Le Sauveur déclare que le monde ne peut recevoir l’Esprit Saint, dans le même sens où il a été dit : « La prudence de la chair est ennemie de Dieu ; car elle n’est pas soumise à la loi et ne peut l’être » (Rom. 8,7). C’est comme si nous disions : L’injustice ne peut être la justice. Par ces mots « le monde », il désigne ici ceux qui sont pleins de l’amour du monde, amour qui ne vient pas du Père. C’est pourquoi, à l’amour de ce monde, que nous avons tant de peine à diminuer et à détruire en nous, est opposé « l’amour de Dieu, que répand dans nos cœurs l’Esprit Saint, qui nous a été donné » (Rom. 5,5). « Le monde ne peut donc recevoir cet Esprit, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît point » (Jn 14,17). L’amour mondain est dépourvu de ces yeux invisibles au moyen desquels on peut voir l’Esprit Saint, qui ne peut être vu que d’une manière invisible. « Mais vous, dit notre Seigneur, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera au milieu de vous et qu’il sera en vous » (Jn 14,17). Il sera en eux pour y demeurer ; il ne demeurera pas au milieu d’eux pour y être ; car le fait d’être en un lieu est antérieur à celui d’y demeurer. Mais afin que les disciples n’entendissent pas ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous », d’un séjour visible, comme celui que fait d’ordinaire un hôte chez celui qui lui donne l’hospitalité, il a expliqué ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous », en ajoutant : « Il sera en vous ».
L’Esprit Saint se voit donc d’une manière invisible ; et s’il n’est pas en nous, nous ne pouvons en avoir la connaissance. C’est ainsi que nous voyons aussi en nous-mêmes notre propre conscience. Nous voyons bien le visage d’un autre, et nous ne pouvons voir le nôtre ; au contraire, nous voyons notre propre conscience, et nous ne voyons pas celle d’autrui. Mais notre conscience ne peut jamais exister qu’en nous-mêmes, tandis que l’Esprit Saint peut être sans nous. Il nous est donné afin qu’il soit aussi en nous ; et, s’il n’est point en nous, il nous est impossible de le voir, de le connaître, comme il doit être vu et connu.
Saint Augustin, traité 74 sur saint Jean