Un autre exemple de « lissage » indu de la traduction de saint Luc et de flagrant délit d’harmonisation entre les évangiles : Luc 13,17 :
TOB :
Toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu'il faisait.
Pirot-Clamer :
Toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu'il opérait.
Crampon :
Toute la foule se réjouissait de toutes les choses merveilleuses accomplies par lui.
Bible des peuples :
Tout le public était en joie pour tant de merveilles qu’on lui voyait faire.
Jésus fait des merveilles, en latin mirabilia, en grec thaumata (comme thaumaturge). Jésus est Dieu et donc il accomplit les « mirabilia Dei » dont parle tant l’Ancien Testament. Mais ici saint Luc n’emploie pas ce mot. Il en emploie un autre. Il n’y a donc aucune raison de traduire par « merveilles », en supprimant ce qui fait l’originalité de ce verset.
Saint Luc dit endoxois. De doxa, la gloire. Dans l’évangile puis dans la liturgie, spécifiquement la gloire divine. Jésus fait des choses glorieuses qui manifestent sa gloire divine. C’est une autre façon de parler des mirabilia, qui ajoute encore à l’expression de la divinité du Christ. La Vulgate dit : quæ gloriose fiebant ab eo : « ce qui se faisait glorieusement par lui » (le grec dit exactement : « (les choses) glorieuses se faisant par lui »).
Osty et la Bible de Jérusalem n’ont pas « merveilles », mais refusent de parler de la gloire, et parlent de « choses magnifiques ». C’est une traduction possible, mais qui rejette à tort le fait que saint Luc a voulu parler de la gloire. Il s’agit de « choses glorieuses », d’« événements de gloire », d’« accomplissements glorieux ».
Les Bibles protestantes hésitent entre « merveilles », « choses magnifiques » et « choses glorieuses ». On remarquera que la Bible Second disait correctement « choses glorieuses », et que la « Second 21 » (pour XXIe siècle, je suppose), qui se vante d’être « le fruit de 12 ans de travail », tombe dans les « merveilles »…
Commentaires
Glané dans une bible protestante de la mouvance darbyste (qui traduit correctement) : le terme de "choses glorieuses" reprend en plus celui de "glorifier Dieu" qui se trouve quelques lignes plus haut (v. 13). S. Luc ne peut pas l'avoir fait par hasard. Si la femme rend gloire à Dieu, c'est parce que Jésus fait des choses glorieuses. La traduction s'impose absolument.
Même sans lire le grec, la vulgate est claire et n'a pas plus de raison de mal traduire que des traducteurs qui se sont remis à l'ouvrage bien des siècles plus tard!
Gloriosus n'a jamais correspondu à une idée de merveilleux, alors pourquoi veulent ils extrapoler si ce n'est pour acquérir une petite gloire en inventant une nouvelle traduction et s'ils ne sont pas des traducteurs glorieux ils sont des traducteurs bien fanfarons!
Merci de toutes ces remarques linguistiques.
Faut-il incriminer une sensibilité des traducteurs à un certain pàlissement du concept de gloire et du vocabulaire correspondant ?
On peut regarder la fréquence d'emploi des mots sur Google Books Ngram Viewer entre 1800 et 2000. Les mots 'gloire', 'glorieux', 'glorieuse', 'glorieuses' voient leur fréquence chuter nettement, voire spectaculairement.. idem pour l'anglais 'glory', 'glorious'. En revanche, l'érosion est bien plus limitée pour les mots suivants : merveille, merveilles, merveilleux, merveilleuse, merveilleuses. Donc, relativement, en tout cas sur les deux derniers siècles le vocabulaire de la gloire tend à se démoder par rapport à celui de la merveille.
mettez vous à la place du lecteur : choses merveilleuses on comprend ; chose glorieuses c'est quoi ?
Que pensez-vous alors des deux traductions suivantes ?
Glaire : "... de toutes les choses qu'il faisait avec tant d'éclat."
Bible de la Liturgie (2013) : "... à cause de toutes les actions éclatantes qu'il faisait."
Dans l'absolu on peut traduire par "éclatant". Mais il ne faut pas évacuer, ici, la "gloire", la gloire divine, à laquelle le texte fait manifestement allusion, et qui, comme le remarque fort bien éric (premier commentaire), est un écho de la femme guérie qui "rend gloire à Dieu",
Les traductions se doivent d'apporter du "nouveau" pour faire croire qu'elles sont meilleures que les anciennes, selon le sophisme : c'est nouveau donc c'est mieux. Or la foi palissant, les choix des traducteurs suivent. Ce qui est d'ailleurs curieux c'est d'aller chercher de "bonnes solutions" chez les protestants qui plus que tout les autres ont déformé le texte, souvent à dessein.
Jésus fait des signes, démontre sa divinité par la puissance de ce qu'il fait, il manifeste par là, la gloire de Dieu, et on laisse le merveilleux pour les faibles.
Toutes ses remarques linguistiques sont de première importance pour la théologie, pour la foi.
«...tout le peuple était ravi de lui voir faire tant d'actions glorieuses.» selon dom Calmet, Bible dite de Vence, et «...toutes les troupes se réjouissaient de toutes les choses glorieuses qu'il opérait. » selon le pasteur David Martin.
J'adore vos remarques sur les traduction. En plus de leur intérêt, ils me font ouvrir des ouvrages achetés, il faut bien le dire, pour la beauté des gravures et/ou des reliures.
Sauf erreur, les traductions des XVIe et XVIIe siècles en anglais, français, espagnol, faites sur le grec ou sur la Vulgate, avaient toutes gardé la notion de gloire. Luther a "herrlich" : les germanistes nous diront si le sens ou la connotation a évolué depuis l'époque.
à Curmurdgeon
Der Herr: le Seigneur Dieu (sens religieux)
herrlich: qui appartient à Dieu, de Dieu, divin.
Sens moderne: merveilleux, formidable, majestueux, divin
Comme Herrlich quelques synonymes ramènent à Dieu:
göttlich: de Dieu, divin
himmlisch: céleste, divin, admirable, sublime
paradiesisch: paradisiaque
in seiner ganzen Herrlichkeit == dans toute sa Gloire
Donc herrlich rend bien le sens de Gloire de Dieu