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Les papes et le Saint-Esprit

En cadeau à mes lecteurs, et par eux éventuellement à leurs prêtres confits en dévotion envers le pape quel qu’il soit, cet article paru dans le numéro 296 de Reconquête, écrit avant le conclave.

Il en est qui, ne pouvant se résoudre à voir Benoît XVI nous quitter, rêvaient que le conclave le réélise… Il en est d’autres qui, sede vacante, n’ont aucune appréhension parce que le Saint-Esprit donne forcément à l’Eglise le meilleur pape dont elle a besoin.

A tous ceux-là, et surtout à ceux qui confondent la foi catholique avec un fidéisme superstitieux et un providentialisme naïf, je dédie ce résumé de l’histoire de Benoît IX, qui fut élu pape trois fois, mais qui n’était pas particulièrement inspiré par le Saint-Esprit…

L’histoire commence il y a mille et un ans, en 1012, lorsque meurent à la fois le dernier grand chef de la famille Crescentius qui contrôlait Rome, et le pape Serge IV qui, comme ses prédécesseurs, était sur le siège de Pierre de par la volonté des Crescence. En 1012 c’est une autre grande famille, celle des comtes de Tusculum, les Tusculani, qui prend le pouvoir à Rome, et qui va donc faire les papes.

Le comte Grégoire de Tusculum a trois fils qui vont régner sur Rome. L’un sera le comte Albéric III, consul, duc et patrice des Romains, présent à la curie en tant que comte du palais du Latran. C’est le chef de la famille. Un autre est Romain, consul et sénateur. C’est le chef civil de Rome. Le troisième est Théophile, on en fait le pape, sous le nom de Benoît VIII. Un concurrent juge l’élection nulle et simoniaque (ce qu’elles étaient quasiment toutes, évidemment, puisque celui qui gagnait était celui dont la famille mettait plus d’argent, de possessions, de titres que les autres pour acheter les cardinaux), il monte une faction qui réussit à chasser Benoît VIII de Rome, et il se fait élire pape lui-même sous le nom de Grégoire VI. Mais l’empereur rétablit Benoît VIII sur son trône.

Plus chef de guerre que souverain pontife, Benoît VIII se fera connaître notamment pour avoir, à la tête de ses troupes, exterminé une armée de Sarrasins en Sardaigne et, dit-on, fait décapiter la femme de leur roi. Il aurait également fait décapiter quelques juifs rendus responsables d’un tremblement de terre. L’empereur Henri II ayant décidé de faire de Bamberg sa capitale, il demanda au pape de consacrer la cathédrale et de faire de Bamberg une dépendance directe du Saint-Siège. Benoît VIII accepta en contrepartie d’un tribut annuel de « cent marcs d’argent et une haquenée blanche enharnachée ».

Il mourut en 1024, et son frère Romain (qui était laïc) se fit élire pape à son tour, sous le nom de Jean XIX. Comme ça il avait tous les pouvoirs, c’était plus pratique. Il était encore plus rapace que son frère et les Romains finirent par le chasser. L’empereur vint le rétablir sur son trône, mais il mourut juste après (en 1032).

Alors Albéric III fit élire pape son fils Théophylacte, sous le nom de Benoît IX, tandis qu’il s’assurait le contrôle civil de Rome en faisant nommer un autre de ses fils, Pierre, consul, duc et sénateur des Romains.

Selon le grand chroniqueur de l’époque Raoul Glaber, Benoît IX avait « environ dix ans » quand il fut « élu » pape. Les historiens modernes supposent qu’il devait avoir quelques années de plus, en raison de l’activité sexuelle débridée et tous azimuts dont il faisait déjà preuve au début de son pontificat, au témoignage d’historiens ultérieurs pas forcément bien intentionnés.

Mais les Crescentius n’avaient pas complètement disparu. En 1044, une branche de la famille, les Stephani, suscita une émeute contre Benoît IX, qui dut s’enfuir. Les Stephani firent élire un nouveau pape, du nom de Silvestre III, qui fut naturellement excommunié par Benoît IX. Trois mois plus tard, Benoît IX reprenait Rome, et son trône pontifical. Mais un an après, le 1er mai 1045, il se démet de sa charge et laisse la place, contre une grosse somme d’argent, à son parrain, Jean Gratien, qui devient Grégoire VI…

On ne sait pas exactement pourquoi Benoît IX renonça. D’une part Rome était un champ de luttes entre les grandes familles où la sienne ne contrôlait plus vraiment la situation, d’autre part on dit, soit qu’il regrettait la façon dont il était devenu pape, soit qu’il voulait épouser une de ses cousines… Bref, il se retire sur les terres familiales (en tant que comte de Tusculum, charge qui lui avait été donnée par son père en même temps que le souverain pontificat…).

