En 1979 Jean Borella avait publié un maître livre intitulé La charité profanée. Il faudrait aujourd’hui étudier le thème de la miséricorde profanée. A partir du livre du cardinal Kasper, louangé par François dès son premier angélus, et tout ce qui a suivi jusqu’à maintenant (avec un martèlement qui devient obsessionnel) et va sans doute s’épanouir lors des synodes.
En réalité, il existe déjà un livre sur le sujet, il date du XVIIe siècle et il est néanmoins d’actualité. Qu’on en juge par cette citation, qui fait parler un jésuite :
« Hélas! me dit le Père, notre principal but aurait été de n'établir point d'autres maximes que celles de l'Evangile dans toute leur sévérité; et l'on voit assez par le règlement de nos mœurs que, si nous souffrons quelque relâchement dans les autres, c'est plutôt par condescendance que par dessein. Nous y sommes forcés. Les hommes sont aujourd'hui tellement corrompus, que, ne pouvant les faire venir à nous, il faut bien que nous allions à eux: autrement ils nous quitteraient; ils feraient pis, ils s'abandonneraient entièrement. Et c'est pour les retenir que nos casuistes ont considéré les vices auxquels on est le plus porté dans toutes les conditions, afin d'établir des maximes si douces, sans toutefois blesser la vérité, qu'on serait de difficile composition si l'on n'en était content; car le dessein capital que notre Société a pris pour le bien de la religion est de ne rebuter qui que ce soit, pour ne pas désespérer le monde. »
On aura remarqué : « sans toutefois blesser la vérité ». La doctrine officielle ne change pas, mais on ne s’en occupe plus. Elle n’a plus aucune utilité concrète. Elle n’existe plus qu’à titre documentaire. Seule compte la praxis de la miséricorde.
Mais on aura remarqué aussi qu’il n’y pas le mot « miséricorde » dans cette citation. Le jésuite du XVIIe siècle parle de « condescendance ». Même le jésuite caricatural de Pascal (il s’agit en effet des Provinciales) n’aurait jamais employé le mot de « miséricorde » pour expliquer qu’on va permettre aux gens de vivre dans ce qui est objectivement un péché mortel. Il savait encore que la miséricorde est un mode de l’amour de Dieu, pas un arrangement entre humains qui mettent la vérité de l’Evangile au placard.
Commentaires
Vous serez je crois intéressé par cet article qui décrit bien le processus... http://www.ncregister.com/blog/pat-archbold/the-seven-stages-of-heresy
Merci de me faire connaître ce texte. Le processus est en effet remarquablement analysé.
Sauf qu'il n'y a pas d'hérésie au sens strict puisqu'on ne touche pas au dogme et qu'on laisse le catéchisme intact dans son tiroir... "Je suis un fils de l'Eglise", "la doctrine est connue"...
Pourriez-vous donner l'auteur et le titre du livre dont est extraite cette citation? Beaucoup de livres de l'époque ont fait faussement parler les jésuites de travers. Merci beaucoup
Vous avez lu trop vite, mon Père... Je dis bien que c'est le jésuite caricatural des "Provinciales" de Pascal.
Pour être plus précis c'est vers le milieu de la sixième lettre.
En effet, désolé. Merci beaucoup.
Bonjour et bon dimanche,
1. Le sous-titre du livre de Jean BORELLA auquel vous faites référence (et qui est devenu Amour et Vérité) est le suivant : "subversion de l'âme chrétienne" ; c'est fort bien vu, car nous sommes en présence d'un détournement de finalité des vertus chrétiennes, au profit de leur transmutation en un ensemble non défini de valeurs chrétiennes, au sein desquelles la tolérance a vocation à occuper la première place, y compris et surtout face au relativisme et au subjectivisme en matière religieuse ou spirituelle.
2. Il y a bien eu, notamment et surtout à partir du début des années 1960, une falsification de l'obéissance ad intra ; la falsification de la miséricorde en est le complément logique, ad extra.
3. Prenez les oeuvres de miséricorde, ne retenez d'elles que les oeuvres de miséricorde corporelle, ou retirez des oeuvres de miséricorde spirituelle les trois premières d'entre elles :
1. Conseiller ceux qui doutent
2. Enseigner ceux qui sont ignorants
3. Réprimander les pécheurs
et vous l'aurez, votre falsification de la miséricorde.
4. La falsification de l'obéissance et surtout la falsification de la miséricorde sont ainsi deux des composantes d'une partie de ce qu'Alain BESANCON appelle la falsification du bien.
http://eucharistiemisericor.free.fr/index.php?page=0502089_besancon
5. Chez Augustin, la prise en charge de la question du sujet est effectuée en relation avec celle de la question de l'Esprit : il y un lien entre la valorisation de la subjectivité humaine et celle de la spiritualité chrétienne, entre la compréhension de la subjectivité humaine et la contemplation, dans et par la spiritualité chrétienne.
6. Nos contemporains, dans leur majorité, pensent et vivent différemment : pour eux, le lien est avant tout entre la question du sujet et la question de la vie, ce qui débouche sur le risque que, au sein même de l'Eglise, on se mette à confondre dans un même ensemble miséricorde et solidarisme spontanéiste.
7. Il ne peut déboucher de l'accueil de cette mentalité solidariste et spontanéiste, au sein même de l'Eglise,
- qu'une éviction ou une omission de la dimension surnaturelle et théologale de la miséricorde,
- qu'une réduction ou une soumission, à une dimension humanitaire ou sentimentale, de la miséricorde.
8. C'est en tout cas un très grand risque, qui n'a rien d'imaginaire, d'autant plus que certains voudraient le faire passer pour évangélique.
9. Tout cela me fait penser au contenu du XI° commandement, celui auquel sont soumis les dix autres, aujourd'hui :
"Tu ne t'exposeras, en aucun cas, au risque de dire ou de faire quoi que ce soit, qui serait susceptible de déplaire ou de déranger, en quoi que ce soit, qui que ce soit de non catholique, que ce soit dans le domaine de la Foi ou ou en matière de moeurs".
10. Je ne dis pas que le Pape François est explicitement ou intentionnellement un militant, un partisan, de la mise en oeuvre du XI° commandement, mais j'affirme que son attitude générale est de nature à laisser entendre au plus grand nombre que c'est bien ce même XI° commandement qui est aujourd'hui à l'ordre du jour, au sein et à la tête de l'Eglise, quand bien même on trouverait, dans son enseignement, des éléments constitutifs de dissensus d'inspiration chrétienne destinés à, et dirigés vers, l'extérieur de l'Eglise.
Vous savez, les "périphéries"...
Bon dimanche et à bientôt.
A Z