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Dix ans après le lancement de l'euro, la crise de confiance que subit la monnaie unique sonne comme une victoire pour les économistes, souvent anglo-saxons, qui avaient dénoncé en vain ses failles originelles.
A l'époque, l'influent économiste américain Milton Friedman avait qualifié l'euro de "Frankenstein économique", estimant qu'il ne pourrait résister à un gros choc.
Beaucoup pensent aujourd'hui que la prophétie est sur le point de se réaliser.
"La fête est terminée pour la zone euro", décrète Irwin Stelzer, économiste à la Hudson Institute à Washington. "Maintenant, il est temps de se réveiller", poursuit-il, résumant le sentiment de nombre d'économistes anglo-saxons, accusés de nourrir l'affaiblissement de l'Eurozone avec des pronostics pessimistes.
"L'euro a échoué", affirme Paul Volcker, ancien président de la banque centrale américaine et conseiller économique du président Barack Obama.
Leur argument central: la création d'une monnaie unique doit correspondre à une zone monétaire optimale (ZMO). Concept développé en 1961 par le prix Nobel d'économie canadien Robert Mundell, une ZMO est une zone où les économies sont fortement imbriquées et où la main d'oeuvre est mobile.
En cas de choc asymétrique c'est-à-dire de crise (récession, chômage...) n'affectant pas de la même façon tous les pays, l'ajustement des prix et des salaires se réalise non plus par la monnaie -dévaluation- mais par le déplacement des chômeurs vers les régions à forte activité économique et la mise en place de transferts budgétaires.
Or ces éléments font défaut à la zone euro, notamment les transferts budgétaires qui, en dehors du budget communautaire, n'existent pas.
"C'est le péché originel", observe Brian Coulton, économiste à l'agence de notation Fitch.
Ce qui contraste avec les Etats-Unis, exemple le plus abouti de ZMO. Outre-atlantique 60% des dépenses publiques sont réalisées au niveau fédéral.
Si l'Europe "ne règle pas ses problèmes institutionnels fondamentaux, l'avenir de l'euro sera peut-être très bref", prédit le Nobel d'économie Joseph Stiglitz, longtemps défenseur de la devise européenne.
Dominique Strauss-Kahn, le directeur du FMI, appelle à des transferts budgétaires car les Européens sont au "milieu de la rivière, s'ils reviennent sur la rive initiale, ils perdent l'euro".
Les eurosceptiques relèvent que les politiques monétaire (centralisée) et budgétaire (décentralisée) ont entraîné des écarts d'inflation au sein de l'Eurozone, ce qui conduit à des disparités de pouvoir d'achat et de compétitivité entre les Etats membres.
Entre janvier 1999 et septembre 2008, sur la base des salaires, l'euro a représenté une réévaluation monétaire d'environ 40% pour l'Italie par rapport à l'Allemagne.
Certes l'Eurozone a gagné du temps grâce au dispositif d'aide de 750 milliards d'euros de l'Union européenne et du FMI pour les pays fragiles, mais son éclatement n'est plus qu'une question de temps, assurent beaucoup de ces économistes sceptiques.
L'économiste Jean-Jacques Rosa, qui appelle à "démonter l'euro", estime que la monnaie unique "ne pourrait éventuellement subsister qu'en tant que monnaie d'une fédération levant une part majeure de l'impôt dans la zone".
Christian Saint-Etienne prône lui la scission de l'Euroland en deux: une zone du Nord autour de l'Allemagne et une du Sud derrière la France, dotée chacune d'une banque centrale.
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