Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Lorsque Simon se met à évincer Pierre

Extrait d’une tribune d’Alessandro Gnocchi et Mario Palmero dans Il Foglio, qui est à lire entièrement (même si on n’est pas obligé d’être d’accord sur tout…). Les deux auteurs se sont évidemment aussitôt fait virer de Radio Maria où ils avaient chacun une émission.

Au fil du temps, la communication de masse a fini par substituer définitivement l'aspect formel à l'aspect substantiel de la vérité. Et elle l'a fait à travers les deux figures rhétoriques de la synecdoque et de la métonymie, par lesquelles on fait passer la partie pour le tout. La rapidité toujours plus vertigineuse de l'information impose de négliger l'ensemble et conduit à se concentrer sur quelques détails choisis avec expertise, pour donner une lecture d'ensemble du phénomène. De plus en plus, journaux, télévision, sites Web, résument les principaux événements en un détail.

De ce point de vue, il semble que le pape François a été fait pour les médias et les médias faits pour le pape François. Il suffit de mentionner le seul exemple de l'homme vêtu de blanc descendant de la passerelle de l'avion portant un sac usé de cuir noir: utilisation parfaite de la synecdoque et la métonymie tout à la fois. La figure du pape est absorbée par le sac noir qui en annule l'image sacrée transmise au cours des siècles, afin d'en restituer une complètement nouvelle et banale: le Pape, le nouveau pape, est tout entier dans ce détail qui en exalte la pauvreté, l'humilité, le dévouement, le travail, la quotidienneté, la contemporanéité, la proximité à tout ce qu'il peut y avoir de plus terrestre.

L'effet final de ce processus conduit au positionnement sur le fond du concept impersonnel de Papauté, et la mise en valeur simultanée de la notoriété de la personne qui l'incarne. L'effet est d'autant plus perturbant si l'on observe que les destinataires du message reçoivent le sens exactement inverse: ils saluent la grande humilité de l'homme et pensent que cela apporte de l'éclat à la papauté.

Par l'effet de la synecdoque et de la métonymie, la prochaine étape consiste à identifier la personne du pape et la papauté. Une partie pour le tout, et Simon a évincé Pierre. Ce phénomène fait que Bergoglio, tout en s'exprimant formellement comme docteur privé, transforme de fait chacun de ses gestes et chacune de ses paroles en un acte du Magistère. Et si l'on pense que même la majorité des catholiques sont convaincus que ce que dit le Pape est toujours infaillible, le tour est joué. Bien que l'on puisse protester qu'une lettre ou une interviewe à Scalfari ou à n'importe qui d'autre sont encore moins que l'avis d'un docteur privé, à l'ère des médias de masse, l'effet qu'elles produiront sera infiniment plus grand que n'importe quelle déclaration solennelle. Et même, plus le geste ou la parole seront formellement petits et insignifiants, plus ils auront d'effet et seront considérés comme inattaquables et incritiquables.

Commentaires

  • Métonymie : changer le nom. Exemple : Simon pour Pierre.

    Synecdoque : prendre la partie pour le tout. Exemple : une entrevue du pape pour l'enseignement magistériel.

    Le pape n'est infaillible qu'à de très rares occasions bien définies : les dogmes de foi, ou de morale. Mais il est le successeur de saint Pierre à chaque instant de sa vie ; même quand il dort, même quand il prêche devant trois ou quatre personnes.

  • Le Pape n'est pas toujours infaillible, mais il faut lui obéir, comme il faut obéir à son évêque. Il faut lui obéir lorsqu'il donne un ordre. Cela, naturellement, dans le cadre des droits universels de l'homme, dont la liberté religieuse est le droit-pivot. Il est très rare que le Pape donne un ordre contraire aux droits universels de l'homme. L'ordre de Paul VI d'abandonner le missel de saint Pie V, n'a jamais été d'ailleurs vraiment formulé comme un ordre, plutôt comme un vif conseil, un souhait ardent. La preuve, c'est que jamais aucune sanction ne fut prise contre les prêtres qui avaient conservé l'usage de ce missel. Aucune sanction motivée par l'usage du missel de saint Pie V.

    On peut toutefois se poser la question de savoir si un très vif conseil, un souhait très ardent exprimé par une autorité, sans que soit jamais ne énoncé le droit de garder l'ancien missel, n'est pas constitutif de la violation de ce droit des droits qu'est la liberté religieuse.

