Ma messe du jour de Pâques (dans la « forme extraordinaire » évidemment – car la messe doit toujours être extraordinaire) célébrée par Mgr Athanasius Schneider, que je ne pensais certainement pas voir un jour…
Merci mon Dieu.
Les cinq plaies
“Daoudal Hebdo” n° 160 (février 2012)
Mgr Athanasius Schneider, 50 ans, évêque auxiliaire d’Astana, la capitale du Kazakhstan, était le 15 janvier dernier l’invité vedette de la 4e rencontre de Réunicatho, « mouvement spontané de fidèles catholiques de différents diocèses attachés à la réintroduction de la forme extraordinaire dans leurs paroisses ». Et c’est lui qui a célébré la messe selon la « forme extraordinaire ».
Mgr Athanasius Schneider s’est fait connaître par un petit livre intitulé Dominus Est – Réflexions d’un évêque d’Asie centrale sur la sainte communion. Lisant le manuscrit, Benoît XVI avait aussitôt demandé aux éditions du Vatican de le publier. Depuis lors (janvier 2008) il a été traduit en diverses langues, et en français avec comme sous-titre : « pour comprendre le rite de communion pratiqué par Benoît XVI » (sur la langue).
Dans sa conférence à Réunicatho, il montre de façon très forte comment la constitution de Vatican II sur la liturgie ne prônait en aucune manière une rupture liturgique et ne peut en aucune manière être revendiquée comme la charte de la révolution liturgique qui s’est répandue dans l’Eglise. Car le texte soulignait que l’humain doit s’orienter vers le divin, qu’il ne doit y avoir aucune innovation sauf si c’est pour un profit véritable et certain, et que si l’on instaure des formes nouvelles elle doivent remplacer les anciennes de manière organique, et permettre d’exprimer le sacré plus explicitement…
Mgr Schneider a identifié cinq plaies liturgiques (comme les cinq plaies du Christ) qui défigurent partout la liturgie. Et il constate que sur ces cinq plaies, quatre ne proviennent ni du texte de Vatican II ni du texte de la messe selon la forme ordinaire.
La première plaie est la célébration de la messe où le prêtre est tourné vers le peuple, comme s’il faisait un cours ou que l’on partageait un repas. Cette façon de faire n’est pas conforme à l’adoration, elle est « totalement étrangère à la chrétienté traditionnelle » (Benoît XVI), et elle ne correspond pas au nouveau missel, qui par deux fois demande au célébrant de se retourner vers les fidèles.
La deuxième est la communion dans la main, qui a été « introduite par un certain nombre d’évêques en désobéissance au Saint Siège et dans le mépris du vote négatif en 1968 de la majorité du corps épiscopal », puis légitimée par Paul VI « sous conditions particulières et à contrecœur ».
La troisième, ce sont les prières de l’offertoire. Je ne crois pas qu’un évêque, jusqu’ici, ait osé qualifier de « plaie » les prières de l’offertoire de la messe de Paul VI. Mgr Schneider le fait. Parce que, explique-t-il, elles sont « une création entièrement nouvelle et n’ont jamais été en usage dans l’Eglise » et expriment l’évocation d’un repas, « rappelant les prières du repas sabbatique juif », alors que « les prières de l’offertoire ont toujours été axées expressément sur le mystère du sacrifice de la croix », tant en Occident qu’en Orient. « Une telle création, insiste-t-il, est « sans nul doute en contradiction avec la formulation claire de Vatican II » sur le fait que les formes nouvelles doivent croître de façon organique des formes existantes.
La quatrième est « la disparition totale du latin dans l’immense majorité des célébrations eucharistiques de la forme ordinaire dans la totalité des pays catholiques », ce qui est « une infraction directe aux décisions de Vatican II ».
