La première lecture des matines est le début du chapitre 6 d’Isaïe. Pourquoi ? Parce qu’on y voit deux séraphins qui chantent « Sanctus, Sanctus, Sanctus », montrant que si le Dieu unique est trois fois saint c’est qu’il est en trois personnes. Et aussi parce que Dieu demande : « Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? » Saint Jérôme est le premier à avoir remarqué que Dieu parle d’abord à la première personne du singulier, en tant que substance divine, puis à la première personne du pluriel, en tant que pluralité de personnes. Voici les deux textes de saint Jérôme (de son grand commentaire d'Isaïe), dans la traduction de l’abbé Bareille (1878).
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« Quand ils crient “le premier au second”, selon l’hébreu, “celui-ci à celui-là”, c’est-à-dire l’un à l’autre, ils s’excitent mutuellement aux louanges de Dieu en ces termes : “Saint, saint, saint est le Seigneur, Dieu des armées”, par quoi ils montrent le mystère de la Trinité en un seul Dieu ; et ce n’est nullement le temple des juifs, comme tout d’abord, mais l’univers qu’ils montrent tout rempli de la gloire de Celui qui, pour notre salut, a daigné se revêtir d’un corps d’homme et descendre sur la terre. Enfin, à Moïse, quand, après l’adoration du veau d’or, il le suppliait de pardonner au peuple coupable, Dieu répond : “Je leur pardonnerai ; mais je jure par moi-même que toute la terre sera remplie de ma gloire” ; et le psaume 71 dit : “Toute la terre sera remplie de sa gloire.” Aussi les anges criaient-ils aux bergers : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.” (…) C’est pourquoi il est dit qu’ils ont six ailes, qu’ils voilent la face et les pieds de Dieu, qu’ils rendent à l’envi témoignage de la vérité, que tout ce qu’ils crient montre le mystère de la Trinité, qu’ils admirent l’un et l’autre que le Dieu des armées, ayant la forme de Dieu le Père, ait pris la forme de serviteur, qu’il se soit humilié jusqu’à mourir et à mourir sur la croix, et qu’après n’avoir été d’abord connu que dans les cieux, il se soit fait connaître sur la terre. »
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« Ce pluriel “nous”, dans la bouche de Dieu, a le même sens qu’en ce passage de la Genèse : “Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance.” Il indique le mystère de la Sainte Trinité. De même, en effet, que, lorsqu’on lit dans l’Evangile ces mots du Seigneur : “Mon Père et moi sommes un”, on rapporte “un” à la nature divine, et “sommes” à la diversité des personnes, de même, quand le Seigneur donne un ordre, c’est la Trinité qui commande. »
Commentaires
Surprise ! Saint Jérôme pense comme moi que le pluriel dans l'Ancien Testament (au sujet de Dieu) est un pressentiment de la Sainte Trinité. Les génies se rencontrent
Entre le génie saint Jérôme et le génie Jean Ferrand, il y a quand même une très longue lignée de génies. ;)
Et en ce qui concerne le pluriel de la création de l'homme, ça commence bien avant saint Jérôme...
C'est vrai que le pluriel au sujet de Dieu commence dès le verset 26 (chapitre 1) de la Genèse. Donc très tôt. Le mot hébreu Elohim (sauf erreur de ma part) est employé dès le verset N°1 : "Au commencement, Elohim créa le ciel et la terre." Et ce verset 26 montre bien qu'il est ressenti grammaticalement comme un pluriel, alors qu'on le traduit en grec, latin, français, par un singulier : Théos, Deus, Dieu.
La Sainte Trinité est présente, implicitement, dans toute la trame de la Bible, dès l'Ancien Testament, et les trois visiteurs célestes d'Abraham en sont une vivante illustration.
Il est vrai que le nom propre d'Elohim, révélé au buisson ardent, 'Je suis', ou 'Il est', ou 'Yahvé', est ressenti, lui, comme un singulier. Mais Yahvé, 'Il est', définit la nature éternelle de Dieu qui est unique. Jésus lui-même dira : "Avant qu'Abraham fût, Je Suis" et non pas : Nous sommes.