Puisque l'Evangéliste appelle cet enseignement une parabole, examinons brièvement quel en est le sens figuré. Que celui qui est invité aux noces de Jésus-Christ et de son Eglise, et qui se trouve par la foi en union avec les membres de l'Eglise, ne s'enorgueillisse pas de ses mérites, comme s'il était plus élevé que les autres, car il sera obligé de céder la place à un plus honorable que lui, bien qu'invité après lui, lorsqu'il se verra précédé par l'ardeur de ceux qui l'ont suivi dans les voies ouvertes par Jésus-Christ. Et il descendra couvert de confusion à la dernière place, quand il reconnaîtra la supériorité des autres sur lui, et qu'il se verra obligé de rabattre de la haute estime qu'il avait de sa vertu. On s'assoit à la dernière place quand on met en pratique la recommandation de l'Esprit Saint: « Plus vous êtes grand, plus vous devez vous humilier en toutes choses. » (Eccli. 3, 20.) Alors le Seigneur donnant le nom d'ami à celui qu'il trouvera dans ces sentiments d'humilité, lui commandera de monter plus haut, car quiconque s'humilie comme un enfant est le plus grand dans le royaume des cieux. (Matth. 18, 4.) Remarquez ces paroles: « Alors ce sera une gloire pour vous » : ne cherchez donc pas maintenant ce qui vous est réservé pour la fin. On peut aussi cependant l'entendre de cette vie, car Notre Seigneur entre tous les jours dans la salle du festin nuptial, tous les jours il abaisse les orgueilleux, et répand en si grande abondance dans le cœur des humbles les dons de son Esprit, que tous les convives, c'est-à-dire l'assemblée des fidèles, les admire et les honore. La conclusion générale qui termine cette parabole prouve qu'il faut entendre dans un sens plus élevé les paroles de Notre Seigneur, car il n'est pas vrai de dire que tous ceux qui s'élèvent devant les hommes soient abaissés, ou que ceux qui s'humilient devant les hommes soient exaltés par eux, mais celui qui s’enorgueillit de ses mérites sera certainement humilié par le Seigneur, et celui qui s’humilie des bienfaits qu’il en a reçus sera élevé par sa main puissante.
(Saint Bède le Vénérable)
Commentaires
Saint Bède le vénérable est une des gloires de l'Angleterre chrétienne. Cette nation mystérieuse nous a donné beaucoup de saints et de génies.
S'humilier en gardant confiance en soi est un art difficile. Surtout en raison de l'ambiance sceptique et relativiste dans laquelle nous baignons. Si nous affirmons, nous sommes orgueilleux, l'humilité, c'est de ne rien jamais affirmer, disent les relativistes qui ne craignent pas les contradictions internes dans leurs discours.
Or tout en restant humble et très "tolérants" nous pouvons et nous devons affirmer, car notre esprit peut atteindre la vérité (vérité de foi) et s'y reposer. Bien mieux, selon Gilson reprenant Plotin, il est la vérité (Constantes philosophiques de l'Etre Vrin 1983 p. 160). Il est la vérité, le bien, le beau car il est fait à l'image de Dieu ajouterais-je. Inutile de préciser que "notre esprit" n'est pas "mon esprit", mais celui de tous et de chacun. Car c'est en s'élevant mentalement au-dessus des autres esprits que nous tombons.
Merci encore monsieur Daoudal de nous donner à lire de tels sublimes textes.