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Le pape, le pallium, et Kasper

A priori la décision du pape de donner désormais le pallium aux archevêques en catimini, et de transférer la cérémonie publique dans les diocèses, n’attire pas tellement l’attention. Sinon, comme je l’ai dit, que le pape supprime un beau symbole, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il ne sait pas ce que c’est.

Mais Luc Perrin, sur le Forum catholique, a mis le doigt sur ce qui est important :

Déplacer l'accent de Rome à l'Église locale, c'est très exactement la thèse du théologien de référence du pape, à savoir le cardinal Kasper : thèse à laquelle saint Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger s'étaient opposés dans une controverse ecclésiologique majeure et publique au début des années 2000.

La controverse était née du document publié en 1992 par la congrégation pour la doctrine de la foi (présidée par le cardinal Ratzinger) intitulé Lettre aux évêques de l’Eglise catholique sur certains aspects de l’Eglise comprise comme communion. Le texte rappelait, face à certaines dérives postconciliaires (notamment à Walter Kasper qui n’était pas nommé), en s’appuyant sur les textes de Vatican II (Lumen gentium et Christus Dominus) ainsi que des pères, de Paul VI et de Jean-Paul II, que « l’Eglise une et unique » précède ontologiquement et chronologiquement les « Eglises particulières ».

En 1999, Walter Kasper publiait un livre où il reprenait une fois encore ses thèses. Le 27 février 2000, le cardinal Ratzinger, dans une conférence tenue en tant que préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, défendait le document de 1992 et condamnait explicitement la thèse inverse de Walter Kasper sur les Eglises particulières qui précèdent l’Eglise universelle.

L’année suivante, Walter Kasper publiait un grand article (en anglais et en allemand) pour répondre à Joseph Ratzinger, c’est-à-dire au gardien du dogme.

Il suffit de lire ce texte pour comprendre que le « débat » dont parle Kasper n’existe pas. Il s’agit de deux discours qui ne se situent pas du tout sur le même plan. Le cardinal Ratzinger parle d’abord de la révélation, de la théologie de l’Eglise mystère, corps du Christ. Le cardinal Kasper parle essentiellement de l’Eglise comme d’une réalité sociologique. De ce fait il ne voit qu’un jeu de pouvoir entre ce qu’il dit être l’Eglise universelle qui est pour lui le pape et la curie, et les Eglises locales, les diocèses, donc les évêques, qui sont brimés par Rome qui ne leur laisse prendre aucune initiative…

Le discours du cardinal Kasper est en fait politique. Il est significatif que lorsqu’il parle des évêques il parle de leur « pouvoir », et non de leur charge.

En fait il suffit même de lire le premier paragraphe de son texte (après le paragraphe introductif) pour comprendre de quoi il s’agit. Il explique en effet que sa position « ne résulte pas d’un raisonnement abstrait mais d’une expérience pastorale ». Ce que le cardinal Kasper appelle « raisonnement abstrait », c’est l’Eglise vue comme mystère, comme corps du Christ, comme communion. Et ce qu’il appelle « expérience pastorale », ce sont les revendications progressistes à l’égard du pouvoir central romain conservateur. Il est ainsi tout à fait remarquable que dès ce premier paragraphe le cardinal Kasper évoque… « le refus catégorique de la communion à toutes les personnes divorcées et remariées » !

A la lumière de ce débat qui n’en est pas un, on comprend que l’initiative du pape quant au pallium s’inscrit dans cette tentative de subversion de la constitution divine de l’Eglise. C’est un petit pas vers la reconnaissance de l’autonomie politique, en quelque sorte, des évêques. Ce qui est souligné par le fait que c’est le nonce apostolique qui remettra publiquement le pallium à l’archevêque. Le nonce, représentant du pape auprès des autorités politiques d’un Etat, et auprès de l’épiscopat de la nation en question. Et cela permet aussi d’aller dans le sens d’une reconnaissance des Eglises non seulement locales mais nationales, et de leurs conférences épiscopales, auxquelles François veut donner même des compétences « doctrinales » - ce qui est évidemment contraire à la doctrine catholique. Même Kasper ne va pas aussi loin. Il parle plus prudemment de compétences en matière de « discipline » - c’est toute la manœuvre à laquelle on assiste avec les synodes sur la famille.