Vers la fin de l’année 1046, l’empereur Henri III vient remettre de l’ordre à Rome. Par le concile de Sutri, il fait condamner Silvestre III, abdiquer Grégoire VI (qu’il accuse de simonie, évidemment), et élire pape Suidger, l’évêque de Bamberg, bien sûr, qui prend le nom de Clément II. Lequel meurt dix mois plus tard. Les Tusculani ne laissent pas passer l’occasion de remettre Benoît IX sur le siège de Pierre. Mais les autres grandes familles vont se plaindre auprès de l’empereur, qui fait aussitôt élire pape un Bavarois qui prend le nom de Damase II, lequel meurt trois semaines plus tard. Mais Benoît IX doit s’enfuir de Rome une nouvelle fois, chassé par l’empereur, qui fait élire pape Bruno d’Eguisheim, Léon IX. Lequel ravage les domaines des Tusculani, puis excommunie Benoît IX.

A la mort de Léon IX, en 1054, il tente de nouveau de retrouver le siège pontifical, mais il échoue. Il se retire au monastère de Grottaferrata et meurt l’année suivante.

On constate qu’il faut y regarder à deux fois pour déterminer quelle fut exactement la succession apostolique au cours de ce demi-siècle… On constate aussi et surtout que le Saint-Esprit n’a pas grand chose à y voir. Sauf sur l’essentiel : l’Eglise catholique a survécu à ces querelles de clans romains qui rythmaient l’histoire des papes, lesquels étaient aussi religieux que les pires de nos actuels politiciens…

Tout cela pour dire que

1 – Non, le Saint-Esprit ne garantit absolument pas que le pape élu soit le pape idoine pour notre temps.

2 – Oui, quel que soit le pape, le Saint-Esprit garantit que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Eglise.

Yves Daoudal

 

Commentaires

  • Excellent rappel de la théologie catholique concernant l'obéissance due au pape.
    Ce qui est de Foi, c'est que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l'Eglise et que le Christ à prié pour que la foi de Pierre ne défaille pas...dans le cas d'une élection légitime. Mais il n'a jamais promis que les papes soient des saints.

    Par contre ce qui me chagrine, c'est que les papes du passé avaient peut-être des vies dissolues mais qu'ils conservaient le dépôt de la foi, alors que les papes modernes (entendez les papes d'après concile VII), ont apparemment des vies "normales" mais sur le plan de la doctrine, ils fricotent avec des comportements mettant en danger la doctrine.

  • Le lavage et baisage des pieds d'une jeune musulmane m'ont beaucoup choqué.
    En quoi cela met-il en danger la doctrine ou la perte du dépôt de la foi ? Est-ce simplement une stupidité, ou un manque de connaissance de l'islam, ou l'envie de faire du nouveau ?
    J'espère qu'un expert pourra l'expliquer.
    Obeissance, pourquoi pas ? Que peut-il nous contraindre de faire ou de penser finalement ?
    Dévotion affectueuse, c'est autre chose.

  • Merci d'abord de nous rappeler cette page d'histoire de la papauté bien ignorée sans doute pour beaucoup d'entre nous.
    Mais en 2013,il ne s'agit pas uniquement de l'élection de François mais également du choix surprenant à 90 votants dit-on des cardinaux du conclave.
    Le mal est quand même bien profond dans les instances dirigeantes de l'Eglise,c'est malgré tout très surprenant après le pontificat de Benoit XVI qui fut largement restaurateur de la Tradition.

