Après le plus long évangile, la plus longue épître : la messe de ce jour nous fait lire l'histoire de Suzanne, faussement accusée d'adultère, condamnée à mort et sauvée grâce à l'intervention divine via le tout jeune Daniel. Et l'évangile est celui de la femme réellement adultère condamnée à mort latae sententiae, et sauvée par le Christ. Les deux textes sont proches, par le thème, et par le fait qu'ils évoquent l'articulation entre la justice et la miséricorde de Dieu, mais celui de la femme adultère souligne la radicale nouveauté de l'Evangile, qui est une brutale plongée dans le réel : devant la Justice divine, tous les hommes sont pécheurs et tous ont besoin de la miséricorde.
Ces deux textes, qui ont été écrits à moins de 200 ans d'intervalle, peut-être moins de 100 ans, ont d'autres points communs. Ils ont tous deux été écrits en grec, et tous deux rajoutés au livre où on les trouve. L'histoire de Suzanne ne figurait pas, en effet, dans le Livre de Daniel en hébreu, et l'histoire de la femme adultère est absente de la majorité des manuscrits, notamment des plus anciens, de l'évangile de saint Jean, tandis qu'elle se trouve dans un certain nombre de manuscrits de l'évangile de saint Luc (juste avant la trahison de Judas) : le thème et le vocabulaire sont de fait plus proches de saint Luc que de saint Jean.