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Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

Parmi les « Docteurs de l'Église », Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face est la plus jeune, mais son itinéraire spirituel ardent montre tant de maturité et les intuitions de la foi exprimées dans ses écrits sont si vastes et si profondes, qu'ils lui méritent de prendre place parmi les grands maîtres spirituels.

Dans la Lettre apostolique que j'ai écrite à cette occasion, j'ai souligné quelques aspects saillants de sa doctrine. Mais comment ne pas rappeler ici ce que l'on peut en considérer comme le sommet, à partir du récit de la découverte bouleversante qu'elle fit de sa vocation particulière dans l'Église? « La Charité — écrit-elle — me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l'Église avait un corps, composé de différents membres, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l'Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d'Amour. Je compris que l'Amour seul faisait agir les membres de l'Église, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres n'annonceraient plus l'Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang... Je compris que l'Amour renfermait toutes les Vocations... Alors dans l'excès de ma joie délirante je me suis écriée: Ô Jésus mon Amour... ma vocation enfin je l'ai trouvée, ma vocation, c'est l'Amour! » (Ms B, 3 v°). C'est là une page admirable qui suffit à elle seule à montrer que l'on peut appliquer à sainte Thérèse le passage de l'Évangile que nous avons entendu dans la liturgie de la Parole: « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange: ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25).

Thérèse de Lisieux n'a pas seulement saisi et décrit la vérité profonde de l'Amour comme le centre et le cœur de l'Église, mais elle l'a vécu intensément dans sa brève existence. C'est justement cette convergence entre la doctrine et l'expérience concrète, entre la vérité et la vie, entre l'enseignement et la pratique, qui resplendit avec une particulière clarté dans cette sainte, et qui en fait un modèle attrayant spécialement pour les jeunes et pour ceux qui sont à la recherche du vrai sens à donner à leur vie.

Devant le vide de tant de mots, Thérèse présente une autre solution, l'unique Parole du salut qui, comprise et vécue dans le silence, devient une source de vie renouvelée. À une culture rationaliste et trop souvent envahie par un matérialisme pratique, elle oppose avec une désarmante simplicité la « petite voie » qui, en revenant à l'essentiel, conduit au secret de toute existence: l'Amour divin qui enveloppe et pénètre toute l'aventure humaine. En un temps comme le nôtre, marqué bien souvent par la culture de l'éphémère et de l'hédonisme, ce nouveau Docteur de l'Église se montre doué d'une singulière efficacité pour éclairer l'esprit et le cœur de ceux qui ont soif de vérité et d'amour.

Sainte Thérèse est présentée comme Docteur de l'Église le jour où nous célébrons la Journée mondiale des Missions. Elle eut l'ardent désir de se consacrer à l'annonce de l'Évangile et elle aurait voulu couronner son témoignage par le sacrifice suprême du martyre (cf. Ms B, 3 r°). On sait aussi avec quel intense engagement personnel elle soutint le travail apostolique des Pères Maurice Bellière et Adolphe Roulland, missionnaires l'un en Afrique et l'autre en Chine. Dans son élan d'amour pour l'évangélisation, Thérèse avait un seul idéal, comme elle le dit elle-même: « Ce que nous Lui demandons, c'est de travailler pour sa gloire, c'est de l'aimer et de le faire aimer » (Lettre 220).

Le chemin qu'elle a parcouru pour arriver à cet idéal de vie n'est pas celui des grandes entreprises réservées au petit nombre, mais c'est au contraire une voie à la portée de tous, la « petite voie », chemin de la confiance et de la remise totale de soi-même à la grâce du Seigneur. Ce n'est pas une voie à banaliser, comme si elle était moins exigeante. Elle est en réalité exigeante, comme l'est toujours l'Évangile. Mais c'est une voie où l'on est pénétré du sens de l'abandon confiant à la miséricorde divine, qui rend léger même l'engagement spirituel le plus rigoureux.

Par cette voie, où elle reçoit tout comme « grâce », par le fait qu'elle met au centre de tout son rapport avec le Christ et son choix de l'amour, par la place qu'elle donne aussi aux élans du cœur dans son itinéraire spirituel, Thérèse de Lisieux est une sainte qui reste jeune, malgré les années qui passent, et elle se propose comme un modèle éminent et un guide sur la route des chrétiens pour notre temps qui arrive au troisième millénaire.

Bienheureux Jean-Paul II : passage en français de l’homélie de la chapelle papale pour la proclamation de sainte Thérèse docteur de l’Eglise, le 19 octobre 1997

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