La cinquième plaie est « l’exercice des services liturgiques de lecteur et d’acolyte par des femmes, ainsi que l’exercice de ces mêmes services en habit civil en pénétrant dans le chœur pendant la Sainte Messe directement depuis l’espace réservé aux fidèles », ce qui « confère à la célébration de la messe catholique le caractère extérieur de quelque chose d’informel, le caractère et le style d’une assemblée plutôt profane ». Et à ce propos, Mgr Schneider souligne que dans les textes de Vatican II « il n’est fait nullement mention de la suppression des ordres mineurs et du sous-diaconat, ni de l’introduction de nouveaux ministères »…
Ces plaies « réclament guérison », dit Mgr Schneider. « Elles représentent une rupture comparable à celle de l’exil d’Avignon. (…) C’est pourquoi on a besoin aujourd’hui de nouveaux saints, d’une ou de plusieurs sainte Catherine de Sienne. On a besoin de la “vox populi fidelis” réclamant la suppression de cette rupture liturgique. »
Extrait d’un autre article de “Daoudal Hebdo” :
La légitimité du recours aux livres antérieurs ne fait plus de doute depuis le motu proprio Summorum pontificum, où Benoît XVI évoque un enrichissement réciproque des deux formes de la messe. A ce propos, une récente interview de Mgr Athanasius Schneider était éclairante. Lorsqu’on lui demande en quoi l’ancienne forme du rite peut enrichir la nouvelle, sa réponse fait 52 lignes. Lorsqu’on lui demande en quoi la nouvelle forme peut enrichir l’ancienne, il répond en 7 lignes…
Et aussi, le 17 décembre 2010, à l’occasion du colloque organisé à Rome par les Franciscains de l’Immaculée, sur le thème : « Vatican II, un concile pastoral – Analyse historique, philosophique et théologique », Mgr Athanasius Schneider a demandé la rédaction d’un Syllabus condamnant infailliblement « les erreurs d’interprétation du Concile Vatican II ». Car, a-t-il précisé, seul le magistère suprême de l’Église – celui du pape ou d’un nouveau concile œcuménique – peut corriger les abus et les erreurs nés du Concile Vatican II et rectifier sa compréhension et sa réception à la lumière de la tradition catholique. Or, comme il n’est guère possible de réunir un nouveau concile « avant 500 ans », il faut en appeler au magistère suprême du pape. D’où cette demande d’un nouveau Syllabus où figureraient face à face les erreurs condamnées et leur interprétation orthodoxe.
Commentaires
Paul VI introduisait toujours des éléments inconvenants "à contrecœur", en pleurant etc. Puis, tous ces éléments sont devenus des sortes de normes, sous son œil indifférent. Le viol des droits des fidèles le laissait de marbre. Même, il a tenu un discours en 1974 subtilement hostile à la liberté religieuse des fidèles. Aujourd'hui, la plupart des évêques exècrent le rite traditionnel... et le persécutent, sans aucun titre.
S'il faut attendre 70 ans pour que l'ordre soit rétabli, cela nous fait environ l'an 2039... Avec de la chance, je serais peut-être encore en vie, mais certainement pas pour longtemps.
Mgr Schneider est-il un signe des temps ?
Bonjour Yves Daoudal, dites nous vite où vous avez pu
entendre Mgr A. Schneider célébrer la messe extra-
ordinaire.Serait-il venu de nouveau nous rendre visite
ou avez-vous entendu cette messe dans le Kazhagstan
qu'il habite ? merci
Certainement ce n'était pas au Kazakhstan. C'était à 5 km de chez moi... Chttt...
Je vous remercie pour cet article. Voulant être positif, je dirai que le discours sur les 5 plaies préconise un travail au présent et un travail à venir.
Au présent, d'abord se réapproprier le sens du sacré : le sacré biblique où le Dieu révélé emprunte des formes naturelles et culturelles du sacré pour marquer son irruption dans l'histoire. Si bien que le christianisme n'efface par les lieux, temps et rites sacrés, mais les purifie et les enrichit organiquement au cours de l'histoire. Ainsi, la foi ne fait pas disparaître la religion, mais la purifie et l'approfondit.
