La leçon du saint Évangile que vous venez d’entendre, frères, est claire quant à l’histoire des faits extérieurs ; mais il nous faut chercher brièvement le sens de ces mystères. Marie- Madeleine, alors qu'il faisait encore nuit, est venue au tombeau. L’histoire note l ’heure, mais au sens mystique, cette heure figure l’état d’esprit de celle qui cherche, Marie en effet cherchait, dans le tombeau, l’Auteur de toutes choses, qu’elle avait vu mort dans sa chair ; et parce qu’elle ne l’y avait pas trouvé, elle le crut volé. Il faisait donc encore nuit, quand elle vint au tombeau. Elle courut bien vite porter la nouvelle aux disciples ; et ceux-là coururent avant les autres, qui aimèrent plus que les autres, à savoir Pierre et Jean.
Ils couraient tous deux ensemble, mais Jean courut plus vite que Pierre. Il arriva le premier au tombeau et n’osa pas entrer. Pierre arriva donc le second, et il entra. Que signifie cette course, mes frères ? Faut-il croire que ce récit si nuancé de l’Évangéliste soit sans mystère ? Pas du tout. Et Jean ne nous dirait pas qu’il est arrivé le premier et qu’il n’est pas entré, s’il avait cru que, dans son hésitation, il n’y avait pas de mystère. Que figure donc Jean si ce n’est la synagogue, et que figure Pierre si ce n’est l’Eglise ?
Ne trouvons pas étrange que le plus jeune nous soit donné comme figurant la synagogue et le plus vieux, l’Église ; car bien que la synagogue soit arrivée au culte de Dieu avant l’Église des Gentils, la multitude des Gentils a précédé la synagogue dans la pratique des choses temporelles, ainsi que Paul en témoigne quand il dit : Car ce n'est pas le spirituel qui est au début, mais l'animal. Par Pierre, le plus vieux, c’est donc l’Église des Gentils qui est figurée, et par Jean, le plus jeune, c’est la synagogue des Juifs. Ils courent tous deux ensemble parce que, depuis le temps de leur origine jusqu’à la fin, la Gentilité court en même temps que la synagogue, dans une voie pareille et commune, mais non dans la communauté d’un même sentiment. La synagogue est venue la première au tombeau, parce qu’elle a connu les commandements de la loi et entendu les prophéties de l’incarnation et de la passion du Seigneur ; mais elle n’a pas voulu croire en un mort.
Saint Grégoire le Grand, leçon des matines.
Commentaires
Cette lecture allégorique n'est pas que ce que saint Grégoire a produit de plus grand. Après tout, "l'autre disciple" est entré aussi, il a vu et il a cru. Sur ce point, on attend toujours la synagogue.