Édifié sur le plan des luxueuses demeures patriciennes, le vaste palais des « Laterani » dominait de ses constructions et de sa basilique les flancs du Cœlius à l’intérieur de la cité.
Le jour où S. Sylvestre (+ 337) dressa sa chaire, « le saint siège apostolique » au fond de l’abside de la basilique constantinienne, il fit du Latran le centre de l’enseignement et du gouvernement de l’Église. En y consacrant son autel (324) il en fit le foyer de la liturgie catholique.
Comme l’enseignait le Pape Pie XI lors du XVIème centenaire de cette dédicace (9 novembre 1924) : « Basilicam... effectam esse Pontificis, ut Episcopi Romani et œcumenici, ut heredis integrae apostolicae potestatis, Cathedralem Eccesiam ». Elle est la cathédrale de l’Évêque de Rome, l’église œcuménique de la catholicité.
Successivement, les Pontifes Romains agrandirent et enrichirent leur résidence en y construisant leurs oratoires, baptistères, cloîtres, bibliothèques, hospices et galeries.
N’entrons pas dans toutes les vicissitudes que traversa l’Archibasilique, tour à tour détruite par les Vandales de Genséric et reconstruite par S. Léon le Grand (+ 461) et Adrien I (+ 795) ; ruinée par les Normands et rebâtie par Serge III (+ 911) ; incendiée une première fois en 1308 et réédifiée par Clément V (+ 1314) ; incendiée à nouveau en 1360 et reconstruite par Urbain V (+ 1370) et Grégoire XI (+ 1378).
Signalons du point de vue liturgique les événements marquants de son histoire : la consécration de la basilique au S, Sauveur en 324 ; la translation des chefs de S. Pierre et de S. Paul dans le ciborium qui surmonte l’autel papal ; la nouvelle consécration de l’église à S. Jean-Baptiste par Serge III (+ 911) et la dédicace complémentaire à S. Jean l’Évangéliste par Lucius II (+ 1145).
Par une solennité spéciale la liturgie a perpétué le souvenir de la première consécration de l’Archibasilique. Chaque année, en effet, le 9 novembre, l’Église universelle célèbre cet événement capital : « Dedicatio Archibasilicae S. Salvatoris », fête double de IIème classe.
Malgré tous les revers, la première période de l’histoire du Latran est des plus glorieuses : du haut de 1’« Episcopium Lateranense », de S. Sylvestre à Boniface VIII (+ 1303), cent soixante papes gouvernèrent la chrétienté.
Commentaires
Il serait intéressant de savoir où se trouvait la résidence du pape, évêque de Rome, avant la dédicace de Saint-Jean de Latran, avant 337 donc. Je pense pour ma part que c'était la vieille église Saint-Clément de Rome, entre le Colisée et l'actuel Saint-Jean de Latran. Ou peut-être n'avait-il pas de résidence fixe, à cause des persécutions. Ou peut-être encore a-t-il changé plusieurs fois de résidence.
Avant la liberté donnée à l'Eglise par Constantin, officiellement en 313, notamment après l'atroce persécution qu’avait décrétée Dioclétien, les Papes des IIe et IIIe siècles ont principalement résidé dans la catacombe (souterraine) de Saint-Calixte, sur la Voie Appienne, du nom du Pape qui l’avait agrandie et réaménagée secrètement au début du IIIe siècle. Cette catacombe précisément existait depuis le début du IIe siècle au moins. Les Papes y ont alors résidé de manière habituelle, dans une plus ou moins grande clandestinité en fonction des pics de persécution. Mgr Gerbet, dans sa magnifique "Esquisse de Rome Chrétienne" (3 tomes), décrit la catcombe Saint-Calixte comme un "sombre et imposant Vatican souterrain" (tome 1er, ch. III, p. 236 __ j'ai l'édition de 1889).
Les Papes y disposaient d'une église souterraine très vaste par rapport aux autres chapelles clandestines, disséminées dans Rome et dans les autres catacombes. C’est cette grande église souterraine qui a été leur cathédrale jusqu’à la liberté de l’Eglise en 313. C'est là qui fut placé la cathèdre même de l'Apôtre S. Pierre, soigneusement conservée, qui lui avait été offerte par le sénateur Pudens, marty, qu'il avait converti et qui lui donnait l'hospitalité dans sa grande maison, actuellement la très vénérable basilique Sainte Pudentienne, sur l'Esquilin (dans la rue à droite, quand vous êtes au bas du parvis de la basilique Sainte-Marie-Majeure, côté chevet, et que vous regardez vers le chevet).
