Venez, ô vous qui cherchez la paix, qui aimez le bien immuable, qui avez jusqu'ici travaillé en vain, qui êtes accablés sous l'amour de ce monde périssable. Venez, dis-je, et je vous raconterai gratuitement combien de choses Dieu a faites à mon âme. Je vous communiquerai, pour la gloire de Dieu et votre avancement, ce que j'ai perçu secrètement dans le plus intime de mon cœur. J'étais à une époque semblable à vous, cherchant avec un désir inquiet et bouillant la paix dans les choses extérieures, sans la trouver. Enfin, prévenu par la grâce divine, pendant que je travaillais ainsi, une personne très belle, plus resplendissante que le soleil, plus odoriférante que le baume, daigna m'apparaître; j'ignorais absolument son nom. Elle s'approcha, d'un visage gracieux, et d'une voix douce me dit : « O jeune homme, qui devez être aimé en moi, pourquoi répandez-vous votre cœur, et, poursuivant la paix, vous dispersez-vous dans une multitude de choses ? Ce que vous cherchez est en moi; ce que vous désirez, je vous le promets et vous le garantis, si cependant vous voulez m'avoir pour épouse. » A la parole de cette personne, je le confesse, mon, cœur défaillit, et je fus transpercé du trait de son amour. Une certaine joie inaccoutumée remplit mon âme, et tout ce qui est au dedans de moi fut inondé d'une spirituelle allégresse. Dans cet état, comme je souhaitais beaucoup savoir son nom, sa dignité, sa naissance, elle ajouta qu'elle s'appelait et qu'elle était la Sagesse de Dieu, qui, dans la plénitude des temps, pour la réconciliation des hommes, a pris la forme humaine, et, invisible auparavant avec le Père, a pris de sa mère la nature visible, afin d'être plus facile à aimer. Lorsque j'y eus consenti avec une joie immense, elle me donna le baiser de paix et s'en alla. Et alors et depuis, la flamme de son amour s'est accrue, le souvenir en est resté vivant, l'abondance de sa douceur persévère. C'est donc elle que j'aime comme mon épouse, c'est elle que j'embrasse comme mes délices, c'est par elle que j'ai goûté, de quelque façon, le bien de la paix, que je cherchais auparavant. C'est pourquoi je vous exhorte tous avec confiance de courir à elle, sachant qu'elle reçoit avec beaucoup de joie tous ceux qui s'en approchent, qu'elle les enivre du breuvage de la paix, si bien qu'ils ne peuvent plus avoir soif.
Fasciculus amoris, c. 16
Cité par Rohrbacher, Histoire universelle de l’Eglise catholique, t.9.
On trouve sur Google Books son Traité de la spirituelle et chaste alliance du Verbe avec l'âme, dont j’avais cité l’an dernier les magnifiques dernières pages.