Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus dit : « Qui de vous, si son âne ou son bœuf tombe dans un puits, ne l’en retirera pas aussitôt, le jour du sabbat ? »
L’âne et le bœuf, cela renvoie à plusieurs passages de l’Ancien Testament. Ici, Jésus combine divers versets pour montrer qu’il est licite de guérir le jour du sabbat.
Matériellement, ce que dit Jésus fait penser à Exode 21, 33 : « Si quelqu'un a ouvert sa citerne ou en creuse une sans la couvrir, et qu'il y tombe un bœuf ou un âne… ». Mais la suite ne correspond plus : « Le maître de la citerne rendra le prix de ces bêtes, et la bête qui sera morte sera pour lui. »
La vraie référence est ailleurs.
Dieu dit : « Tu travailleras pendant six jours, et le septième tu ne travailleras pas, afin que ton bœuf et ton âne se reposent » (Exode 23, 12). Mais il peut arriver que le bœuf ou l’âne en profitent pour faire une escapade. Or, « si tu vois l’âne ou le bœuf de ton frère tombé dans le chemin, tu ne seras pas indifférent, mais tu l’aideras à se relever » (Deutéronome 22, 4). Et ce n’est pas seulement valable pour l’âne et le bœuf de ton frère, c’est valable aussi pour ceux de ton ennemi : « Si tu rencontres le bœuf de ton ennemi ou son âne lorsqu’il est égaré, ramène-le-lui » (Exode 23, 4).
A plus forte raison celui dont l’âne ou le bœuf est tombé dans le puits va l’en sortir, même si c’est le jour du sabbat, qui implique de laisser se reposer l’âne et le bœuf, mais pas de le laisser mourir dans un trou.
A plus forte raison encore est-il donc licite de guérir un être humain le jour du sabbat. Et il n’y a aucun des invités du chef pharisien qui fasse une objection. (On remarquera que pour dire que les pharisiens ne répondent rien, saint Luc utilise un verbe qu’il n’emploiera qu’une seule autre fois, pour dire que les saintes myrophores restent chez elles le jour du sabbat : un verbe caractéristique de l'attitude qu'on doit avoir pendant le sabbat, qui veut dire rester tranquille ou garder le silence - ne rien faire ou ne rien dire, et qui ici prend un aspect quelque peu ironique.)
Jésus guérit donc l’hydropique, ce que saint Luc dit en trois mots, trois verbes : l’ayant pris, il le guérit, et le renvoya. Une concision extrême, unique chez saint Luc qui est médecin et donne volontiers des détails. C’est qu’ici la guérison n’a pas d’importance. C’est une des innombrables guérisons de Jésus qui guérissait tous les malades qui l’approchaient. Cette guérison est seulement ce qui permet à Jésus de donner un enseignement sur le sabbat. Sur son sabbat : Dieu sauve les hommes le jour du sabbat, le jour de son « repos », car ce 7e jour est celui qui va devenir le 8e jour, le jour du salut. Un jour qui a commencé en fait dans la nuit de Noël, quand Dieu est né homme et qu’il dormait, le petit Fils, entre le bœuf et l’âne gris.
Bien sûr pour Noël la référence est d’abord Isaïe : « Le bœuf connaît son possesseur, et l'âne, la crèche de son maître ; mais Israël ne m'a pas connu, et son peuple ne m'a pas compris. »
Commentaires
A quoi ressemble un hydropique? C'est un gonflement pathologique.
A quoi peut ressembler la guérison d'un hydropique? Un dégonflement subit??
Guérir un paralytique, un aveugle, je comprends, ça passe bien au cinéma, mais s'il faut filmer la guérison d'un hydropique, à quoi ressemble une baudruche qui se dégonfle? On aurait aimé que St Luc donne des détails de cette guérison spectaculaire - de ce miracle.
Mais le miracle n'est pas un spectacle, même s'il peut être spectaculaire, ce qu'il désigne en réalité n'est pas immédiatement visible.
Quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. Le miracle n'existe que par la coïncidence entre sa matière, le "sacramentum tantum", et son sens, le "res tantum", dans la terminologie des sacrements. Et l’Église, fort justement, ne reconnaît pas un miracle en fonction de son merveilleux matériel, mais demande à voir le fruit spirituel qu'il apporte. Res et sacramentum, à la fois premier effet et signe d’un effet ultime.
Regardons au-delà du doigt, au-delà de l'hydropique. La baudruche qui se dégonfle, spirituellement, ce sont évidemment les pharisiens pleins de leur science intellectuelle, dont la vacuité apparaît devant l'exigence de charité.
Et, oui, ils ont été guéris le jour du sabbat.
"Et, oui, ils ont été guéris le jour du sabbat."
Pas vraiment guéris, ils ont reçu une leçon, mais sont restés majoritairement obstinés dans leur rejet du Messie, sauf les quelques exceptions connues par les Evangiles et probablement d'autres.