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Le jardin

« Au lieu où il a été crucifié, il y avait un jardin, et dans le jardin un sépulcre neuf » (Jean, 19, 41).

Et quand le Ressuscité apparaît à Marie-Madeleine, celle-ci croit que c'est le jardinier de ce jardin (Jean, 20, 15).

Celui qui s'est levé du sépulcre neuf est celui qui fait toutes choses nouvelles (Apocalypse 21, 5). Le jardin de la Résurrection, le jardin du printemps de Pâques où tout refleurit, renvoie au jardin de la première création, le « paradisus voluptatis » (le paradis de délices), que Dieu avait planté « a principio », à l'origine (Genèse, 2, 8), et la Croix est l'arbre de Vie. Le Verbe de Dieu était le jardinier de ce jardin, et c'est bien le Jardinier qu'a vu Marie-Madeleine.

Il y a un autre jardin, celui de Gethsémani (littéralement : le pressoir à huile...). Le jardin de l'agonie. Le jardin de la souffrance due au péché originel. Le jardin noir, le jardin de la nuit du péché (cf. les images saisissantes du film de Mel Gibson, où l'on voit précisément le Serpent). Cet anti-jardin est aboli par la Résurrection, qui du cœur même du Golgotha rétablit le « paradis » de l'origine, sur le plan infiniment plus élevé du Royaume.

On remarque que Jésus, pendant toute sa prédication, n'a utilisé qu'une seule fois le mot « paradis ». Il parle toujours du « royaume de Dieu » ou du « royaume des cieux ». Il emploie le mot « paradis » une seule fois : sur la Croix. C'est-à-dire à l'extrême fin de sa prédication terrestre. Ce n'est évidemment pas un hasard. Il renvoie ainsi au tout début du Livre : l'histoire est bouclée. Entre la Genèse et le Christ, personne n'avait parlé du paradis (sinon pour citer la Genèse). Lui, il vient rétablir le paradis, mais ce n'est pas le paradis terrestre, c'est le Royaume. Qui implique de nouveaux cieux et une nouvelle terre, dans la lumière de la vie éternelle qui surgit à Pâques.

La façon dont saint Jean raconte la rencontre entre Marie-Madeleine et le Ressuscité renvoie d'autre part à un autre jardin, un jardin spirituel et symbolique, celui du Cantique des cantiques. « Où est parti ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes ? Où s'est tourné ton bien-aimé, que nous le cherchions avec toi ? - Mon bien-aimé est descendu dans son jardin. » On pourrait citer d'autres exemples, mais celui-ci contient les trois correspondances avec l'Evangile : le bien-aimé dans son jardin, la recherche du bien-aimé, le fait de se tourner. Ici, c'est le bien-aimé qui se tourne. Mais ailleurs, il dit par deux fois « Reviens ! Reviens ! ». Et c'est l'explication de la très curieuse notation de saint Jean qui montre Marie-Madeleine se retourner deux fois. Par cette précision a priori absurde (si Marie-Madeleine se retourne deux fois, la deuxième fois elle ne voit plus le Christ et ne peut pas lui dire « Rabbouni » ni se jeter à ses pieds) saint Jean souligne qu'il renvoie au Cantique des cantiques.

Saint Grégoire le Grand écrit : « Quand les disciples eux-mêmes quittaient le tombeau du Christ, elle ne le quitta pas : Celui qu'elle n'avait pas trouvé, elle ne renonçait pas à le chercher ; en cherchant, elle pleurait : et le feu de son amour rendait plus vif l'ardent désir du Seigneur disparu. Si elle fut alors seule à le voir, c'est qu'elle avait persévéré à le chercher. (...) D'abord elle chercha et ne trouva pas. Mais elle s'obstina dans sa recherche ; et c'est pourquoi elle trouva : son désir même, à force de grandir, obtint de trouver et de saisir son objet. Pensant au même époux, l'Eglise épouse chante, dans le Cantique des cantiques : "Sur ma couche, durant les nuits, j'ai cherché celui qu'aime mon âme." »

On voit que dans les premières lignes de ce texte, avant d'évoquer le Cantique, c'est déjà par une paraphrase du Cantique que saint Grégoire évoque Marie-Madeleine. On voit aussi qu'il fait de Marie-Madeleine, via l'épouse du Cantique, une figure de l'Eglise : l'épisode se situe entre le coup de lance qui ouvre la porte des sacrements, et le pouvoir donné aux apôtres de remettre les péchés. Ici, c'est l'Eglise en tant que peuple de Dieu, avec sa hiérarchie. L'Eglise comme Sacrement, c'est le jardin lui-même, que le Jardinier ne cesse de cultiver pour faire éclore les plus belles fleurs de la grâce.

(Daoudal Hebdo N° 75)

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