Reporte ton attention sur ces paroles: « Nul ne vient à mol, si mon Père ne l’attire ». Ne t’imagine pas que tu sois attiré malgré toi: l’âme est entraînée par l’amour. Il est des hommes qui pèsent le sens de toutes les paroles, et qui sont loin de comprendre toutes choses, surtout les choses de Dieu; mais nous n’avons nullement à craindre de les voir nous reprocher ce passage des saintes Ecritures qui se trouve dans l’Evangile, et nul d’entre eux ne nous dira « Comment puis-je croire par la volonté, si je suis attiré? », Car je le dis : ce n’est pas assez d’être attirés par volonté, nous le sommes encore par le plaisir. Qu’est-ce, en effet, qu’être entraîné par le plaisir? « Mets tes délices dans le Seigneur, et il remplira tous les désirs de ton cœur ». Le cœur qui éprouve la douceur du pain céleste ressent un véritable plaisir. Or, s’il est vrai de dire avec le poète [Virgile]: « Chacun est conduit par l’attrait de ses propres penchants »; non par la nécessité, mais par l’attrait du plaisir; non par le devoir, mais par la jouissance: à plus forte raison devons-nous dire que celui-là est attiré vers le Christ, qui trouve ses délices dans la vérité, la béatitude, la justice, l’éternelle vie; car le Christ est tout cela. Quand les sens corporels ont leurs plaisirs, les facultés de l’âme en seraient-elles dépourvues? Et si l’âme n’avait point de jouissances à elle, comment le Psalmiste aurait-il pu dire: « Les enfants des hommes espéreront à l’ombre de tes ailes; ils seront enivrés de l’abondance de ta maison; tu les abreuveras au torrent de tes délices; car, en toi est la source de la vie, et dans ta lumière nous verrons la lumière? » Donne-moi un homme qui aime Dieu, et il éprouvera la vérité de ce que je dis: donne-moi un homme rempli du désir et de la faim de ce pain céleste, engagé dans le désert de cette vie et dévoré par la soif de la justice, soupirant après la fontaine de l’éternelle patrie; donne-moi un tel homme, et il me comprendra.
(Saint Augustin, traité 26 sur saint Jean)
[Sur les Quatre Temps de Pentecôte, voir ma note de l’an dernier.]
Commentaires
Merci de nous donner régulièrement des textes d'Augustin.
Corollaire du texte de saint Augustin, selon ce que dit saint Thomas si mes souvenirs sont bons : ceux qui ne goûtent que les plaisirs bestiaux sont des désespérés.
Je puis témoigner qu'il existe un véritable plaisir intellectuel à goûter les vérités divines.