La messe de ce dimanche est en quelque sorte la quatrième messe de Noël.
L’introït est très impressionnant (c'est aussi l'antienne du Benedictus aux laudes) :
Dum médium siléntium tenérent ómnia, et nox in suo cursu médium iter háberet, omnípotens Sermo tuus, Dómine, de cælis a regálibus sédibus venit.
Traduction littérale : « Tandis que tout tenait le milieu du silence, et que la nuit dans sa course était au milieu de son chemin, ta Parole, Seigneur, est venue des trônes royaux. »
Le texte de la Vulgate (qui n’est pas de saint Jérôme) dit « Sermo », mais le texte grec dit bien « Logos ». Il s’agit du Verbe. Or, dans le contexte du livre de la Sagesse, il s’agit de l’Ange exterminateur qui tue tous les premiers nés de l’Egypte. Cet Ange « Logos » est Jésus qui délivre le peuple d’Egypte, comme le souligne saint Jude dans son épître. Il ne vient pas tuer les premiers nés, il est le Premier né d’une multitude de frères qu’il vient sauver.
Le graduel et l'alléluia évoquent la royauté de celui qui vient de naître, royauté pleine de gloire, de force et de beauté.
L’antienne d’offertoire (qui comme l'alléluia est celle de la messe de l'aurore) évoque le Verbe créateur : celui qui vient de naître est de toute éternité. Il a affermi le globe de la terre et en a fait son trône depuis lors.
Et l’antienne de communion, in fine, nous ramène à l’histoire de la nativité : alors que la sainte famille s’est réfugiée en Egypte, l’ange dit à Joseph de ramener l’enfant et sa mère dans le pays d’Israël, car ceux qui voulaient le tuer sont morts.
La péricope évangélique de ce dimanche est également étonnante. C’est la suite de l’évangile du 2 février. La deuxième partie de l’épisode de la Présentation au Temple. Mais dépourvue de tout repère de temps et de lieu.
« Joseph et Marie, la mère de Jésus, étaient dans l’étonnement pour les choses que l’on disait de lui. » Cette première phrase peut donc s’appliquer aux bergers, aux mages, à tous ceux qui vinrent à Bethléem, ainsi qu’à ceux qui vont dire quelque chose dans la suite de cet évangile : Siméon et Anne, et aussi (comme le suggérera l’antienne de communion) aux Egyptiens et aux Juifs d’Egypte qui auront rencontré, nourri, hébergé la sainte famille. Et il n’y a pas de raison de s’arrêter là. Joseph et Marie auront de quoi être dans l’étonnement jusqu’au Calvaire et à la Résurrection.
Cet évangile est d’ailleurs l’occasion d’entendre la célèbre prophétie de Siméon disant à Marie qu’un glaive transpercera son âme. Et c’est aussi l’occasion de remarquer ce qui, dans ce riche récit, passe souvent inaperçu : la vieille prophétesse Anne « se mit à parler de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël ». La bonne nouvelle annoncée par les anges le jour de Noël a déjà trouvé une voix pour la propager.
Corrigendum (2021...), surtout de mes réponses aux commentaires. Les premiers pères de l'Eglise employaient très souvent le mot "Sermo" pour désigner le Verbe, parce que Sermo désignait la parole de Dieu dans les vieilles latines. Le mot Verbum ne s'est imposé qu'ensuite (malgré le Prologue de saint Jean).
Commentaires
Bonjour,
Sermo n'a pas aussi le sens de Verbe en latin ?
Pour le traducteur du livre de la Sagesse, Sermo avait manifestement le même sens que Verbum, puisqu'il a traduit ainsi le grec Logos. Mais en latin classique "sermo" a le sens de "propos", et même plus précisément de "propos échangés" (conversation). Dans la Bible on le traduit généralement par "parole" (= Verbum...).
Intéressant.
Je note que dans le dictionnaire latin français en ligne Olivetti, sermo désigne parole de Dieu en latin ecclésiastique.
Je ne sais pas d'où cela peut provenir. Peut- être d'un usage de la vulgate ?
C'est manifestement une erreur. Dans la Vulgate, "sermo" veut dire "parole", qu'elle soit de Dieu ou d'un homme.
"Le texte de la Vulgate (qui n’est pas de saint Jérôme) dit « Sermo », mais le texte grec dit bien « Logos ». Il s’agit du Verbe. Or, dans le contexte du livre de la Sagesse, il s’agit de l’Ange exterminateur qui tue tous les premiers nés de l’Egypte. Cet Ange « Logos » est Jésus qui délivre le peuple d’Egypte (...)".
pardonnez-moi, je ne comprends pas :
- de qui est le texte q'il n'est de St Jérôme ? je croyais que la Vulgate était de St Jérôme. pas en entier ?
- "dans le contexte du livre de la Sagesse, il s'agit de l'Ange exterminateur" ... le Logos est l'Ange exterminateur ?
- mais après, non, le Logos, c'est Jésus qui délivre.
pourriez-vous éclairer mon ignorance et mon incompréhension s'il-vous-plaît ? merci !
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Saint Jérôme n'a traduit que les textes de la Bible hébraïque. Ce n'est pas lui qui a traduit les textes grecs de l'Ancien Testament (dont le livre de la Sagesse) ni les textes du Nouveau Testament. En outre ce n'est pas sa traduction des psaumes qui figure dans la Vulgate.
C'est saint Jude qui montre que l'Ange exterminateur "est" Jésus, puisque l'ange, en tuant les enfants des Egyptiens, permet le salut du peuple hébreu, le peuple de Dieu. Or le livre de la Sagesse appelle l'ange exterminateur "la Parole de Dieu", le Logos, donc le Verbe, donc Jésus. Lequel vient à Noël nous délivrer de la servitude du péché comme il a délivré les Hébreux de l'esclavage égyptien.
Il s'agit naturellement de symbolisme. Mais les symboles sacrés ne sont pas de simples comparaisons. Ils ont un sens très fort.
Si vous permettez : saint Jérôme a traduit les évangiles mais pas le reste du nouveau testament.
Il a traduit le psautier une première fois à partir du grec : c'est la version que nous connaissons. La deuxième version a été traduite à partir de l'hébreu mais n'a pas été retenue. On peut la trouver dans la vulgate de stutgart.
intéressant, merci pour votre réponse. pour ce qui est de la traduction, par qui ont été traduits les textes grecs de l'AT et du NT ? et les psaumes ? et où la traduction des psaumes par St Jérôme apparaît-elle ? pardonnez-moi, je ne veux pas vos encombrer avec ces questions. y-a-t-il un site qui explique tout cela ?
La réponse est très simple: on ne sait pas par qui ont été traduits ces textes, y compris les psaumes traduits du grec.
La traduction des psaumes par saint Jérôme a été plusieurs fois éditée seule, et elle se trouve dans toutes les éditions de la Vulgate, en regard de la traduction d'après le grec.
Pour vous et pour Quaerere Deum qui se trompe, je vais publier un tableau qui montre tout cela très clairement.