Concernant la position de l'assemblée et du prêtre dans l'espace, elle me semble tributaire de ce principe que la liturgie est animée par un mouvement double : un mouvement dialogal (Liturgie de la Parole) et un mouvement d'adoration (liturgie eucharistique). Je crois que le Cardinal Ratzinger avait demandé qu'on mette une croix très visible au centre de l'autel pour maintenir l'orientation vers le Christ (le Véritable Orient) même dans le cas où la position matérielle des prêtres et des fidèles se serait maintenue en vis à vis, de part et d'autre de l'autel. Personnellement, c'est la solution que j'adopte et que je préconise, non pas pour couper la poire en deux, mais pour maintenir un équilibre entre le fait de "montrer" le mystère qui s'accomplit (tendance très occidentale, je le reconnais) et l'orientation de tous vers l'adoration de l'action qui s'accomplit et de Celui qui l'accomplit par les mains du prêtre.
Je ne parle pas ici en termes "politiques" mais en termes d'équilibre liturgique en contexte occidental, sachant que l'emplacement de l'autel et du prêtre célébrant les saints mystères, tel que décrit dans la PGMR, est au service de la participation facilitée (passant par la visibilité maximale) de tous à l'adoration de ce qui s'accomplit : le Sacrifice du Christ.
Comme je ne suis pas naïf, je sais que, de par les choix officiels dans leur rapport à leur contexte, et surtout de par l'histoire de la pratique, cette position "versus populum" a été systématiquement faussée, interprétée et vécue comme un remplacement impressionnant de l'adoration par le dialogue et le partage, et donc comme une laïcisation de la foi catholique et de ses rites. Pardonnez-moi tout de même de prétendre qu'il est possible en soi et grâce à Benoit XVI - de célébrer en forme ordinaire de cette façon-là avec un grand sens du sacré, et un sens pastoral de la mise du sacré à disposition des fidèles. Affaire à suivre...
La communion dans la main est une angoisse pour un prêtre ; ce geste est dangereux, car il impose au prêtre de vérifier sans cesse que les fidèles communient sur place (certains emportaient l'hostie pour la partager avec des proches, malades ou non...). Mais depuis quelque temps, je constate que la proportion s'inverse, au bénéfice de la communion donnée sur la langue.
L'offertoire est une question délicate ; la "présentation des dons" n'est pas référencée au Sacrifice à venir, et il faut attendre l'Orate Fratres (en latin) pour avoir cette référence. Je comprends ceux qui disent qu'il y a là un bouleversement inorganique de la tradition précédente, et peut être un bouleversement du temps liturgique dans un sens trop successif.
L'abandon du latin est pour moi un drame, à deux niveaux : nous subissons depuis tant d'années une traduction liturgique française de l'ordinaire de la Messe, traduction à la fois frelatée et inique ; et puis, il y a la musique des mots, et des chants, et un au-delà de la compréhension intellectuelle en participation liturgique. "Te igitur, clementissime Pater...", 'Hostiam, puram, hostiam sanctam, hostiam immaculatam"..., "da eis Domine locum refrigerii lucis et pacis" (= une plage en Italie du sud !)... Quand on dit çà comme çà, franchement, on n'est plus là, on est ailleurs...
Pour les ministres qui ne sont ni diacres ni prêtres, subsiste le problème du Motu Proprio "Ministeria Quaedam" de 1972, consacrant la suppression du sous-diaconat latin comme degré propre de l'ordination. On pourra simplement appeler l'acolyte "sous-diacre". Cependant, dans ce cas des "ministères institués", il n'est jamais dit si des femmes peuvent y accéder ou non. Et cela a fait que, dans la pratique, ces ministères ont été très peu conférés sous la forme liturgique prescrite, à l'exception du lectorat et de l'acolytat pour les futurs ordinands. Je ne connais pas la discipline pour les communautés ED. Chez nous, ce sont des femmes en civil qui font les lectures et la prière universelle, voire qui participent à la procession des offrandes. La liturgie eucharistique est assurée par des hommes en tenue liturgique ou en tenue de servants d'autel. Bref, comme à Saint-Pierre sous Benoît XVI. Pas de mamys-bigoudis, de castafiores, de prêtresses ni de déesses à côté de l'autel...et pas de tenues chorales de "schtroumpfs" et de "schtroumpfettes"...
