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18e dimanche après la Pentecôte

L’évangile est celui de la guérison du paralytique, où Jésus affirme qu’il a le pouvoir de remettre les péchés. L’Eglise a choisi le texte de saint Matthieu, dépouillé de la plus grande partie du pittoresque de saint Marc (qui bien évidemment n’est pas seulement pittoresque). Est-ce pour permettre au prédicateur de raconter toute l’histoire et de la mettre en scène ?

Ou peut-être est-ce plutôt pour que l’attention se porte sur l’essentiel. L’essentiel que seul Matthieu dit explicitement et de façon exhaustive alors qu’il est si elliptique dans sa narration.

L’essentiel, c’est que Jésus est Dieu et qu’il s’est incarné pour donner aux hommes le pouvoir divin de remettre les péchés.

L’incarnation est soulignée dans le premier verset : « Et, étant monté dans une barque, il traversa et alla dans sa ville. » Pourquoi mentionner un fait aussi inintéressant, alors que l’on va omettre tout le début de l’histoire de la guérison du paralytique ? C’est pour montrer que Jésus est bien un homme comme les autres, au point même que comme les autres il est l’habitant d’une ville déterminée : il va dans « sa » ville, il est un citoyen de Capharnaüm.

Mais cet homme a le pouvoir de remettre les péchés. Il dit bien qu’il a le pouvoir de remettre les péchés, et non de simplement « pardonner ». Il est significatif que toutes les traductions protestantes (et la soi-disant Bible de la liturgie catholique, bien sûr !) traduisent de façon fautive par « pardonner ». Mais remettre les péchés, c’est autre chose que pardonner. L’homme peut pardonner à son frère. Seul Dieu peut remettre, comme on remet une dette : elle n’existe plus, le chirographe est déchiré et détruit. Quand Dieu remet le péché c’est comme si le péché n’avait pas existé. Or il a existé. La remise des péchés est une re-création, dont seul Dieu est capable.

Donc Jésus est Dieu. (Ou c’est un blasphémateur qui mérite la mort, et qui sera mis à mort pour cela même.)

Et là vient la finale originale de saint Matthieu : les foules « glorifièrent Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes ». En effet, Dieu, par Jésus-Christ, a donné aux hommes ce pouvoir divin de remettre les péchés, par le sacrement de pénitence. Ce que les protestants refusent de comprendre, alors que c’est en toutes lettres dans l’Evangile…

parlalytique.jpg

Illustration d’un lectionnaire syriaque de Mossoul – N’oublions pas les chrétiens de Mossoul qui ont tous dû fuir "leur ville" pour la première fois de l’histoire. Le paralytique guéri est assez marrant. Il n’en revient pas de ce qui lui arrive, mais il n’a pas l’air vraiment rassuré. Il a l’air d’avoir peur de recevoir sur la tête le personnage qui paraît tomber du toit… Je ne sais pas qui il est ni ce qu’il fait avec son espèce de baguette très fine. Ni d’ailleurs ce que représente l’espèce de tapis (?) aux arabesques…

Addendum

Excellente et très convaincante remarque de Gottschütz dans les commentaires: il ne s'agit pas du paralytique de ce dimanche mais de celui de la piscine probatique : ce n'est pas un tapis mais la piscine, et l'ange qui remue l'eau (sous les arcades du portique). C'est réconfortant d'avoir des lecteurs intelligents...

Commentaires

  • Marc n'est pas seulement pittoresque. Il est aussi, à travers Pierre dont il était l'interprète, un témoin visuel qui aime les détails concrets. S'il n'a pas lui-même suivi le Christ, il fut pourtant, très certainement, témoin de sa Passion à Jérusalem. C'est pourquoi tout le schéma de la Passion dans les quatre évangiles provient du récit de Marc, auxquels les trois autres, et surtout Jean, ont pu ajouter des renseignements authentiques.

  • Pourriez-vous indiquer où trouve-t-on dans le NT le verbe pardonner? Je vois bien la différence entre pardonner et remettre les péchés, mais par exemple en Matt 18,21 et 18,35, et dans le Pater, c'est toujours le même verbe "aphairéô". En latin il y a parcere, mais est-il utilisé dans le NT dans le sens de pardonner (avec l'intention de le distinguer de remettre les péchés)?

  • Vous avez raison. Dans le grec du Nouveau Testament il n'y a qu'un seul verbe, qui est aphiémi : ἀφίημι, dont le sens, en grec classique, est très vague et dépend du contexte: envoyer, abandonner, laisser aller, etc. Dans le Nouveau Testament, il a le sens d'abandonner une créance, remettre une dette (la dette du péché). C'est son sens principal, et c'est celui que souligne Jésus dans ce passage. Plus loin, dans le même Evangile selon saint Marc, Jésus dira que si l'on ne pardonne pas à son prochain Dieu ne nous pardonnera pas non plus. C'est le même verbe, et c'est celui du Pater. Que le latin traduira par "dimittere", et le français par "pardonner". Le point de vue est celui de la moralité humaine: je dois pardonner si je veux que Dieu me pardonne. Mais Jésus montre que de la part de Dieu cela va bien plus loin: il ne se contente pas de pardonner, il efface réellement la dette.

    Ici, Jésus, en tant qu'homme, n'a rien à pardonner au paralytique, qui ne lui a rien fait. Il s'agit donc forcément de "remettre", ce que les pharisiens ont tout de suite compris malgré l'ambiguïté du terme grec.

  • J'ai l'impression que l'illustration ne se rapporte pas au paralytique d'aujourd'hui, mais au grabataire de la piscine que l'Ange vient agiter...

  • Les chrétiens de Mossoul ont fui effectivement et vivent maintenant à Erbil - capitale du Kurdistan irakien - dans le quartier chrétien d'Ankawa.
    J'ai assisté à plusieurs messes là-bas et à plusieurs reprises l'église St Joseph a été plongée dans le noir absolu suite à une panne de courant.
    Sur ce sujet, je propose un petit article par ici :
    http://leblogdegrog.blogspot.com/2015/09/sans-lui-les-kurdes-ne-pourraient-pas.html

  • Les rapports entre Évangiles doivent peut-être mis en rapport avec le contexte de leur rédaction ; pour ceux que cela intéresse, voici un lien vers les travaux du Père Frédéric Guigain selon qui les Synoptiques plaquent les trois années du ministère public su Seigneur sur les cycles de la prédication synagogale ; la table de correspondance qu'il établit entre les lectures de l'AT selon le cycle liturgique juif au premier siècle et l'ordre de chaque synoptique (ici Matthieu) est en tout cas intéressante ; si cela est vrai, cela mériterait d'être davantage connu car cela expliquerait bien des choses.

    http://www.eecho.fr/referentiel-liturgique-de-levangile-de-mt-exemple/

    https://www.youtube.com/watch?v=qSpM-NqlpEE

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