(…) Il est prouvé en effet, par des documents sérieux et indubitables que Calasance fonda la première école publique de l'Europe pour l'instruction gratuite des enfants pauvres et abandonnés; il le fit dans cette ville de Rome, à l'église de Sainte Dorothée, près du pont de Xyste, en l'année 1597. C'est d'ailleurs depuis son ordination sacerdotale reçue en Espagne, sa patrie, alors qu'il était Vicaire général du diocèse d'Orgel, que le Serviteur de Dieu se sentit appelé d'en haut à s'attaquer à cette œuvre si salutaire et si indispensable à son époque. On raconte, en effet, que lorsqu'il séjournait dans cette ville, il entendit une voix intime lui répéter à plusieurs reprises : Va à Rome, Joseph, va à Rome. Comme, l'esprit divisé, il hésitait, il vit en songe une multitude innombrable d'enfants. Lui-même exhortait ces esprits encore tendres et ces cœurs juvéniles et les instruisait dans les domaines de la piété et des lettres en les enseignant. Joseph se souvint de cette vision lorsque, venu à Rome, il vit un jour, en traversant une place publique, une véritable armée d'enfants exposant des choses honteuses avec une telle licence qu'ils faisaient la preuve plus que suffisante de leur précoce corruption. Sitôt qu'il a reconnu ces choses, il est pris de pitié, et entend en lui-même ces paroles du Saint-Esprit : « Voilà que le pauvre est abandonné : tu seras le secours de l'orphelin. » Calasance fonde alors, comme Nous l'avons dit, ces Ecoles qu'il voulut qu'on appela pies, montrant ainsi clairement leur nature et leur fin. Notre Seigneur et sa très Sainte Mère ne cessaient jamais de les protéger manifestement au travers des difficultés, adversités et nombreuses persécutions. Beaucoup de Nos prédécesseurs, depuis leur fondation, leur témoignèrent leur faveur bienveillante.
Clément VIII, en effet, dès qu'il eut connaissance de la décision de Calasance d'éduquer gratuitement les enfants du peuple, couvrit l'entreprise de son patronage et il eût approuvé officiellement les Écoles pies s'il n'en avait été empêché par la mort. Paul V déclara que l'œuvre de Joseph avait « Dieu pour auteur » et en 1617, institua la Congrégation des Écoles Pies qu'il voulut qu'on nommât de son nom « Pauline ». Grégoire XV à qui Joseph, éclairé par la lumière divine, avait prédit son élection au Souverain Pontificat, fut le principal ami du Saint et de ses compagnons : par sa Constitution apostolique « In supremo apostolatus solio » de l'an 1621, il éleva la Congrégation Pauline au rang d'Ordre religieux et approuva peu après ses Constitutions; Urbain VIII défendit que d'autres usent du nom des Écoles Pies dans un but lucratif; Alexandre VII introduisit la cause de Béatification de Joseph; Clément IX approuva et confirma toutes les faveurs et tous les privilèges concédés par Grégoire XV à l'ordre des Écoles Pies; Clément XI déclara de même solennellement que la mission de Joseph lui avait été inspirée du ciel spécialement « pour montrer l'exemple d'une éducation universelle chrétienne et populaire ». Benoît XIV ensuite, qui appela Calasance le « Job de la loi de grâce », le plaça au nombre des « Bienheureux » il y a exactement deux siècles, comme Nous le disions plus haut. Clément XIII le recensa dans l'album des Saints en l'année 1767. Enfin Benoît XV, d'heureuse mémoire, à notre époque en un document édité en 1917, sanctionna hautement le primat du Saint fondateur des Écoles pies en ce qui concerne l'éducation gratuite des enfants pauvres. Rien d'étonnant dès lors si les Écoles pies, appuyées par de tels secours célestes, encouragées par tant de louanges et de suffrages et protégées contre leurs détracteurs, ont pu se répandre en peu de temps en Italie, en Europe et en Amérique, produire partout des fruits abondants de vertu, et de science et y fleurir encore aujourd'hui pour l'ornement et la joie de la Sainte Église et pour l'utilité de la jeunesse chrétienne. De celle-ci, Saint Joseph Calasance doit être considéré comme un des Pères les plus importants et un Maître très aimé. Nous avons rappelé toutes ces choses à votre souvenir et désirons nous attacher à suivre les traces de tous les Pontifes romains qui Nous précédèrent dans cette chaire de Pierre durant ces trois derniers siècles. Notre cher fils, le Procureur général de l'ordre des Pauvres Clercs réguliers des Écoles pies de la Mère de Dieu, exprimant le vœu de tout son Ordre, Nous a demandé humblement mais instamment de perpétuer la mémoire de la célébration de ce double centenaire dont Nous avons parlé et de daigner choisir dans Notre bienveillance, Saint Joseph Calasance comme Patron de l'éducation populaire, suivant un vœu déjà ancien des fils de Calasance, autrefois manifesté au Siège Apostolique. Nous avons bien volontiers décidé d'accéder à ce désir. C'est pourquoi, ayant pris l'avis de Notre Vénérable Frère le Cardinal S. E. R. Clément Micara, évêque de Velletri, et Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites, par la teneur des présentes Lettres, et la plénitude de Notre pouvoir Apostolique, Nous constituons, choisissons et déclarons à jamais Saint Joseph Calasance, Confesseur, Patron céleste auprès de Dieu de toutes les écoles chrétiennes populaires existantes partout dans le monde, nonobstant toutes choses contraires.
Lettre de Pie XII, 13 août 1948, à l’occasion du troisième centenaire de la mort de saint Joseph Calasanz. Si Benoît XIV (avant même d’être pape et de le béatifier) avait appelé Joseph le « Job de la loi de grâce », c’est parce qu’entre autres avanies, il avait été emprisonné par l’Inquisition, et qu’il vit peu avant sa mort sa congrégation florissante supprimée par un pape…