N.B. - On constate que Walter Kasper a une conception de l'Eglise qui est celle de Vatican I et non de Vatican II, et une conception de l'épiscopat qui est la conception scolastique depuis longtemps obsolète.

Commentaires

  • Si le Pape François, les cardinaux Kasper, Forte, Marx etc... arrivent à cette inversion théologie, nous allons assister à un éclatement de l'Eglise, en églises locales, nationales. Comme c'est arrivé aux Protestants au XVIe siècle et suivants.
    Où est la recherche de l'unité? (qui est le retour à la seule Eglise Catholique fondée par Notre Seigneur). C'est le triomphe des erreurs protestantes. La modification de la "discipline" modifie la foi. (divorce détruit le sacrement de mariage, avortement détruit le 5e commandement, etc). Kasper le sait parfaitement, c'est son but, malgré ses déclarations hypocrites.
    Saint Pie X avait prédit tout cela.

  • "le véritable antéchrist sera un fils de luther", frère Joannès, prophétie du XVIe siècle

  • Les synodes dans l’Église ancienne avaient des compétences doctrinales. C'est trop clair.

  • En effet, les synodes étaient réunis en particulier pour régler le problème d'hérésies naissantes locales et pour confirmer l'orthodoxie., pas pour canoniser les erreurs. Et quand les synodes étaient aux mains des hérétiques, il fallait un concile pour mettre la doctrine au clair.
    Nous revivons la crise arienne: Kasper ne croit pas à la divinité du Christ, comme tous les disciples de Rahner (relire ce que raconte Leonardo Boff, admirateur de Rahner). Pour ces gens-là, l'Eglise n'est qu'une invention sociologique et donc évolutive à l'infini. Pour eux, les dogmes ne sont pas absolus et ne viennent pas de Dieu.
    Relisons St Pie X, tout y est:
    http://w2.vatican.va/content/pius-x/fr/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_19070908_pascendi-dominici-gregis.html

    http://dame-marie.e-monsite.com/medias/files/20-pascendi.pdf

  • @Dauphin (10h25) en attendant les progressistes sont tous aux points de manoeuvre essentiels, a commencé par ce Pape François et cie et par là les partisans de la doctrine sont « out » et à fond. Moi je me demande comment ils ont fait pour manoeuvrer dans la religion catholique, à croire que les cardinaux et évêques presque en totalité étaient d'accord et le voulaient. Je pense que c'est dans les universités mêmes du Vatican (Latran et autres) que ce plan a été mis en route en « formatant » les nouveaux séminaristes, qui mangent ce poison. En fait les universités « made in Vatican » forment des rebelles de coeur au catholicisme. C'est mon impression en tout cas.Pas en totalité mais en grande majorité. Par ailleurs vos avis sont vraiment digne d'intérêt et que je partage très souvent.

  • Qu'auriez-vous dit, Monsieur Daoudal, si c'était François Ier qui avait décidé, et non Benoît XVI, de ne plus procéder lui-même aux béatifications mais d'en déléguer le pouvoir aux Eglises locales, se réservant seulement les canonisations?... Vous seriez évidemment déchaîné contre François Ier, disant qu'il sabote l'Eglise catholique. Mais comme c'était une décision décentralisatrice de Benoît XVI... Chut. Qu'il délègue la remise du pallium à des nonces est du même ordre, et c'est même un sujet moins important que celui des béatifications. Mais vous détestez François Ier. Seulement souvenez-vous-en toujours : il est le Pape et il est souverain. Ses décisions obligent non seulement la terre mais elles obligent le Ciel même : relisez Matthieu 16,19. Prenez-en courageusement votre parti.

