En octobre 1119, Norbert est à Reims où Calixte II vient de réunir un concile. L'affluence est telle que Norbert renonce à saluer le nouveau pape quand Barthélemy de Joux, évêque de Laon et parent du pape, vient le chercher pour le présenter et lui obtenir le renouvellement des pouvoirs concédés par Gélase II. Avec Barthélemy de Joux, Norbert gagne Laon, ville alors célèbre par ses écoles où il perfectionne ses connaissances de dialectique, de grammaire et de théologie. Lorsque Calixte II visite Laon, il demande à Norbert de prendre la tête des chanoines réguliers de l'abbaye Saint-Martin de Laon que l’évêque veut réformer. Après quelques échecs, Norbert veut reprendre sa liberté pour chercher une voie conciliable avec sa vocation apostolique, mais Barthélemy de Joux qui entend le garder dans son diocèse, le conduit près de Coucy-le-Château, dans une clairière jadis essartée par les moines de Saint-Vincent de Laon où, après une nuit de prières, Norbert décide de s'établir (1120).
Le nouvel ordre va rivaliser avec Cîteaux et saint Norbert apparaîtra comme l'émule de saint Bernard. Prémontré est-il une allusion à la vision que Norbert eut durant la nuit qu'il passa en prière, ou bien cette clairière portait-elle déjà ce nom ? Il est difficile d'en décider. En tout cas, aussitôt son dessein arrêté, le saint se met en devoir de le réaliser. Il passe l'hiver confiné dans une modeste cellule, mais aux beaux jours il prêche à Laon et dans les provinces du Nord : sa parole enflammée conquit de nombreux adeptes à son nouveau genre de vie et quand il rentre à Prémontré, il est accompagné de quarante disciples. Il n'est pas facile de préciser le dessein du fondateur qui a été arraché à son œuvre dès 1126 pour être placé sur le siège épiscopal de Magdebourg. Le travail d'organisation est l'œuvre de son successeur, Hugues de Fosses, qui s'inspire beaucoup des us de Cîteaux et de la charte de charité. On sait les liens étroits qui unissent Cîteaux et Prémontré, Bernard et Norbert, ce qui a déterminé les emprunts de Hugues. Norbert sollicité tout à la fois par la vie bénédictine à Siegburg, la vie érémitique et la vie canoniale à Rolduc ; c'est cette dernière forme et la règle de saint Augustin, qu'il adopte, avec beaucoup de réminiscences monastiques. Son attrait pour la vie érémitique détermine son choix du site sauvage et écarté de Prémontré. Celui-ci, dans l'esprit du fondateur est une pépinière de missionnaires pour régénérer le clergé et évangéliser le peuple. De nombreuses filiales sont créées : la première est Floreffe, près de Namur. En 1124, ce fut Anvers, fief de l'hérétique Tanchelin que les disciples du saint défient. L'extension prend les proportions de celles de Cîteaux et, du vivant d'Hugues de Fosses, premier successeur de Norbert, on compte une centaine de monastères répartis en vingt-neuf circaries ou provinces. Parmi les postulants figurent les plus grands noms, tel Godefroy de Cappenberg, riche seigneur westphalien, qui légue son château pour en faire un monastère, entraîne au cloître son frère, sa femme et ses deux sœurs qui fondent à leur tour d'autres abbayes. Thibaut, comte de Champagne, sollicite son admission à Prémontré, mais Norbert le renvoie dans le monde, le marie à la nièce de l’évêque de Ratisbonne, mais crée à son intention le tiers ordre. À l'ordre proprement dit s'ajoute de bonne heure, une branche féminine, qui faisait de Prémontré un monastère double ; plus tard, les norbertines vécurent dans des monastères isolés et s'adonnèrent à la vie contemplative, selon l'esprit de leur fondateur.