« Nous aussi qui possédons les prémices de l'Esprit, nous gémissons intérieurement tandis que nous attendons (...) la Rédemption de notre corps. » Dans l'épître aux Romains, saint Paul voit cette « rédemption du corps » dans une dimension anthropologique et en même temps cosmique. La création en effet « était soumise à la contingence ». Toute la création visible, tout le cosmos, porte en lui les effets du péché de l'homme. « Toute la création gémit et souffre jusqu’à ce jour dans les douleurs de l’enfantement. » Et en même temps, toute « la création (...) attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » et « elle nourrit l'espérance d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu ».
La rédemption de notre corps, selon Paul, est l’objet de l’espérance. Cette espérance a été implantée dans le cœur de l'homme, dans un certain sens, immédiatement après le premier péché. Il suffit de rappeler les paroles du livre de la Genèse qui ont été traditionnellement définies comme le « proto-évangile » (Genèse 3, 15) et donc, pourrait-on dire, comme le début de la Bonne Nouvelle, la première annonce du salut. La rédemption du corps est liée, selon les paroles de l'épître aux Romains, précisément à cette espérance selon laquelle – comme nous le lisons – « nous avons été sauvés ». Par l’espérance, qui remonte aux origines mêmes de l’homme, la rédemption du corps a sa dimension anthropologique : elle est la rédemption de l'homme. En même temps elle irradie, en un certain sens, sur toute la création qui, depuis l’origine, a été liée d’une manière particulière à l'homme et lui a été subordonnée. La rédemption du corps est donc la rédemption du monde : elle a une dimension cosmique.
En présentant dans l’épître aux Romains l’image « cosmique » de la rédemption, Paul de Tarse place l'homme en son centre même, exactement comme « à l’origine » celui-ci avait été placé au centre de l'image de la création. C'est précisément cet homme, ce sont les êtres humains, qui possèdent « les prémices de l'Esprit », qui gémissent intérieurement en attendant la rédemption de leur corps. Le Christ, qui est venu pour révéler pleinement l'homme à lui-même et lui faire découvrir la sublimité de sa vocation, parle dans l'Evangile de la profondeur divine même du mystère de la rédemption qui trouve précisément en Lui son sujet « historique » spécifique. Par conséquent, le Christ parle au nom de cette espérance qui a été implantée dans le cœur de l'homme déjà dans le « proto-évangile ». Le Christ donne son accomplissement à cette espérance, non seulement par les paroles de son enseignement, mais surtout par le témoignage de sa mort et de sa résurrection. Ainsi donc, la rédemption du corps a déjà été accomplie dans le Christ. En Lui a été confirmée cette espérance dans laquelle « nous avons été sauvés ». Et en même temps, cette espérance a été rouverte à nouveau vers son accomplissement définitif eschatologique. « La révélation des fils de Dieu » dans le Christ a été définitivement orientée vers cette « liberté et gloire » à laquelle doivent participer définitivement les « enfants de Dieu ».
Jean-Paul II, La théologie du corps (éditions du Cerf, 2014, p. 431).
Commentaires
Il faut tenir les deux bouts : le Christ s'est incarné pour notre rédemption, mais l'homme a été créé pour l'Incarnation.
C'est comme la métaphysique et la phénoménologie en philosophie. La phénoménologie, moi, ça m'emmerde. Je préfère lire Heidegger, même si je n'y comprends rien ou pas grand-chose, plutôt que Husserl ou Merleau-Ponty. La philosophie débarrassée de la métaphysique n'est-elle pas beaucoup plus dangereuse, dans sa bêtise intrinsèque, dans sa vulgarité obscène, qu'une métaphysique qui, comme celle de Kant, "tuerait" Dieu (Voire...) ?
La théologie est devenue une andrologie : comment l'homme devient Dieu, puisque Dieu s'est fait homme, etc. On en arrive assez vite à Nous irons tous au paradis, ce qui est à peu près le Credo De Bergoglio.
Ce qui m'intéresse dans l'Incarnation, ce n'est pas ce qu'elle apporte à l'homme en terme d'identification à la divinité, c'est pourquoi Dieu l'a voulue pour Lui, pour Lui-même, Alpha et Oméga. Et je suis bien obligé de noter qu'Il l'a voulue quoi qu'il en coûte, c'est-à-dire au prix du mal...
Comme l'a écrit Saint Paul, la philosophie sans le Christ n'est qu'une vaste fumisterie...
Cher Oléandre
La philosophie a commencé avant le Christ, ce qui ne veut pas dire qu'elle lui soit supérieure, mais plutôt qu'Il s'en est servi comme d'un substrat, en particulier de celle d'Aristote. Je ne crois pas que saint Paul ait employé le mot philosophie, et encore moins, à son propos, "fumisterie".
"Veillez à ce que nul ne fasse de vous sa proie au moyen de la philosophie, duperie creuse qui s'inspire d'une tradition tout humaine, des éléments du monde, et non du Christ".
(1 Colossiens, 2, 8.) Traduction du chanoine Osty.
@Oléandre
Mon cher, vous citez à bon escient cette première lettre de saint Paul aux Colossiens, beaucoup plus connue que la seconde, dont il ne nous reste, hélas, que la fin qui n'a pas été retenue par le canon de l'Eglise :
"Veuillez agréer, chers Colossiens, l'assurance de mes sentiments distingués.
Signé : Paul"