Au lendemain de la confirmation inattendue de Shahbaz Batthi à son poste de ministre des Minorités, je signalais que l’agence Fides en profitait pour faire un éloquent bilan du travail accompli par cet homme. Je commentais : Espérons que ce ne soit pas un éloge funèbre… Hélas… Shahbaz Batthi a été assassiné ce matin. « Je veux juste une place aux pieds de Jésus, je veux que ma vie, ma personnalité, mes actions parlent pour moi et disent que je suis un disciple de Jésus-Christ », disait-il. Exceptionnellement, voici en avant-première mon édito du prochain numéro de Daoudal Hebdo.
Au matin du 2 mars, alors qu’il partait de chez lui pour se rendre à son bureau, Shahbaz Batthi a été sorti de sa voiture par des hommes masqués qui l’ont mitraillé à mort avant de s’enfuir, laissant sur place des tracts de l’alliance « Tehrik-i-Taliban », reprochant au gouvernement d’avoir chargé un « infidèle chrétien » d’animer une commission de révision de la loi sur le blasphème. « Avec la bénédiction d'Allah, les moudjahidine enverront chacun d'entre vous en enfer », dit le tract.
Alors que les organisations islamistes exigeaient son départ du gouvernement pakistanais, Shahbaz Bhatti venait d’être reconduit à son poste de ministre des Minorités. Il disait: « Ma nouvelle nomination créera certes des protestations et des mécontentements chez de nombreux extrémistes islamiques. Mais mon combat se poursuivra malgré les difficultés et les menaces que j’ai reçues. Mon seul but est de défendre les droits fondamentaux, la liberté religieuse et la vie même des chrétiens et des autres minorités religieuses. Je suis prêt à tout sacrifice pour cette mission que j’exerce avec l’esprit d’un serviteur de Dieu. Je remercie tous ceux qui ont prié pour moi et qui m’ont soutenu. Maintenant, il y a encore beaucoup à faire. Nous devons relever des défis très sérieux comme celui concernant le blasphème. Je chercherai à témoigner, dans mon engagement, la foi en Jésus Christ ».
Shahbaz Bhatti était originaire du village de Khushpur, appelé « le Vatican du Pakistan » parce qu’il avait été fondé par les dominicains et qu’en sont issus de nombreux prêtres, religieuses et religieux. Son père, enseignant, était le président du conseil de l’église de Khushpur. Il avait été hospitalisé à l’automne dernier et, très affecté par l’assassinat, le 4 janvier, du gouverneur du Pendjab Salman Taseer (qui soutenait Asia Bibi), il est mort six jours plus tard.
Shahbaz Bhatti avait été remarqué par Benazir Bhutto dont il était devenu un proche collaborateur. Il avait été légèrement blessé lors de l’attentat qui coûta la vie à la dirigeante du pays. Il avait fondé l’« Alliance des minorités du Pakistan », qui se battait contre les discriminations et les persécutions. Il avait été nommé ministre en 2008. Il avait obtenu que soient réservés aux minorités 5 % des postes au sein des ministères et 4 sièges au Sénat. Il avait obtenu la reconnaissance officielle de leurs fêtes religieuses. Il avait fait construire des salles de prière non musulmanes dans les prisons. Il aidait les chrétiens des quartiers les plus pauvres dans leurs batailles pour le droit de propriété. Il fournissait l’assistance légale et matérielle aux victimes de la violence et de la loi sur le blasphème. Il avait créé dans tout le pays des « comités interreligieux de district » pour tenter d’apaiser les tensions. Il avait créé une ligne téléphonique d’urgence pour assister les minorités. Il s’était directement impliqué pour la cause d’Asia Bibi, et il avait créé une commission pour la révision de la loi sur le blasphème.
Après les propos de Benoît XVI sur Asia Bibi, il disait : « Je suis profondément croyant et les paroles du Pape sont très importantes pour ma vie. Je le remercie pour sa proximité et pour la solidarité qu’il a exprimée à l’égard des chrétiens du Pakistan. Son réconfort m’encourage à témoigner la foi dans ma vie, malgré les difficultés. Je demande au Saint-Père et à tous les fidèles du monde de prier pour moi. »
En décembre, plusieurs organisations islamistes avaient fait de Shabaz Batthi un « objectif légitime », soulignant qu’il « doit être tué en tant que complice de blasphème ».
Le Pakistan compte un nouveau, et grand, martyr.