Il est extrêmement rare qu’un évêque d’un pays arabe ose dire publiquement la vérité sur l’islam. Les raisons sont évidentes et il n’est pas besoin de les rappeler. Aussi doit-on saluer le courage de Mgr Raboula Antoine Beylouni, archevêque titulaire de Mardin des Syriens, évêque de Curie d'Antioche des Syriens (à Beyrouth), qui, dans une intervention écrite au synode, a dit ce que les évêques occidentaux ne disent jamais, alors qu’ils ne risquent rien. On notera que Mgr Beylouni a le titre d’archevêque de Mardin : il s’agit d’une ville turque qui fut autrefois une ville et un archevêché de chrétiens « assyriens », et qui a été le théâtre du génocide assyrien vers 1915. Le texte de Mgr Beylouni étant en français, aucune question ne peut se poser sur la traduction de ses propos.
On les complètera utilement avec une autre intervention écrite (également en français), d’un autre évêque de la curie d’Antioche des Syriens, Mgr Flavien Joseph Melki, évêque titulaire de Dara des Syriens (Dara, aujourd’hui Oguz, se trouve près de Mardin), qui répond à l’appel de l’instrumentum laboris « à mettre tout en œuvre, de concert avec les musulmans modérés et éclairés, afin de parvenir à instaurer dans les États islamiques, où ils vivent, une “laïcité positive” qui garantirait l'égalité de tous les citoyens reconnaissant le rôle bénéfique des religions. Cette réforme du régime politique et théocratique de nos pays, “faciliterait la promotion d'une démocratie saine”. »
- S. Exc. Mgr Raboula Antoine BEYLOUNI, Archevêque titulaire de Mardin des Syriens, Évêque de Curie d'Antioche des Syriens (LIBAN)
Nous avons au Liban un comité national de dialogue islamo-chrétien et cela depuis plusieurs années. Il y avait aussi une commission épiscopale issue de l'Assemblée des Patriarches et Évêques Catholiques au Liban chargée du dialogue islamo-chrétien. Elle a été supprimée pour donner plus d'importance à l'autre comité, d'autant plus qu'il n'y avait pas de résultat sensible.
Il y a parfois des dialogues ici ou là, dans des pays arabes, comme au Qatar, où l'Émir lui-même invite à ses frais, des personnalités de différents pays et des trois religions: chrétienne, musulmane et juive. Au Liban, sur la chaîne Télé-lumière et Noursat, et sur d'autres chaînes de télévision, on donne parfois des programmes de dialogue islamo-chrétien. Souvent on choisit un thème, et chaque parti l'explique ou l'interprète selon sa religion. Ces programmes sont d'ordinaire très instructifs.
J’ai voulu par cette intervention, attirer l'attention sur les points qui rendent ces rencontres ou dialogues difficiles et souvent privés d’effectivité. Il est clair qu'on ne discute pas sur les dogmes. Mais même les autres sujets d'ordre pratique et social sont difficilement abordables lorsque le Coran ou la Sunna les a abordés. Voici quelques difficultés que l’on doit affronter.
Le Coran inculque au musulman la fierté d'avoir la seule religion vraie et complète, religion enseignée par le plus grand prophète, car il est le dernier venu. Le musulman fait partie de la nation privilégiée, et parle la langue de Dieu, la langue du paradis, la langue arabe. C'est pourquoi, il vient au dialogue avec cette supériorité et avec l'assurance d'être victorieux.
Le Coran, supposé écrit par Dieu lui-même d'un bout à l'autre, donne la même valeur à tout ce qui y est écrit : le dogme comme n'importe quelle loi ou pratique.
Dans le Coran, il n'y a pas d'égalité entre l'homme et la femme, ni dans le mariage lui-même où l’homme peut prendre plusieurs femmes et peut en divorcer à sa guise; ni en matière d’héritage où l’homme a une double part; ni dans le témoignage devant les juges où la voix de l’homme égale la voix de deux femmes, etc ...
Le Coran permet au musulman de cacher la vérité au chrétien et de parler et agir contrairement à ce qu'il pense et croit.
Dans le Coran, il y a des versets contradictoires et des versets annulés par d'autres, ce qui donne au musulman la possibilité d'utiliser l’un ou l’autre selon son avantage et ainsi il peut dire du chrétien qu’il est humble et pieux et croyant en Dieu, comme il peut le traiter d'impie, d'apostat et d'idolâtre.
Le Coran donne au musulman le droit de juger les chrétiens et de les tuer par la djihad (guerre sainte). Il ordonne d'imposer la religion par la force, par l’épée. L’histoire des invasions en est témoin. C’est pourquoi les musulmans ne reconnaissent pas la liberté religieuse, ni pour eux ni pour les autres. Et il n’est pas étonnant de voir tous les pays arabes et musulmans refuser d’appliquer en entier les “Droits de l'homme”institués par les Nations Unies.