Un mot sur cette vraie et authentique cathèdre (la chaire) de S. Pierre.
Ce siège de bois lourd a été celui de tous les Papes dans la clandestinité, depuis le 1er successeur, saint Lin. Dans les solennités, ils y siégeaient, comme S. Pierre. Il a été leur siège durant toute la période où ils résidèrent dans la catacombe Saint-Calixte. Après la construction de la première basilique St-Pierre, au Vatican, par Constantin, cette vénérabilissime cathèdre y fut transférée, en même temps que les restes de S. Pierre, transférés par sûreté dans la catacombe en question, ainsi que les restes de S. Paul.
Soit dit en passant, les restes de S. Paul furent transférés sous le maître-autel de la basilique majeure Saint-Paul-hors-les-Murs, dès sa construction par Constantin. Quant aux chefs des deux Apôtres (leurs crânes) __ et ceci, peu de gens le savent __ ils se trouvent actuellement à l'intérieur du chapiteau du ciborium surplombant le maître-autel de la basilique du Latran, cathédrale du Pape, et « Mère et Maîtresse de toutes les églises du monde ».
Voici une image du ciborium, œuvre d’Arnolfo di Cambio. Le crâne de S. Pierre et celui de S. Paul sont dans le chapiteau, derrière la grille, au sommet : http://en.wikipedia.org/wiki/File:Arnolfo_di_Cambio_-_Tabernacle_of_StJohnLateran.jpg
Les restes de S. Pierre furent donc ramenés dans son tombeau primitif au Vatican, lors de la construction de la première basilique par Constantin. Et sa vraie cathèdre, sur laquelle ont siégé tous ses successeurs y fut aussi transférée depui la catacombe Saint-Calixte. Elle fut scellée au-dessus de la porte centrale de la nouvelle basilique ; le Pape S. Sylvestre Ier fut le dernier à siéger effectivement dans cette chaire matérielle et authentique de l’Apôtre.
Elle resta au-dessus de la porte centrale de la basilique jusqu’à la construction de l'actuelle, au XVIe siècle. Clément VIII plaça la plaça temporairement dans la crypte vaticane, en un lieu strictement fermé et protégé. Au siècle suivant, Alexandre VII fixa définitivement l’emplacement de la vénérabilissime relique : sur son ordre, le Bernin l’encastra à l’intérieur de la chape de bronze même qui constitue son chef-d’œuvre, appelé "Gloire du Bernin" au-dessus de l’autel dans l'abside de la basilique. En regardant le chef-d'oeuvre du Bernin, peu de gens se rendent compte que la chaire même où s'est assis Saint Pierre pour enseigner, durant tou son séjour romin, jusqu’à son martyre, est scellée là, dans le bronze.
http://leblogdumesnil.unblog.fr/files/2012/02/ME0000072846_3.jpg
Revenons, pour quelques mots encore, à la Catacombe de Saint-Calixte, le "sombre Vatican" souterrain jusqu'en 313.
Les fidèles y avaient organisé un "système" ingénieux de surveillance, de précautions secrètes, que les chrétiens français, sous la Terreur révolutionnaire, en 1792-1794, ont également utilisé… C'étaient des mendiants en guenilles, peu soupçonnables, qui se tenaient de distance en distance tout au long de la Voie Appienne, à peu près depuis la fameuse petite église "Quo Vadis, Domine" (à main gauche quand on se dirige vers la Catacombe S. Calixte en arrivant de la Ville). Ces mendiants fidèles y faisaient le guet. A l'approche de troupes de soldats ou de groupes hostiles depuis Rome, ils émettaient des cris d'oiseaux, discrets et convenus, qui se relayaient très vite de proche en proche, jusqu'à la Catacombe, où le Pape, prévenu, s'enfonçait avec son proche entourage dans l'indescriptible enchevêtrement des souterrains, lesquels débouchaient, pour certains, sur des sorties éloignées. De là, il se rendait pour un temps dans des maisons sûres, balisées d'avance et isolées dans la campagne, où il restait clandestinement, le temps que finisse l'alerte.
Seize Souverains Pontifes furent inhumés dans le "Vatican" souterrain de la catacombe Saint-Calixte, de Zéphyrin à Damase Ier. S. Damase y fut inhumé en dernier, en attendant que s'achève la construction de la première basilique constantinienne de St-Pierre.