Introït
Gaudéte in Dómino semper : íterum dico, gaudéte. Modéstia vestra nota sit ómnibus homínibus : Dóminus enim prope est. Nihil sollíciti sitis : sed in omni oratióne petitiónes vestræ innotéscant apud Deum.
Benedixísti, Dómine, terram tuam : avertísti captivitátem Jacob.
Commentaire de dom Ludovic Baron :
LE TEXTE
Réjouissez-vous dans le Seigneur toujours.
Une fois de plus je le dis, réjouissez-vous.
Que votre modestie (au sens de modération, de douceur) soit connue de tous les hommes.
Le Seigneur est proche, que rien ne vous trouble ;
Mais qu'en toute chose, par la prière,
Vos demandes soient portées devant Dieu.
Ps. - Tu as béni, Seigneur, la terre, tu as fait cesser la captivité de Jacob. Philip. IV, 4 - Ps. LXXXIV, 2.
Il y a là trois conseils de Saint Paul : réjouissez-vous, soyez modestes, ne vous laissez pas dominer par les soucis ; et, au milieu, une sentence de trois mots : le Seigneur est proche. Cette sentence, la ponctuation du texte la rattache à ce qui précède : Réjouissez-vous, soyez modeste, le Seigneur est proche ; la ponctuation de la mélodie, elle, la rattache à ce qui suit : le Seigneur est proche, que rien ne vous trouble. Du point de vue de l'expression c'est la ponctuation de la mélodie qu'il faut suivre, il va de soi.
Dans le cadre liturgique, Dominus prope est prend un sens nouveau. Par le fait qu'ils sont chantés au temps de l'Avent, ces trois mots ne se rapportent pas seulement au Seigneur, qui se tient tout proche, en nous et autour de nous et qui devrait, par sa présence, et ses relations avec nous, être la raison de notre joie, de notre douceur, de notre confiance abandonnée, mais au Seigneur qui vient, qui sera là sans tarder, dans la chair, dans la grâce ou dans la gloire. Ils deviennent ainsi l'idée centrale de tout le texte et en précisent l'interprétation. Il n'est plus une suite de conseils pour toutes circonstances mais une exhortation de l'Eglise à ses membres, les pressant de réaliser dès maintenant, la joie, la mansuétude, la confiance que la venue prochaine du Sauveur mettra dans les âmes.
LA MÉLODIE
Elle est une invitation à se réjouir, pénétrée elle-même de joie. Cette joie n'est pas une jubilation ; elle n'a pas d'éclat non plus. Elle est comme un courant de vie qui, discrètement, passe dans les mots et les phrases, les entraînant d'un mouvement régulier mais de plus en plus pressant jusqu'au nihil solliciti sitis du sommet où elle s'épanouit en une exhortation enthousiaste à laisser tout, pour entrer bientôt dans la jubilation de la grande allégresse qu'on dit de plus en plus proche.
Le caractère progressif de cette pression joyeuse est très marqué dans la première phrase. Bien posée par la clivis épisématique et le quilisma, avec je ne sais quoi de ferme déjà dans ce départ recueilli, elle monte vers le sommet, entraînée par le salicus, les trois rythmes ternaires qui se suivent et l'accent tonique de semper, et, jusqu'en la thésis, garde cette force de volonté qui veut s'imposer : iterum dico. Même joie persuasive et même progression dans la seconde phrase. Le mouvement par une arsis forte et bien marquée - notez le salicus et le quilisma - va vers hominibus, sortant cette fois la mélodie de l'ambiance du ré pour l'établir en fa. C'est de là qu'elle repart pour l'enthousiaste montée de prope est et l'accent de nihil, admirable d'ardeur communicative. La détente se fait tout au long de la thésis qui vient rimer avec celle de la phrase précédente et ramène, pour la fin, la discrétion du début. C'est encore la période d'attente, et la joie, si elle doit dominer un instant les soucis, ne les enlève pas. Il faut les porter, sans la perdre ; d'où le conseil de la prière. Il est donné sur un ton qui ne manque pas de chaleur, avec le pressus de omni, le beau motif ascendant de oratione, la distropha de innotéscant ; mais qui revêt aussi la modération passible d'un avis pratique.
Le Psaume, qui est comme la réponse du peuple à l'invitation qui lui est adressée, et bien servi par la formule toute joyeuse du 1er mode.