Devant tous ces interdits et d’autres semblables faut-il supprimer les dialogue? Non, certainement pas. Mais il faut choisir les thèmes abordables et des interlocuteurs chrétiens capables et bien formés, courageux et pieux, sages et prudents ... qui disent la vérité avec clarté et conviction ...
On déplore parfois certains dialogues à la télévision où l’interlocuteur chrétien n'est pas à la hauteur de la tâche et n'arrive pas à donner de la religion chrétienne toute sa beauté et sa spiritualité, ce qui scandalise les auditeurs. Pire encore, il y a parfois des interlocuteurs clercs, qui, dans le dialogue, pour gagner la sympathie du musulman, appellent Mahomet prophète et ajoutent l'invocation musulmane connue et toujours répétée “Salla lahou alayhi wa sallam” (Que la Paix et les Bénédictions de Dieu soient sur lui).
Pour finir je suggère ce qui suit :
Comme le Coran a bien parlé de la Vierge Marie, en insistant sur sa virginité perpétuelle et sa conception miraculeuse et unique en nous donnant le Christ; comme les musulmans la considèrent beaucoup et demandent son intercession, nous devons recourir à elle dans tout dialogue et dans toute rencontre avec les musulmans. Étant la Mère de tous, elle nous guidera dans nos rapports avec les musulmans pour leur montrer le vrai visage de son Fils Jésus, Rédempteur du genre humain.
Qu’il plaise à Dieu que la fête de l’Annonciation déclarée au Liban fête nationale pour les chrétiens et les musulmans, devienne aussi fête nationale dans d'autres pays arabes.
- S. Exc. Mgr Flavien Joseph MELKI, Évêque titulaire de Dara des Syriens, Évêque de Curie d'Antioche des Syriens (LIBAN)
Le paragraphe 25 de l'Instrumentum Laboris appelle les chrétiens du Moyen-Orient à mettre tout en oeuvre, de concert avec les musulmans modérés et éclairés, afin de parvenir à instaurer dans les États islamiques, où ils vivent, une “laïcité positive” qui garantirait l'égalité de tous les citoyens reconnaissant le rôle bénéfique des religions. Cette réforme du régime politique et théocratique de nos pays, “faciliterait la promotion d'une démocratie saine”.
Ces propositions, si souhaitables et légitimes qu'elles soient, ont-elles des chances d’être mises en application? Est-il pensable que les pays arabes du Moyen-Orient, où le fondamentalisme ne fait que durcir, accepteront, dans un avenir prochain, d’abandonner leurs régimes théocratiques fondés sur le Coran et la Charia qui comportent une discrimination flagrante envers les non musulmans? Cela me semble relever du domaine de l’utopie, pour des siècles à venir.
Mis à part le Liban, les chrétiens du Moyen-Orient, qui sont au nombre de 15.000.000 environ, sont depuis quatorze siècles, soumis à des formes de persécutions multiples, de massacres, de discriminations, d’exactions et d’humiliations. De nos jours encore, au IIIème millénaire, nous assistons impuissants, le coeur meurtri, à l’épreuve de nos frères d’Iraq et à leur exode massif.
Faudrait-il attendre la disparition des chrétiens du Moyen-Orient pour élever la voix et réclamer, avec force, liberté, égalité et justice pour ces minorités religieuses menacées dans leur existence. Le monde civilisé, assistera-t-il dans l’indifférence à leur extinction ?
Il faut donc agir, sans tarder, pour réformer ces régimes islamiques. Les chrétiens du Moyen-Orient ne sauraient, à eux seul, atteindre cet objectif. Ils doivent être aidés par l'Église universelle et les pays démocratiques.
1- Le Saint-Siège pourrait intervenir, en ce sens, auprès des pays avec lesquels il entretient des relations diplomatiques.
2- Les pays européens, les États-Unis et les pays respectueux des droits de l'homme devraient faire pression, à tous les niveaux, sur les régimes qui portent atteinte aux droits inaliénables de la personne humaine, afin de les amener à réformer leurs lois, s’inspirant de la Charia islamique, traitant les minorités religieuses en citoyens de seconde zone.
Et pourquoi ne pas demander aux instances internationales de plaider la cause des chrétiens, victimes de discriminations et exiger des pays islamiques de traiter leurs sujets chrétiens, à l'instar des États européens, qui accordent aux musulmans minoritaires, devenus citoyens, les mêmes droits que leurs habitants d'origine.
En mobilisant de la sorte l’opinion internationale, les chrétiens auraient des raisons d’espérer et retrouveraient leur dignité de citoyens à part entière, ce qui les retiendrait de s’expatrier.
Il faut réclamer, sans cesse, nos droits lésés et notre dignité méconnue et agir inlassablement à redresser cette situation anormale suivant la parole du Christ: “Demandez et l'on vous donnera, frappez et l'on vous ouvrira”. Ou encore, suivre l’exemple de la pauvre veuve de l’Évangile, sans moyen de défense, qui, à force d'insistance, a pu finalement obtenir d’un juge inique, sans foi et sans coeur, que justice lui soit rendue.