  • Vous n'avez donc connu aucun de ces si nombreux prêtres qui ont été méchamment persécutés (certains en sont morts) - et il y en a encore, cf. Thiberville - pour ne pas avoir voulu appliquer la révolution liturgique...

    J'ai eu quant à moi l'exemple de mon père spirituel, persécuté en permanence parce qu'il voulait garder la messe de saint Pie V. Il devait la dire secrètement dans la crypte, avec un moine qui le servait en marmonnant "Obéissance ! Obéissance !"

  • Ce que j'ai écrit ne me semble pas contredire vos constatations. Je raisonne en droit, pas en fait. Il est évident que Paul VI était un fanatique. C'est triste à dire, mais je ne vois pas comment expliquer autrement son insensibilité à toutes les détresses et destructions qu'il provoquait sans pouvoir invoquer à son actif un authentique progrès (seulement quelques progrès, mais pas sans régressions).

    Donc, je sais que de nombreux prêtres ont été persécutés pour avoir exercé leurs droits. Mais tout cela était de l'ordre du fait, il n'y avait pas de jugement ou de décision juridique assorti de sanctions. Parfois on a pu justifier des décisions par des raisons obliques. Je me souviens d'un prêtre savoyard que j'avais rencontré. Il était tellement persécuté par son évêque qu'il m'avait déclaré "c'est à mourir". On l'avait relégué dans une paroisse rurale sans fidèle. Comme je ne suis plus jeune, c'était, il y a longtemps. Il était déjà âgé, il est certainement mort aujourd'hui.

    Déformation professionnelle, je vois tout sous l'angle du droit.

  • Les "mises au placard", les affectations dans des paroisses où l'ambiance est mauvaise, ne sont pas des sanctions... Officiellement.

    Donc il n'y a pas eu de sanction pénale pour le seul fait d'avoir gardé l'usage de l'ancien missel. Pas de sanction officielle si vous voulez avec reproche : "utilise le missel de saint Pie V". Non, il y avait des décisions officiellement prises pour d'autres motifs (bonne administration du diocèse... que sais-je ?) Il n'y avait pas de sanction pénale (officielle) parce qu'il n'y avait pas de fondement juridique à une sanction.

  • Cher juriste:
    si je comprends bien , en droit, il faut obéir à un fanatique (Paul VI que vous qualifiez de cet épithète). Il y a un peu d'irrationnel et beaucoup de contradictions entre vos 2 messages.
    Le KGB ne vous reprochait pas votre religion, mais vos activités "subversives" et les juges vous condamnaient à mort ou à 25 ans de camp sur rapport du KGB pour conspiration contre l'Etat, ou espion du Vatican, ou pourisseur de la jeunesse. Et comme les staliniens étaient férus de droit et de "légalité", ils essayaient par tous moyens d'obtenir vos aveux. Probablement pour soulager leur conscience et se persuader que vous étiez coupable. Ce qui compte , ce sont les faits, le droit au service des tyrans est une infamie.

  • Cher Monsieur Merlin,
    N'étant pas juriste et peu connaisseur du droit civil, je ne vais pas vous contredire quant à ce qui regarde votre spécialité. Cependant, en ce qui concerne l'obéissance que nous devons au successeur de Pierre, cela ne dépend pas des "droits universels de l'homme" qui seraient ou non respectés, mais de l'obéissance que nous devons au Christ dont le pape est le vicaire sur terre. D'où un discernement nécessaire puisque le magistère n'a pas toujours la même force selon les cas et l'infaillibilité est réservée à des actes particuliers, sans parler de l'enseignement ordinaire du Souverain Pontife (ce qui exclut de toute façon les interventions ponctuels dépendant généralement de l'opinion et des goûts du pape régnant).
    Quant au droit dans l'Eglise, je peux vous assurer qu'il est très souvent violé par ceux-là même qui sont chargés de l'appliquer et de protéger le clergé et les fidèles. Yves Daoudal nous donne l'exemple scandaleux des prêtres persécutés dans le passé et le présent à cause de leur amour pour la liturgie traditionnelle. Mais il existe bien d'autres domaines où l'"obéissance" est brandie comme une menace contre le droit de chaque baptisé. Rien de nouveau sans doute sous le soleil dans ce domaine. Cependant ces violations se multiplient de la part de ceux qui, par ailleurs, n'ont pas cessé depuis cinquante ans de refuser toute autorité et qui, désormais mitre ou non en tête, ont obtenu un pouvoir qu'ils soignent jalousement.
    Il est donc bon et légitime que, parfois, le baptisé victime de tels abus redresse la tête sans avaler toutes les néfastes potions qu'on essaie de lui faire ingurgiter.
    Prions pour les persécuteurs et les abuseurs.

