Considérons, dans ce sixième jour de la Naissance de notre Emmanuel, le divin Enfant étendu dans la crèche d’une étable, et réchauffé par l’haleine de deux animaux. Isaïe l’avait annoncé : Le bœuf, avait-il dit, connaîtra son maître, et l’âne la crèche de son seigneur ; Israël ne me connaîtra pas. (I, 3.) Telle est l’entrée en ce monde du grand Dieu qui a fait ce monde. L’habitation des hommes lui est fermée par leur dureté et leur mépris : une étable lui offre seule un abri hospitalier, et il vient au jour dans la compagnie des êtres dépourvus de raison.
Mais ces animaux sont son ouvrage. Il les avait assujettis à l’homme innocent. Cette création inférieure devait être vivifiée et ennoblie par l’homme ; et le péché est venu briser cette harmonie. Toutefois, comme nous l’enseigne l’Apôtre , elle n’est point restée insensible à la dégradation forcée que le pécheur lui fait subir. Elle ne se soumet à lui qu’avec résistance (Rom. VIII, 20) ; elle le châtie souvent avec justice ; et au jour du jugement, elle s’unira à Dieu pour tirer vengeance de l’iniquité à laquelle trop longtemps elle est demeurée asservie. (Sap. V, 21.)
Aujourd’hui, le Fils de Dieu visite cette partie de son œuvre ; les hommes ne l'ayant pas reçu, il se confie à ces êtres sans raison ; c’est de leur demeure qu’il partira pour commencer sa course ; et les premiers hommes qu’il appelle à le reconnaître et à l’adorer, sont des pasteurs de troupeaux, des cœurs simples qui ne se sont point souillés à respirer l’air des cités.
Le bœuf, symbole prophétique qui figure auprès du trône de Dieu dans le ciel, comme nous l’apprennent à la fois Ézéchiel et saint Jean, est ici l’emblème des sacrifices de la Loi. Sur l’autel du Temple, le sang des taureaux a coulé par torrents ; hostie incomplète et grossière, que le monde offrait dans l’attente de la vraie victime. Dans la crèche, Jésus s’adresse à son Père et dit : Les holocaustes des taureaux et des agneaux ne vous ont point apaisé ; me voici. (Hebr. X, 6.)
Un autre Prophète annonçant le triomphe pacifique du Roi plein de douceur, le montrait faisant son entrée dans Sion sur l’âne et le fils de l’ânesse. (Zachar. IX, 9.) Un jour cet oracle s’accomplira comme les autres ; en attendant, le Père céleste place son Fils entre l’instrument de son pacifique triomphe et le symbole de son sacrifice sanglant.
Dom Guéranger