Duccio, Sienne, 1311.
Hymnum canentes martyrum
Dicamus Innocentium,
Quos terra flentes perdidit,
Gaudens sed æthra suscipit.
Quorum tuentur angeli
Vultum patris per sæcula,
Ejusque laudant gratiam,
Hymnum canentes martyrum.
Chantons l’hymne des Martyrs ; célébrons les Innocents, que la terre, avec tristesse, a vus périr, que le ciel joyeux a reçus. Leurs Anges contemplent à jamais la face du Père céleste ; ils célèbrent le miracle de sa grâce, chantant l’hymne des Martyrs.
Quos rex peremit impius,
Pius sed auctor colligit,
Secum beatos collocans,
In luce regni perpetis.
Qui mansiones singulis
Largitus in domo patris,
Donat supernis sedibus,
Quos rex peremit impius.
Un roi impie les a moissonnés ; leur Créateur les a recueillis dans sa bonté ; il les a placés avec lui dans la félicité, dans la lumière du royaume éternel. Celui qui donne à ses élus chacun leur demeure dans la maison de son Père, leur a assigné un rang sublime : un roi impie les a moissonnés.
Bimos et infra parvulos
Herodis ira perculit,
Finesque Bethlemiticos
Sancto respersit sanguine.
Præclara Christo splenduit
Mors innocens fidelium,
Cælis ferebant angeli
Bimos et infra parvulos.
Enfants de deux ans et au-dessous, la fureur d’Hérode les a immolés ; d’un sang pur elle a inondé toute la contrée de Bethléhem. La mort innocente de ces fidèles a resplendi autour du Christ ; les Anges les emportaient aux cieux, enfants de deux ans et au-dessous.
Vox in Rama percrebuit,
Lamenta luctus maximi,
Rachel suos cum Lacrymis
Perfusa flevit filios.
Gaudent triumpho perpeti,
Tormenta quique vicerant,
Quorum gemens ob verbera
Vox in Rama percrebuit.
Une voix retentit dans Rama, des lamentations, un deuil immense : Rachel, baignée dans ses larmes, a pleuré ses fils. Ils jouissent d’un triomphe éternel, eux qui ont vaincu les tourments, et sur leurs douleurs gémissante, une voix retentit dans Rama.
Ne, grex pusille, formides
Dentes leonis perfidos,
Pastor bonus nam pascua
Vobis dabit cælestia.
Agnum Dei qui candidum
Mundo sequeris tramite,
Manus latronis impias
Ne, grex pusille, formides.
Ne crains rien, petit troupeau, des dents perfides du lion : le bon Pasteur te donnera les pâturages célestes. Tu suivras, d’un pas pudique, le candide Agneau de Dieu ; des mains impies du larron, ne crains rien, petit troupeau.
Absterget omnem lacrymam
Vestris Pater de vultibus.
Mors vobis ultra non nocet
Vitæ receptis mœnibus.
Qui seminant in lacrymis,
Longo mettent in gaudio,
Genis lugentum Conditor
Absterget omnem lacrymam.
Il essuiera toutes les larmes, le Père, de vos visages ; la mort ne vous nuira plus, vous êtes entrés dans les murs de la Cité de la vie. Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans une joie immense ; le Créateur les consolera, et, sur les joues de ceux qui pleurent, il essuiera toutes les larmes.
O quam beata civitas,
In qua Redemptor nascitur,
Natoque primæ martyrum
In qua dicantur hostiæ !
Nunquam vocaris parvula
In civitatum millibus,
Ex qua novus dux ortus est,
O quam beata civitas !
O heureuse cité ! au sein de laquelle naît le Rédempteur : dans laquelle sont offertes au divin Enfant ces prémices des Martyrs ! Tu ne seras plus appelée petite parmi les mille cités de Juda, depuis que le Chef est né en toi, ô heureuse cité !
Astant nitentes fulgidis
Ejus throno nunc vestibus,
Stolas suas qui laverant
Agni rubentes sanguine.
Qui perpetis pro patriæ
Regno gementes fleverant,
Læti Deo cum laudibus
Astant nitentes fulgidis.
Sous des vêtements brillants de gloire, ils assistent maintenant autour du trône, les Innocents qui ont lavé leur tunique dans le sang vermeil de l’Agneau. Ils gémirent, ils pleurèrent pour le royaume de l’éternelle patrie ; maintenant, pleins d’allégresse, ils louent Dieu, sous des vêtements brillants de gloire.
