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Saint Paulin de Nole

Extraits du Poème X de saint Paulin de Nole, adressé à son maître et ami le poète Ausone, qui était resté païen et avait durement reproché à Paulin d’avoir abandonné ses immenses biens pour suivre le Christ.

Père, pourquoi vouloir me rappeler au culte des Muses ? Une autre puissance domine aujourd’hui mon âme, un Dieu plus grand qu’Apollon. Le vrai, le bon, je l’ai trouvé à la source même du bien et de la vérité, en Dieu vu dans son Christ. Échangeant sa divinité pour notre humanité dans un commerce sublime, homme et Dieu, ce maître des vertus transforme notre être, et remplace par de chastes voluptés les plaisirs d’autrefois. Par la foi dans la vie future, il dompte en nous les vaines agitations de la vie présente. Ces richesses que nous semblons mépriser, il ne les rejette pas comme impures ou sans prix ; mais, apprenant à les mieux aimer, il nous les fait confier à Dieu qui, en retour, promet davantage. N’appelez pas stupide celui qui s’adonne au plus avantageux, au plus sûr des négoces. Et la piété, pourrait-elle donc être absente d’un chrétien ? et pourrais-je ne pas vous la témoigner, ô père à qui je dois tout : science, honneurs, renommée ; qui, par vos soins, m’avez, en cultivant ses dons, préparé pour le Christ ! Oui ; le Christ s’apprête à vous récompenser, pour ce fruit qu’a nourri votre sève : ne rejetez pas sa louange, ne reniez pas les eaux parties de vos fontaines. Mon éloignement irrite votre tendresse ; mais pardonnez à qui vous aime, si je fais ce qui est expédient.

J’ai voué mon cœur à Dieu, j’ai cru au Christ ; sur la foi des divins conseils, j’ai acheté des biens du temps la récompense éternelle. Père, je ne puis croire que cela soit par vous taxé de folie. Pareils errements ne m’inspirent aucun repentir, et il me plaît d’être tenu pour insensé par ceux qui suivent une voie contraire ; il me suffit que mon sentiment soit tenu pour sage par le Roi éternel. Tout ce qui est de l’homme est court, infirme, caduc, et, sans le Christ, poussière et ombre ; qu’il approuve ou condamne, tant vaut le jugement que le juge : il meurt, et son jugement passe avec lui. Au moment du dépouillement suprême, elle sera tardive la lamentation, et peu recevable l’excuse de celui qui aura craint les vaines clameurs des langues humaines, et n’aura point redouté la vengeresse colère du Juge divin. Pour moi, je crois, et la crainte est mon aiguillon : je ne veux pas que le dernier jour me saisisse endormi dans les ténèbres, ou chargé de poids tels que je ne puisse m’envoler d’une aile légère au-devant de mon Roi dans les cieux. C’est pourquoi, coupant court aux hésitations, aux attaches, aux plaisirs de ce monde, j’ai voulu parer à tout événement ; vivant encore, j’en ai fini des soucis de la vie ; j’ai confié à Dieu mes biens pour les siècles à venir, afin de pouvoir d’un cœur tranquille attendre la terrible mort. Si vous l’approuvez, félicitez un ami riche d’espérances ; sinon, souffrez que je m’en tienne à l’approbation de Jésus-Christ.

(Cité dans L’Année liturgique)

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