Voici une lettre de saint Jean Eudes, au cardinal Grimaldi, archevêque d’Aix, qui lui avait demandé de lui parler de ses séminaires (février 1664). Le premier qu’il avait créé fut celui de Caen. Il était le symbole du renouveau de la formation du clergé en France, dans le mouvement de la contre-réforme. Signe des temps, il a fermé ses portes en février dernier...
On verra d’autre part à quel point saint Jean Eudes était indifférent à la liturgie (et formait des prêtres indifférents à la liturgie, ce qui explique la suite des événements). C’était presque universel en Occident depuis la catastrophe de la Renaissance, mais même les carmélites n’allaient pas aussi loin, puisque si les heures étaient récitées sans tenir le moindre compte du symbolisme des heures (souligné notamment dans les hymnes), elles disaient quand même les complies le soir, et non au début de l’après-midi… Et il n’y a la messe que deux fois en semaine…
Monseigneur,
Me voici aux pieds de votre Éminence pour recevoir s'il vous plaît sa sainte bénédiction, et pour lui rendre mille grâces de la faveur qu'elle nous a faite d'avoir écrit à Rome, et la supplier très humblement de nous continuer l'honneur de sa bienveillance et de sa protection, puisqu'il est vrai que, par la grâce de Dieu, nous ne cherchons autre chose que la gloire de sa divine Majesté et le salut des âmes.
Ensuite, entrant en matière, pour satisfaire à ce qu'il plaît à Votre Éminence de m'ordonner, je dirai:
1. Que nos quatre maisons (de Caen, Coutances, Lisieux et Rouen) sont unies en Congrégation sous une même règle et une même conduite, sans aucun préjudice de la dépendance que chacune a de son Prélat, qui a sur elle l'autorité qu'il a sur tous les autres lieux et personnes du diocèse qui sont sous sa juridiction épiscopale.
2. Que le Supérieur de chaque maison est choisi par le Supérieur de la Congrégation, et présenté à Mgr l'Évêque diocésain pour en être approuvé et confirmé, s'il lui agrée, ou, s'il ne lui est point agréable, on est obligé de lui en présenter un autre.
3. Que tous ceux de la maison, tant les nôtres que les Séminaristes, sont sous la conduite du Supérieur de la dite maison.
4. Que nous n'avons de fonds que pour la subsistance des nôtres, et qu'en attendant que Dieu donne à nos Prélats la volonté de faire ce que Votre Éminence a fait pour son Séminaire, ou qu'il y pourvoie de quelque autre manière, les Séminaristes paient leur pension, qui est, à Coutances de 200 livres; à Caen et à Lisieux, où l'on ne vit pas à si bon marché, de 250 livres; et à Rouen, où les vivres sont encore plus chers, de 300 livres.
5. Comme nos maisons sont en Congrégation, et qu'elle est sous la conduite d'un Supérieur, les sujets passent d'une maison à une autre, comme dans les autres Congrégations, ce qui est nécessaire et très utile pour plusieurs raisons; et on en prend de toutes les maisons pour travailler aux missions, selon le besoin qu'on en a; car plusieurs s'ennuient d'être toujours en un même lieu; on se dégoûte d'entendre toujours les mêmes; quelques-uns font des attaches dangereuses, et souvent l'antipathie des humeurs oblige de faire ces changements. C'est pour toutes ces raisons qu'il est nécessaire, pour faire subsister les Séminaires et les rendre utiles à l'Église, qu'ils soient unis et sous une même conduite: à raison de quoi saint Charles [Borromée] établit la Congrégation des Oblats [de saint Ambroise] à laquelle il donna la conduite de ses Séminaires.
Je n'ai pas ici les règles des nôtres; voici néanmoins les principales: On se lève à 4 h. l/2, et l'on commence à 5 h. l'oraison qui dure jusques à 6 h. On récite ensuite en communauté les Petites Heures, après quoi on fait, trois fois la semaine, une répétition de l'oraison, et chacun se retire en sa chambre.
Depuis 10 h. jusques à 11 h. 3/4, on fait une leçon de théologie.
A 11 h. 3/4, les litanies et l'examen de conscience, qui est suivi du dîner.
Après dîner, la conversation ou récréation jusques à 1 h. l/2, ensuite les cérémonies ou le chant.
A 2 h. Vêpres et Complies; à 3 h. la théologie pour les ordinands jusqu’à 4 h.
Depuis 4 h. jusqu'à 5 h. conférence sur le Manuel pour Messieurs les Curés.
A un quart avant 6 h. Matines et Laudes, les litanies de la sainte Vierge, ensuite le souper et la récréation jusques à 8 h.
A 8 h. on propose des cas de conscience durant une demi-heure, on fait la prière, on lit le sujet de la méditation.
On sonne la retraite à 9 h. l/2, et l'on se couche.
On chante des grand'messes deux fois la semaine, et Vêpres toutes les fêtes et dimanches.
On fait une conférence spirituelle une fois la semaine, et le samedi au soir on en fait une autre sur l'Évangile du dimanche, au lieu des cas de conscience...
Nous finissons cette mission [de Meaux] à laquelle Dieu a donné de très grandes bénédictions.
Monseigneur de Châlons en Champagne nous en demande une pour cette ville, pour le commencement du mois d'octobre prochain; mais je ne sais pas encore si nous pourrons la faire. Je m'en retourne à Caen pour en faire [une] après Pâques, dans le Cotentin.
Commentaires
Il parle de 2 grand-messes en semaine, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de messes basses.
Et les prêtres sont tenus à la récitation du bréviaire tous les jours (c'est obligatoire), mais ne sont tenus qu'à la messe du dimanche et fêtes. Il est recommandé pour leur sainteté de dire une messe quotidienne, mais ce n'est pas obligatoire (code 1983 (can. 276, § 2 n. 2))
Et le droit canon de 1917 titre 3 ne recommande pas de dire la messe tous les jours
début citation "805 - Tous les prêtres sont tenus par l'obligation de célébrer la messe plusieurs fois par an; l'évêque ou le supérieur religieux veillera à ce qu'ils le fassent au moins tous les dimanches et autres jours de précepte..
Les réformes de Vatican II ont dévalorisé le bréviaire qui est dit en un mois, alors qu'il l'était en une semaine.
806 - p.1 Sauf au jour de la Nativité de Notre-Seigneur et à celui de la commémoraison de tous les fidèles défunts, car alors existe la faculté d'offrir trois fois le sacrifice eucharistique, il n'est pas permis au prêtre de célébrer plusieurs messes par jour, sauf après indult apostolique ou autorisation de l'Ordinaire du lieu.
p.2 Cet Ordinaire ne peut donner cette autorisation que s'il estime avec prudence qu'à cause de la pénurie de prêtres une partie des fidèles ne pourrait assister à la messe un jour de précepte; il n'est pas dans son pouvoir de permettre plus de deux messes au même prêtre." Fin de citation.
L'obligation de réciter le bréviaire quotidiennement est absolue, ce qui met en lumière l'importance des psaumes pour l'Eglise et cela peu de fidèles le savent.
Il est bien évident que si le droit canon avait imposé la messe quotidienne il y aurait eu la messe quotidienne. Mais, en tant que fidèle allant à la messe chaque jour, je n'arrive pas à m'imaginer en prêtre ne disant pas la messe tous les jours.