  • Le pape n'est pas encore descendu toutes les marches,François devrait abandonner tous les attributs de la papauté et aller pointer au chômage pour être en accord avec lui-même et en signe de profonde humilité pour imiter son modèle saint François d'Assise et pour témoigner encore plus fort en faveur des migrants,ces pauvres gens qui se noient en forçant les portes de l'Italie et dont les survivants paraît-il vont recevoir la nationalité italienne!
    J'ajoute que pointant au chômage,il devrait avoir avec lui une petite valise noire avec le nécessaire pour coucher le soir avec tous les SDF.
    Ainsi la fiction littéraire rejoindrait la réalité.
    Le pape François,un grand pape.

  • Il est évident que Paul VI a posé de graves problèmes à la conscience de nombreux catholiques ( mais pas seulement lui, il faut citer Jean XXIII et même JP II ). Sous les dehors bien fallacieux de "dialogue" avec le monde, il a introduit l'humanisme soi-disant intégral de Maritain, tout en se montrant partial, vindicatif et haineux avec ce qui ressemblait à la Tradition; pour moi c'est un mystère d'iniquité je l'avoue, et je suis tenté d'y voir l'action du diable ( peut-être faudrait-il étudier de près pour l'élucider les relations étranges Montini-Evan Morgan Tredegar par exemple, qui montrent les infiltrations sataniques au plus haut niveau, mais aussi les raisons gravissimes qui poussèrent Pie XII à renvoyer Montini de la Curie et à refuser obstinément de le créer cardinal, l'affaire Tondi etc... Ces sujets, révélateurs de certains "dessous" de l'histoire contemporaine , ne sont pas assez approfondis ). D'où vient que les gens qui n'ont que les mots "fraternité"."dialogue" à la bouche, sont souvent les plus intolérants et sectaires en pratique? A mon avis, c'est que leur discours n'est qu'une logomachie plus ou moins inconsciente selon les cas , qui ne sert qu' à clouer le bec aux adversaires pour mieux pratiquer l'autoritarisme et l'excès de pouvoir ( dans le cas d'un pape, l'"inconscience" est plus difficile à alléguer..

  • J'ai connu personnellement un vicaire de paroisse qui a été muté aumônier d'une maison de retraite.
    Où l'ont voit que s'occuper de personnes âgées est considéré comme une punition.

    Et entendu parler de dizaines d'autres, mutés aussi ici et là, où il n'y a pratiquement rien à faire alors que certains prêtres sont en charge de tant de paroisses que la messe ne peut être célébrée qu'une fois par mois.

  • @ P.Jean-François Thomas sj,

    Cher Père, Merci de vos aimables remarques.

    1) Bien qu'ayant été avocat pendant environ 30 ans, je ne me considère pas comme un "spécialiste" du droit. Mes connaissances sont lacunaires. J'en apprends tous les jours et de tout le monde.

    2) Dans la mesure où les droits sont universels, il me semble qu'ils sont opposables au Pape et, a fortiori, aux évêques. Saint Thomas dit, si ma mémoire est bonne, dans "Contra gentiles" que pour trouver la vérité nous pouvons opposer aux hérétiques le nouveau Testament, aux juifs l'Ancien Testament, mais qu'aux mahométans et aux athées, qui n'ont pas la foi, nous ne pouvons opposer que la raison universelle de l'homme. A contrario, il me semble que l'on peut opposer, même au pape, les droits universels de l'homme qui sont communs à l'humanité entière et qui sont antérieur à la foi, mais confirmés par elle (ce qui n'est pas pareil). Cela d'autant plus que le pape Paul VI lui-même a enseigné qu'il fallait s'atteler à la tâche de répandre les droits universels de l'homme dans l'Église afin qu'ils y soient effectivement observés. Si vous le désirez je peux vous trouver la référence du texte que j'ai trouvé sur le site "clerus".

