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Mercredi Saint

L’évangile de ce jour est la Passion selon saint Luc. Du moins ce qu’il en reste depuis la réforme de 1955, qui a supprimé les 38 premiers versets. Comme pour les autres Passions, tout ce qui concerne la dernière Cène a été supprimé. Avec comme double résultat que l’on omet le lien entre l’institution de l’eucharistie et le sacrifice de la Croix, et qu’on ne chante ni ne lit plus jamais, à la messe, d’évangile sur l’institution de l’eucharistie… (Il reste toutefois l'institution de l'eucharistie dans la première épître de saint Paul aux Corinthiens, le Jeudi Saint et à la Fête Dieu.)

Le Mercredi Saint, cette coupure a en outre pour effet de supprimer ce propos de Jésus : « Car, Je vous le dis, il faut encore que cette parole qui est écrite s'accomplisse en moi: Il a été mis au rang des scélérats. »

C’est ainsi que traduisent Sacy et Fillion. On voit aussi : « compté parmi les criminels », « au nombre des malfaiteurs »… La Vulgate clémentine a « cum iniquis », et la Vulgate de Stuttgart a opté pour « cum injustis » avec la majorité des manuscrits. Le texte grec dit : « méta anomon ». Au sens propre les « sans-loi ». Les hors-la-loi.

Ce qui importe surtout est que Jésus fait explicitement une citation de l’Ancien Testament, dont il souligne qu’elle prophétisait sa Passion. Il s’agit d’Isaïe 53,12. Dont le texte grec dit : « en tois anomois ». La préposition est différente mais le nom est le même, et le sens aussi : il est compté au nombre des sans-loi. Les anciennes versions latines avaient traduit « cum iniquis ». On voit aussi « inter iniquos », ou « cum sceleratis ». Saint Jérôme a vu dans l’hébreu : « cum sceleratis ». Le texte massorétique a « et poshiym », littéralement « avec les transgresseurs » (de la Loi).

Or cette terrible citation d’Isaïe qui fait de l’Auteur de la Loi un sans-loi, de l’Innocent un criminel, du Juste par excellence un parangon de l’injustice et de l’iniquité, cette citation d’Isaïe figure dans la lecture proclamée en cette messe avant l’évangile. Et elle se trouve dans son contexte, qui explicite l’allusion faite par Jésus : c’est cette page bouleversante qui raconte littéralement la Passion :

Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun de nous suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, etc.

Or cette prophétie d’Isaïe avait été incluse dans cette messe parce qu’elle correspondait à l’évangile de saint Luc, en ce jour qui précède le Triduum. Il est très regrettable que ce lien ait été brisé, par les « réformateurs » qui sévissaient déjà au Vatican.

Commentaires

  • Pour le coup, dans le lectionnaire de 1970, la Passion de st Luc commence au verset 14, par l'eucharistie. (elle est lue une fois tous les 3 ans aux Rameaux, en alternance avec Marc et Matthieu)..
    La citation d'Isaïe figurait dans l'évangile d'hier, mais, il est vrai, comme un commentaire de l'évangéliste, et non comme une phrase de Jésus.
    Je vous souhaite un beau et fervent Triduum.

  • Merci, je n'étais pas au courant de cela.
    Pourquoi un tel raccourcissement ? Pour réduire la durée de la messe ?

  • D'après ce que j'ai lu, aucun des documents que nous avons sur la réforme de 1955 ne donne d'explication...

    Il semble qu'on doive trouver évident qu'il fallait raccourcir la Passion...

  • De même le passage de douze à quatre prophéties à la Vigile Pascale...

  • J'avoue être un peu perdu au cours de la semaine sainte avec mon missel édité en 1954.
    Et je me suis fait la même réflexion que l'auteur de ce blog sur la suppression du passage de la Cène pendant les différentes lectures de la Passion (deux pour l'instant).
    Je savais que la réforme de Pie XII sur la semaine sainte était conséquente, mais à ce point quand même!
    Il est d'ailleurs ahurissant que ne soient pas mieux connus les motifs de cette réforme et notamment de ce raccourcissement. Car enfin toute loi est dotée d'un préambule exposant ses intentions. Alors s'il est possible de réformer la liturgie par décret sans en donner les motifs...

  • Petite particularité intéressante, en ce Mercredi saint :
    A Laudes, le Bréviaire Monastique (jusqu'en 1963) a conservé les 3e et 5e antiennes du Bréviaire Romain dont le texte provient de psaumes présents dans l'antique distribution du Psautier romain :
    3/ Ipsi vero * in vanum quæsiérunt ánimam meam, introíbunt in inferióra terræ (Psaumes 62-66)
    5/ Alliga, Dómine, * in vínculis natiónes Géntium, et reges eárum in compédibus. (Psaumes 148-149-150)
    Or, le cursus monastique ne connaît le psaume 62 que les dimanche et fêtes.
    Étonnant aussi, parce que les 3e et 4e dimanches de Carême, le Bréviaire monastique de 1884 a déjà les 3e antiennes que prendra le romain après la dissociation du psaume 66 du 62 (1911) et a donc des antiennes qui correspondent au psaume (en l’occurrence le 62)...

  • Mais la liturgie monastique n'a-t-elle pas toujours adopté la liturgie romaine pour la semaine sainte ?

  • A partir des matines du Jeudi.

  • A Alexandre.

    Merci. Mais la seule particularité que je vois, c'est la 3e antienne du Mercredi Saint qui en effet correspond au psaume 62 du dimanche (monastique).

    La 5e antienne correspond au psaume 149 qui est effectivement celui qui est chanté, comme tous les jours (hors Triduum).

    Et les troisièmes antiennes des 3e et 4e dimanche de carême correspondent très normalement au psaume 62 qui est toujours le troisième psaume des laudes du dimanche.

    Ou alors je n'ai pas compris.

  • Au fait, est-ce qu’on sait pourquoi le bréviaire monastique suit le bréviaire romain pour le Triduum ? Ça fait vraiment bizarre, chaque année, d’avoir à changer d’ordo pour ces trois jours. Surtout que, si je ne me trompe, il s’agit du bréviaire trafiqué par saint Pie X.

  • A Yves Daoudal :
    L'alignement du Monastique ne concerne pas que le triduum. Sauf erreur (mais je suis loin de mes chers livres et ne puis vérifier...) l'office des défunts est aussi concerné. De plus, après 1911, le Monastique a adopté les cantiques festifs du nouvel "Ordo psallendi" romain, ce que je trouve heureux et qui plus est, selon la lettre de la Sainte Règle. Plus généralement, il faudrait lire attentivement les documents romains - en latin... - publiés en tête des bréviaires monastiques pour connaître l'influence romaine sur le BM, car je pense qu'elle dépasse ces deux occasions.

    Pour revenir aux laudes d'aujourd'hui, oui, seule la 3e antienne "dénote", mais le Monastique aurait pu s'aligner sur toutes les antiennes puisque, toujours sauf erreur, elles ne viennent pas des psaumes,

    Enfin, pendant le triduum, c'est bien sur le Romain 1911 que s'aligne le Monastique, mais il y a moins de casse qu'ailleurs !

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