Il y a au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas ». On peut en dire autant du Saint-Esprit. Il demeure dans l’Église, dans l’âme, et, pourtant, nous ne le connaissons pas : nous empêchons son action. La force est là, mais elle est liée, elle dort. Le petit mot « Veni » veut donc dire : Déploie ta puissance, brise les entraves que la volonté humaine met à ton action.
b) Saint-Esprit. Examinons le nom du Saint-Esprit. Le Christ l’appelle volontiers Paraclet. Ce mot se traduit de deux façons : avocat ou consolateur. Cependant, le Seigneur l’appelle deux fois Saint-Esprit. La Séquence donne une série de surnoms : père des pauvres, distributeur des dons, lumière des cœurs. On le nomme aussi, volontiers, le doigt de la main droite de Dieu. Mais son nom ministériel est : Saint-Esprit. Ce nom est pour nous une exhortation à être saints et spirituels. Nous ne pouvons porter le Saint-Esprit en nous que si nous tendons à la sainteté, que si nous sommes des hommes spirituels, et non des hommes charnels.
c) Remplis les cœurs de tes fidèles. Nous trouvons déjà ce mot : remplir, dans le récit de la fête : « ils furent tous remplis de l’Esprit-Saint ». Nos cœurs et nos âmes doivent être comme des coupes dans lesquelles le Saint-Esprit verse le vin précieux de ses dons et qu’il remplit jusqu’au bord. Ne soyons pas des, coupes vides. Si nos cœurs sont remplis d’amour-propre, de présomption, d’égoïsme, le Saint-Esprit ne pourra verser son vin précieux.
d) Quel est ce vin précieux ? La dernière phrase nous le dira : « Allume en eux le feu de ton amour ». C’est donc l’amour qui est le don du Saint-Esprit : le saint amour de Dieu et du prochain. Le Christ dit du Saint-Esprit : « Il prendra du mien ». La charité est le précepte du Christ ; maintenant, c’est celui du Saint-Esprit : de ton amour. Cet amour est un feu, c’est pourquoi le Saint-Esprit est apparu dans le feu ; nous serons baptisés dans l’Esprit-Saint et dans le feu ». Le feu brille, chauffe, brûle et purifie. Que le Saint-Esprit daigne aujourd’hui être ce feu, qu’il chasse les ténèbres de nos cœurs, qu’il en réchauffe la froideur, qu’il brûle tout ce qui est vain et coupable, qu’il purifie notre âme, afin qu’elle soit de l’or pur pour la couronne du Christ !
Dom Pius Parsch
Commentaires
C'est intéressant que vous citiez ces propos d'un des précurseurs de la révolution liturgique de Vatican II... Propos quoi qu'il en soit magnifiques sur le sens de la Pentecôte, merveilleuse fête du cycle liturgique.
C'est la 241e fois que je cite dom Pius Parsch.
Je ne le considère pas comme un précurseur de la révolution liturgique, même s'il y a chez lui des... signes précurseurs. S'il avait été aux commandes de la réforme, je crois qu'elle aurait été tout autre...