    Il ne peut y avoir d'obéissance contre le droit naturel. Bien sûr, sur des matières évidentes comme si l'évêque vous demandait d'aller escroquer une pauvre vieille, personne ne discutera. Mais dans des matières plus subtiles comme le droit liturgique, le droit à la culture on éludera même la question avec une réflexion grossière du genre "il va nous casser les pieds longtemps celui-là avec ses génuflexions et la beauté de la liturgie et son respect du droit liturgique. C'est un ordre, en vertu de mon autorité apostolique. Exécution. Point final." (ce que n'a jamais dit Paul VI, pour lui la violation fut pratique, jamais par l'invocation d'un titre juridique inexistant)" Et on violera les droits universels de l'homme avec d'autant plus de facilité que les autorités laïques diront "qu'ils se mettent d'accord entre eux, je ne vais pas faire la police. Ils sont indépendants qu'ils assument !"

    C'est pourquoi, je pense que, même le pape peut violer en pratique les droits universels de l'homme et qu'un prêtre peut les lui opposer (il ne le fera pas lorsqu'il invoque son autorité apostolique en donnant un ordre juridique, mais il peut le faire dans ses discours, par omission, obliquement). Comme par exemple les membres de la Curie pourraient opposer au pape François le droit à leur réputation (droit universels de l'homme) face à certaines déclarations irréfléchies de notre bon Souverain Pontife. Ce droit est d'autant plus indiscutable que nombreux sont les membres de la Curie qui sont visiblement de saintes personnes, mais il le serait en des personnes moins saintes puisque ce droit est universel.

    Lc 11,44. Malheur à vous, parce que vous êtes comme des sépulcres que ne paraissent point, et sur lesquels les hommes marchent sans le savoir.
    Lc 11,45. Alors un des docteurs de la loi, prenant la parole, Lui dit: Maître, en parlant de la sorte, Vous nous faites injure à nous aussi.

    http://magnificat.ca/textes/nt03_lc.rtf

    Le docteur de la loi tente d'opposer à Jésus le droit universel à la réputation, car il reconnu que c'était aussi leur doctrine que Jésus condamnait. Jésus ne le conteste pas, ce droit. Mais ce droit, comme celui à la liberté religieuse, n'est pas absolu. La matière étant trop grave, il dénonce leur doctrine en face du peuple parce que leur droit à la réputation passe après le salut du peuple. Est-il trop tiré par les cheveux de dire que Jésus ne conteste pas le droit à la réputation des docteurs de la loi ? Je vous laisse en décider. Pour moi le silence de l'évangile m'incite à conclure que Jésus ne leur conteste pas leur droit à la réputation et à ne pas être insulté. Or les docteurs de la loi et Jésus partagent la même doctrine (Mt 23,1). Ils font partie de la même société religieuse.

    Voilà, cher Père, mon opinion.

  • Cher Père, Relisant mon commentaire, je précise qu'il est de foi que lorsque le Pape donne un ordre juridiquement, il ne peut violer les droits universels de l'homme, c'est de foi.

    Il ne peut violer ses droits que dans ses discours, ses conversations privées, ou obliquement dans sa politique ou ses omissions.

    Caïphe était un corrompu, un rusé, un fourbe. Notre Seigneur ne lui adresse pas la parole. Sans doute parce qu'il devait le considérer comme un "porc".

    Mais Jésus lui répond dans ces circonstances :

    « Mt 26,63. Mais Jésus Se taisait. Et le grand prêtre Lui dit: Je T'adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si Tu es le Christ, le Fils de Dieu. »

    http://magnificat.ca/textes/nt01_mt.rtf

    Revêtu de l'autorité que la foi lui donnait, revêtu de l'autorité que Dieu lui confère Caïphe, pose une question, alors Jésus répond. Car Caïphe emploie une formule légale : "Je T'adjure, par le Dieu vivant." Caïphe par cette formule se revêt de son autorité religieuse infaillible et qui doit être obéie.

    C'est mon opinion, mais dans toutes les matières de foi, je remets mon jugement à celui de la sainte Église.

Les commentaires sont fermés.