Saint Bède le Vénérable
(Traduction de l’Année liturgique)
Commentaires
Et Péguy ajoute :
"À quoi peut-on bien jouer/ Avec une palme et des couronnes de martyrs ?/
- Je pense qu'ils jouent au cerceau, dit Dieu, et peut-être aux grâces/(du moins je le pense, car ne croyez point qu'ils me demandent jamais la permission)/
Et la palme toujours verte leur sert apparemment de bâtonnet."
Derniers versets du MYSTERE DES SAINTS INNOCENTS, le plus varié de ses mystères (c'est là qu'on trouve l'éloge de Joinville, du peuple français, et de la petite Espérance)
Plus rigolo que Péguy, tumeur, comme disait mon grand-oncle cancérologue.
Grâce à Apollinaire, on sait à quoi jouent les onze mille Vierges. Quant aux "grâces" et même au cerceau, on n'y joue plus depuis longtemps. Péguy a fait ce drôle de pari : pour devenir immortel, être démodé avant de paraître. Tout est là :
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&sca_esv=594218892&q=jean+yanne+les+routiers&tbm=vid&source=lnms&sa=X&ved=2ahUKEwjArM7SlLKDAxXH9wIHHczgCSEQ0pQJegQIDRAB&biw=1366&bih=615&dpr=1#fpstate=ive&vld=cid:595d3025,vid:Q8KZ8OpuruA,st:0
Plus ennuyeux que Péguy (et beaucoup !) : les romans porno et alimentaires d'Apollinaire !
On peut sans remords se contenter du titre.
Dreyfusard, républicain, socialiste et bergsonien, n'en jetez plus ! C'est le genre de type sur lequel on peut se caler pour connaître la vérité : il suffit de dire le contraire de ce qu'il affirme au gré de ses revirements successifs ! La définition même du con !
Non, il était fou, ce qui est autre chose. Le con s'obstine, en général.
Et il l faut au moins un grain de folie pour faire un artiste.
Rien de plus beau que ses strophes sur la résurrection des morts, dans ÈVE (pour celui qui les y trouve, parmi les 6 000)
J'ai du mal avec cet auteur qui n'était guère plus catholique que Bergson ou Simone Weil :
"Quand ils iront en bande et les curés en tête,
Quand ils contempleront le dernier tribunal,
Quand ils chemineront tout le long du canal,
Comme ils allaient en bande aux jours de grande fête ;
Aïeule du lépreux et du grand sénéchal,
Saurez-vous retrouver dans cet encombrement,
Pourrez-vous allumer dans cet égarement
Pour éclairer leurs pas quelque pauvre fanal,
Aurez-vous retrouvé dans vos forces décrues
Le peu qu’il en fallait pour mener cette troupe
Et pour mener ce deuil et pour mener ce groupe
Dans le recordement des routes disparues ?"
Sa conception de la résurrection des corps n'est donc pas très éloignée de celle de George A. Romero, le cinéaste de Zombie et de La Nuit des morts vivants.
J'aime mieux un mauvais catholique qui grave "Merde à Dieu" sur un banc de Charleville qu'un sympathisant chrétien. Rimbaud, ce n'est pas "Vais-je m'abaisser à faire l'honneur au Nazaréen de me faire baptiser sur mon lit de mort ou non ?" C'est plutôt : "Je suis esclave de mon baptême." On naît catholique, on ne le mort-naît pas :
« et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps. » La mort "engloutie" dans la victoire, voilà de la théologie catholique !
Quand du haut du clocher la cloche catholique
Ne fera plus tomber les Ave Maria...
Quand on n'entendra plus que le sourd craquement
D'un monde qui s'abat comme un échafaudage...
Quand l'âme reviendra dans son premier village
Chercher son ancien corps parmi ses compagnons
Dans ce modeste enclos où nous accompagnons
Les morts de la paroisse et ceux du voisinage,
Quand tu retrouvera ceux de ton héritage
Et les fils de tes fils et tous ceux de ton sang
Et tes cousins germains et tous ceux de ton rang,
Comme ils venaient en bande aux jours de mariage,
Quand ils auront passé devant le four banal
Et le moulin à vent et le pré communal,
Comme ils allaient en bande aux messes de minuit...
(Ève,)
Aurez-vous retrouvé dans vos forces décrues
Le peu qu'il en fallait pour mener cette troupe ?
(Marie,)
Et spes nostra salve, ce que nous trouverons,
C'est la porte et l'accès d'un illustre château.
Eh bien, grâce à vous, cher Stavrolus, le jour des Saints-Innocents aura été un vrai festival Péguy...
Rimbaud sera pour une autre fois...