  • Chaque Pape est évidemment idoine pour son temps, saint Pierre en est la première preuve et François la dernière en date.
    Même si nous nous moquons souvent du Bon Dieu, Lui ne se moque jamais de nous.
    Alors, Son Eglise peut bien être infiltrée par les fumées de satan (depuis saint Pierre, Judas, ...), il nous faut garder confiance !
    S.S. François a lavé les pieds de musulmans, dit des mots de travers dans sa bénédiction, fait ceci ou cela... J'allais dire Inch Allah, mais je préfère dire à la Grâce de Dieu !
    Sinon, l'on pourrait vite tomber dans le sédévacantisme.

  • Bonjour Mr Daoudal,
    C'est avec un grand intérêt que je lis votre blog, j'en apprends chaque jour davantage.
    Je pense que depuis le concile Vatican II, l'Eglise est devenu un repaire de brigands dirigé par la Franc-Maçonnerie, et que le pape François est un de leur pion et un anti-prophète.
    Cordialement

  • Excusez-moi plutôt un anti-pape.

  • Ce serait tellement facile si c'était vrai.

    Mais ce n'est pas vrai, heureusement...

  • "Je ne dirais pas que le Saint-Esprit choisit le pape. [...] Mais comme un bon éducateur, il nous laisse un grand espace, une grande liberté, sans nous abandonner totalement. Le rôle du Saint-Esprit devrait être entendu dans un sens plus souple que le fait d'imposer le candidat pour lequel on doit voter. Probablement la seule assurance qu'il nous donne est que cette affaire ne peut être totalement catastrophique. [...] Il y a trop de contre-exemples de papes que l'Esprit saint n'aurait évidemment pas choisis !"
    Joseph Cardinal Ratzinger - 1997.

  • Merci Mr Daoudal, je cherche à comprendre.

  • Etes-vous un nouveau Savonarole ou un nouveau Luther ?

  • Ouarf... Ni l'un ni l'autre, mais un simple catholique du rang, et qui entend le rester: à la fois CATHOLIQUE, et DU RANG.

    En revanche je vois bien un nouveau Savonarole: l'homme qui veut démolir les aménagements intérieurs et supprimer les détritus, le capucin Cantalamessa; et s'il y a un nouveau Luther, ce sera le grand ami des pasteurs, le pape en personne.

  • @ Guiquin : Comparaison n'est pas raison. À moins que ce ne soient que des insultes gratuites...

    Je me méfie cependant beaucoup de la façon dont l'histoire est écrite, de plus l'histoire de périodes si reculées. Il faut être paléographe et latiniste pour lire les archives...

    Quand vous nous dites que le Pape de l'époque a fait exterminer les juifs qu'il accusait d'avoir provoqué un tremblement de terre... Je reste très dubitatif... Voire, je vous avoue que je n'y crois pas du tout. Ensuite qu'il a fait décapiter sans jugement "la" (?) femme du Sarrazin. Mais bien sûr... Il a aussi refusé le méchant la libération des esclaves qu'il détenait dans les caves du Latran et que le chef Sarrazin venait libérer. Hélas pour l'humanité, le Sarrazin a perdu et les esclaves sexuelles du Pape ont continué leur service. Mais bien sûr...

    Monsieur Tin, s'appuie sur un faux sens pour prétendre que par une bulle du 15e siècle, le pape Nicolas V avait préconisé la mise en esclavage des Africains... Alexandre VI Borgia était un saint homme... voyez comment il est présenté par la télé...

    Toutes l'histoire des papes est écrites par leurs ennemis...

    Le Pape François est un saint homme, même si je le préfèrerais plus respectueux des droits de fidèles et de la culture européenne.

  • Même si ce n'est pas forcément le Saint- Esprit qui choisit le pape, on peut et on doit quand même prier le Saint-Esprit de guider le pape élu. Oui, et je crois même que si le pape fait des gaffes, c'est que nous n'avons pas assez prié.

    Gardons-nous aussi d'avoir l'esprit pharisien. Cela me semble dangereux pour nos âmes de surveiller le pape à la loupe, de dire qu'il n'a pas respecté telle ou telle règle, et de le juger. Laissons Dieu le juger; Lui connaît son cœur.

    Pour ce qui est du lavement de pieds: il n'est pas mauvais que des musulmans sachent de quel amour Jésus les aime à travers le geste du pape (attention, je parle des personnes musulmanes et non de la doctrine islamique). Aimons les musulmans et prions de tout notre cœur pour leur conversion. Jésus a souffert sa Passion pour eux aussi.

  • Le pape François est en observation.

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