Cela tient du miracle. En 2005, les accords inter-soudanais avaient prévu que le Soudan du Sud serait indépendant le 9 juillet 2011. Malgré toutes les vicissitudes, et les récents troubles, le Soudan du Sud a proclamé son indépendance le 9 juillet 2011.
Dès minuit, les cloches de Juba, la capitale, ont sonné à toute volée, pendant que la population faisait la fête. Quelques heures plus tôt, le Soudan avait été le premier pays à reconnaître le Soudan du Sud comme Etat indépendant.
Dans la matinée, le président du Parlement, James Wani Igga, a lu la proclamation d’indépendance. Puis le président de la République, Salva Kiir a prêté serment : « Par la présente, je jure par Dieu tout puissant qu'en tant que président de la République du Soudan du Sud je serai fidèle et je prête allégeance à la République du Soudan du Sud. »
La France a été l’un des premiers pays à reconnaître le nouvel Etat, par un communiqué de l’Elysée. Dans ce communiqué, le pays est appelé à plusieurs reprises « Soudan du Sud », ce qui est son nom en bon français. Comme tout le monde disait « Sud-Soudan », j’utilisais aussi cette expression. Puisque, pour une fois, l’Elysée donne l’exemple, disons aussi « Soudan du Sud ».
Ce nouveau pays est vraiment un nouveau pays, puisqu’il n’y a rien au Soudan du Sud, en dehors du pétrole (qui est en fait sous contrôle soudanais) et de l’enthousiasme de la population. Juba est sans doute la seule capitale au monde où il n’y a aucun immeuble (en dehors d’un récent hôtel), et où la plupart des rues sont en terre…
Mais c’est un événement historique qu’un pays qui était un réservoir d’esclaves noirs chrétiens et animistes pour les Arabes musulmans du Nord devienne maître chez lui.
Pour marquer le coup, voici le portrait de Salva Kiir que je faisais dans le n°114 de Daoudal Hebdo :
Salva Kiir : un président catholique
Les accords de paix de 2005 stipulaient que pendant la période intermédiaire il y aurait au Soudan un vice-président représentant le Sud. Ce vice-président devait être le chef de la rébellion sudiste, John Garrang, mais celui-ci mourut dans un accident d’hélicoptère moins d’un mois après sa nomination. Il fut remplacé par Salva Kiir Mayardt, l’un des autres chefs de la rébellion. Il devint également président de la région semi-autonome du Sud-Soudan. En avril 2010, il a été élu président du Sud-Soudan avec 93 % des voix, et il a organisé le référendum.
Salva Kiir, qui arbore le plus souvent une coiffure insolite : un chapeau texan (le premier fut un Stetson noir que lui offrit George Bush lors d’une réunion à Khartoum en 2006) n’a pas la personnalité flamboyante de John Garrang, mais de l’avis des observateurs il est l’homme de la situation, par son calme, sa modération, sa capacité d’écoute. Considéré comme un héros par la population, il a gracié des miliciens renégats, a rallié à lui d’anciens opposants, et s’est entretenu avec des groupes d’opposition pour arrêter des positions communes en prévision du référendum. A Khartoum, on l’appelle le « vice-absent », car on ne l’a pas beaucoup vu dans la capitale du Soudan...
Pour l’écouter, le plus simple est d’aller à la messe. En effet, chaque dimanche, Salva Kiir abandonne son chapeau de cow-boy, revêt sa djellabah d’apparat, et se rend à la messe à la cathédrale de Juba, où il a son fauteuil attitré de président. Il entretient les meilleures relations avec l’archevêque de la capitale, Mgr Paulino Lukudu Loro, et à la fin de la messe il s’adresse aux fidèles.
J’ai trouvé sur internet un article relatant la visite de Salva Kiir aux musulmans de Juba à l’occasion de l’Aïd el Fitr, en 2008. Il leur déclara que le gouvernement du Sud-Soudan et le Mouvement de libération du peuple soudanais (son parti, issu de la guérilla) ne discriminent personne sur la base de la religion, que les musulmans sont chez eux au Sud-Soudan, et que si quiconque leur cause du tort parce qu’ils sont musulmans il faut le lui dire aussitôt. Il poursuivit : « Je veux que nous tous continuions dans un esprit d’unité comme peuple d’une nation unie. Nous ne voulons pas que la religion pose des problèmes entre nous, mais je veux dire à ceux qui veulent créer des problèmes à cause de la religion que la religion est un choix personnel : si je veux devenir musulman, c’est mon choix, je n’accepterai pas d’être converti de force, parce que la religion est la relation entre Dieu et moi. Je n’accepterai pas que qui que soit m’oblige à devenir musulman, quelles que soient les circonstances. »
Il dit encore : « Quand nous nous battions dans le maquis, nous avions capturé des jeunes gens qui s’appelaient eux-mêmes moudjahidine. Ils avaient tous une clef dans leurs poches : on leur avait dit que c’était la clef pour ouvrir la porte du paradis, et que pour arriver au paradis ils devaient passer par le Sud-Soudan. Nous leur avons dit que ce n’est pas vrai, parce que si réellement le chemin du paradis passait par le Sud-Soudan, ils n’auraient trouvé personne sur les terres du Sud-Soudan : nous les Sud-Soudanais nous serions déjà tous allés au paradis. Frères et sœurs, voilà comment les gens créent des problèmes et des confusions au nom de la religion, et le gouvernement du Sud-Soudan et le Mouvement de libération du peuple soudanais ne veulent pas que de telles choses arrivent au Sud-Soudan. »
C’est joliment dit, et la leçon est claire.
En juillet 2010, il fut interviewé à la radio néerlandaise (Radio Netherlands Worldwide). Et on lui posa une question… sur l’homosexualité. Il répondit tranquillement qu’on n’admettait pas l’homosexualité dans son pays : « Ce n’est pas dans notre caractère, ce n’est pas de chez nous, et si quelqu’un veut importer cela au Soudan, ce sera condamné par tout le monde. »
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Deo gratias