On ne savait à peu près rien du pape Calixte 1er, sinon qu’il était le successeur de Zéphyrin, qu’il aménagea les catacombes qui portent son nom, qu'il fut à l'origine de ce qui deviendrait les quatre temps (jeûne le samedi qui précède les moissons, les vendanges, la cueillette des olives), qu’il construisit la basilique Saint-Marie du Transtévère, qu’il fut tué et jeté dans un puits en 222 puis enterré au cimetière de Calépode, que son culte fut fervent à Rome au cours des siècles qui suivirent, et donc qu’il était considéré comme un grand pape.
Or au milieu du XIXe siècle on découvrit un texte en grec intitulé Philosophumena, ou réfutation des hérésies, qui dans son livre 9 contient un ahurissant pamphlet contre Calixte Ier. L’auteur (sans aucun doute le premier antipape Hippolyte, qui deviendra le martyr saint Hippolyte…) accuse Calixte de diverses hérésies, d’être « un imposteur et un bandit », le chef d’une secte immonde que lui, l’auteur, a chassée de l’Eglise, mais qui continue de faire des ravages…
Une analyse fouillée de ce que les Philosophumena reprochent à Calixte a permis de retrouver en partie ce qui faisait la grandeur de ce pape, et qui était intolérable pour le rigoriste extrémiste qui avait écrit le pamphlet : Calixte avait notamment établi que les péchés d’adultère et de fornication pouvaient être remis après due pénitence (ce que Tertullien dénonça également), qu’il n’y avait pas à faire accomplir une pénitence publique à ceux qui revenaient de l’hérésie pour les péchés commis hors de l’Eglise, qu’il ne suffisait pas qu’un évêque ait commis un péché mortel pour qu’il soit déposé, que les patriciennes pouvaient se marier avec des esclaves, ce que la loi civile interdisait et que Hippolyte considérait comme une abomination (Calixte établissait ainsi la distinction entre la loi ecclésiastique et la loi civile, et la primauté de la première sur la seconde).
D’autre part Hippolyte se plaint que Calixte l’accuse de « dithéisme », et affirme que c’est Calixte qui est hérétique, car il aurait inventé une nouvelle forme de sabellianisme (ou modalisme : les « Personnes » de la Trinité ne sont que différents modes du Dieu unique). Mais ce qui est attesté est que dans ses œuvres Hippolyte verse dans le subordinatianisme (le Fils, créé par le Père, est subordonné au Père)… Et, vu le culte dont il jouira, il est plus que probable que Calixte ait professé la doctrine catholique de la Trinité (ce qui n’était d’ailleurs pas évident à l’époque).
Commentaires
Hippolyte de Rome ne fut pas le premier antipape car il n'a jamais été évêque et par conséquent jamais évêque (prétendu) de Rome. Il est toujours resté prêtre de l'Eglise romaine. C'était un théologien éminent, qui était en désaccord avec son évêque légitime, Callixte. Une espèce de Hans Küng de l'époque. Mais il est mort martyr, déporté en Sardaigne avec le pape Pontien avec lequel il se réconcilia. Il est honoré avec ce dernier.
Le premier antipape fut Novatien qui fut sacré évêque en concurrence avec le pape Corneille en l'an 251. Il fonda une véritable Eglise dissidente qui se répandit dans le monde entier.
Plusieurs auteurs, dont Eusèbe de Césarée, saint Jérôme, le pape Gélase, en parlent comme d'un évêque. Et lui-même se posait en pape contre Calixte.
Il est possible qu'il y ait eu en fait deux Hippolyte (voire même trois puisque l'on dit maintenant que les Philosophumena furent écrits par un troisième personnage, qui ne s'appelait pas Hipployte...)
Il y eut certes un évêque Hippolyte mentionné par Eusèbe (H.E. VI, 20, 6) mais ce serait un évêque oriental d'un siège non désigné.
Le père Danielou qui a étudié minutieusement la question conclut nettement à l'identité entre le prêtre Hippolyte de Rome, déporté avec Pontien, et l'auteur des philosophumena, l'auteur aussi de la célèbre Tradition apostolique.
Sa statue a été retrouvée près de la Via Tiburtina avec une longue liste de ses oeuvres, mutilée d'ailleurs.
Danielou me paraît très convaincant : Nouvelle Histoire de l'Eglise, tome 1, pages 176-183.
Hippolyte n'était qu'un chef d'école particulièrement brillant et d'esprit indépendant. Mais - c'est mon opinion et je la partage - pas un chef d'Eglise.
C'est ce même Hippolyte qui a servi de base pour le changement de la prière consécratoire des évêques en 1968.
http://www.sacrosanctum-concilium.org/textes/md/1968/00_00_1968/00_00_1968.php
Encore de l'archéologisme, une maladie contagieuse qui amena aussi à bouleverser le calendrier liturgique et la mise en doute de l'existence d'une multitude de martyrs et de saints. Selon l'adage "plus c'est vieux, plus c'est mieux". On ne détruit bien que ce que l'on remplace. C'était la méthode de Luther.
Encore une nouvelle qui donne le bourdon, mais enfin comme je ne connais aucune de ces éminentes personnes, cela passe mieux.