Sous forme de conclusion positive, je pense que le Motu Proprio de Benoît XVI avec la lettre aux évêques consacrait une demande de mise en œuvre de la liturgie "ordinaire" dans un sens sacral, sous l'iguillon même de l'ouverture à la forme "extraordinaire". Un désaccord subsistera sans doute pour l'appréciation de la réforme de Paul VI, que je tiens en honneur en tant que telle, "juxta modum", et pour le respect de laquelle il y a aujourd'hui des prêtres qui prennent des coups. Mais il est indéniable que le contexte de désacralisation et de laïcisation (et les rituels laïcisés, nous savons où on les pratique et par conséquent qui les inspire) réclame de façon urgente une resacralisation de l'Eglise et de ses pratiques rituelles, pour le salut des âmes.
Je terminerai cependant par une note sombre ; en général, je ne prévois pas la réunification du rite latin par enrichissement mutuel avant très longtemps. Au plus haut niveau, des questions lourdes se posent quant à la possibilité d'une heureuse évolution de la situation : soit que des écarts qu'aucun prêtre ne peut se permettre sont commis, soit qu'un catholicisme évangélique en vienne à subvertir la place centrale de la fidélité liturgique, extérieure et intérieure, dans la vie de l'Eglise. Peut-on théoriser à ce point l'abandon des coutumes cérémonielles, ravalées qui plus est au rang de détritus dans un sermon de capucin tout autant enflammé que vulgaire en pleine liturgie de la Passion ? On même est passé ce matin à l'omission de l'homélie du dimanche de Pâques. Là, comme disait la petite Sainte Thérèse, je m'arrête, de peur de blasphémer. Merci à cet évêque d'Asie centrale et à ce blog qui le cite. Je crois vraiment qu'il faut traverser et tenir, car notre existence est d'ordre pascal.
ET que penser de l'absence systématique de génuflexion pendant la consécration? J'ai observé la messe de la nuit et celle de ce matin? Les cardinaux concélébrant font la génuflexion, pas le Pape, c'est quand même curieux!
Et la conclusion de pa prière eucharistique chantée par un concélébrant et non par le Pape lui même: pourquoi ne chante-t-il pas?
Et quid de la catholicité lorsque la fameuse salutation qui précède la bénédiction urbi et orbi n'est plus prononcée en plusieurs langues!
C'est urbi, mais pas orbi!
Inquiétude, inquiétude
Comme écrit Fénelon: Il y a une simplicité qui est un défaut, et il y a une simplicité qui est une merveilleuse vertu
Ayant lu les contributions qui précèdent, ici et sur d'autres thèmes traités par M. Daoudal, je crois qu'il ne reste plus qu'une chose à faire : rédiger humblement mais sans aucune gêne, l'exposé structuré de toutes les interrogations et de toutes les inquiétudes, que se posent et que manifestent un nombre non négligeable de croyants, et l'envoyer sans tarder au saint-père. Répondra-t-il par des métaphores, répondra-t-il aux questions par d'autres questions - en bon jésuite qu'il est - ? On verra. Et s'il ne répond pas ? Eh bien, ce sera plus clair encore ! Mais ne le souhaitons pas.
Je crois qu'il faut garder toute sa sérénité;François affectionne l'italien,eh bien,c'est une très belle langue et nous la parlerons avec lui;il se veut évêque de Rome en mettant de côté le pontife romain,bah,c'est une manie qui lui passera,les réalités s'imposeront et son entourage lui fera comprendre;il massacre la liturgie,ça,c'est infiniment plus grave mais il l'a toujours fait comme cardinal,rien de nouveau donc,le conclave le savait parfaitement et l'a élu.
Il faut attendre deux ou trois mois à mon avis pour y voir plus clair et savoir s'il s'attaque aux fondamentaux de la foi en mettant en place une religion "salmigondis" conforme au nouvel ordre mondial satanique.
Là,au conditionnel,il faudrait dire non.