  • Contrairement à ce que vous laissez entendre c'est toujours le pape qui procède aux béatifications, par une lettre apostolique. Par cette lettre apostolique le pape permet le culte local du nouveau bienheureux. Il est donc logique que le rite de béatification soit effectué dans le diocèse du bienheureux. C'est d'autant plus logique que Jean-Paul II a fait davantage de bienheureux que tous les autres papes avant lui et qu'il était bon, très bon, vis-à-vis des fidèles qui ne savent plus rien, de faire ainsi une claire distinction entre béatification et canonisation.

  • De M. Daoudal : "A la lumière de ce débat qui n’en est pas un, on comprend que l’initiative du pape quant au pallium s’inscrit dans cette tentative de subversion de la constitution divine de l’Eglise." ======> Mon Dieu... Vous faites relever les modalités pratiques de la remise du pallium du même ordre que "la CONSTITUTION DIVINE DE L'ÉGLISE"... (sic). Pas moins... On aurait compris votre sur-énergie si François Ier avait supprimé l'institution même du pallium et de sa remise. De toute façon il suffit qu'il respire seulement pour que vous entriez en transes ordinaires.

  • François.... François... Personne n'aura étouffé l'Eglise par son omniprésence autant que ce personnage.... Et si on l'ignorait? La vie serait plus belle.

  • Je serais d'accord avec Eclair. Il dit de bonnes choses, suivons-les. Il en dit d'autres, on peut les ignorer. En quoi, nous laïcs, sommes-nous tourneboulés par une histoire de pallium ? L'Eglise va-t-elle s'effondrer pour cela ?
    Surtout qu'un autre pape peut remettre les choses en ordre pour "suivre la tradition" tout en se gardant bien de critiquer son prédécesseur.'

  • De M. Daoudal : "Contrairement à ce que vous laissez entendre c'est toujours le pape qui procède aux béatifications, par une lettre apostolique. Par cette lettre apostolique le pape permet le culte local du nouveau bienheureux. Il est donc logique que le rite de béatification soit effectué dans le diocèse du bienheureux. =========> Certes, Monsieur Daoudal, certes : c'est le Pape qui décide toujours d'une béatification, mais il en délègue à l'évêque local sa célébration publique, sans y être nécessairement présent lui-même. Même chose avec le pallium : c'est toujours lui qui décide du moment du feu vert de son octroi (car les sièges métropolitains et autres majeurs y ont droit automatiquement) sans qu'il l'impose nécessairement lui-même en personne. N'oubliez pas que Pierre est souverainement libre de ses mouvements, de ses décisions, de ses octrois, de ses permissions et de ses interdits. D'un mot il peut écraser un Concile dont il ne voudrait plus et l'évaporer en ridicule conciliabule de comploteurs (Eugène IV et le conciliabule de Bâle après le 25 juin 1439), et nul Concile ou césar de la terre n'a pouvoir sur lui. Souverain. POINT. Pour cette "affaire" de pallium montée en épingle, croyez-m'en, il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat.

  • À propos du pallium ! Il faudrait peut-être se référer à ce qu'en dit, très clairement, le «Cérémonial des évêques» (promulgué par le pape Jean-Paul II en 1984, cf. nn. 1149-1155).

    D'abord l'idée que les nouveaux métropolitains se rendent à Rome n'est pas mentionnée ! Ils se sont donné tout simplement un «petit voyage» de plus ! Par ailleurs, il est évident que, cela fait foi de tout, il y a Mandat apostolique (mais aucune mention du nonce apostolique). Lisons le premier paragraphe du n. 1149:
    «L'imposition du pallium se fait, chaque fois que c'est possible, au cours de l'ordination épiscopale, après la remise de l'anneau et avant l'imposition de la mitre (cf. n. 508)».

    «Quand ce n'est pas possible, il est bien que l'imposition du pallium soit liée à la réception de l'archevêque métropolitain dans sa cathédrale. Elle est faite au cours de la célébration de l'eucharistie dans la cathédrale de l'archevêque métropolitain [...] par l'évêque qui en a reçu mission du Siège apostolique, au moyen du rite décrit ci-après».

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