Mosaïque de Saint Apolliniare-le-Neuf, Ravenne.
Une des lettres de saint Cyprien en exil à ses prêtres et diacres.
Quoique je sache bien, mes très chers frères, que mes lettres vous ont fréquemment recommandé de veiller avec zèle sur ceux qui ont glorieusement confessé le Seigneur et qui sont en prison, cependant j'insiste encore auprès de vous afin que rien ne manque au point de vue des soins à ceux à qui rien ne manque au point de vue de la gloire. Plût à Dieu que le rang que j'occupe me permit d'être présent là-bas : c'est de grand cœur qu'accomplissant mon ministère ordinaire je remplirais auprès de nos chers frères tous les bons offices de la charité. Que du moins vos bons soins me remplacent et fassent ce qu'il convient de faire à l'égard de ceux que la divine Bonté a honorés pour la foi et le courage qu'ils ont montrés. Les corps mêmes de ceux qui, sans avoir été martyrisés, meurent en prison et sortent ainsi glorieusement de ce monde doivent être aussi l'objet d'une vigilance particulière et de soins spéciaux. La vaillance de ces confesseurs et leur gloire ne sont pas moindre que celle des martyrs et, par conséquent, il n'y a point de raison de ne pas les joindre à leur troupe bienheureuse. En ce qui les concerne, ils ont enduré tout ce qu'ils étaient prêts à endurer. Celui qui s'est offert aux tourments et à la mort, aux regards de Dieu, a souffert en réalité tout ce qu'il a accepté de souffrir. Ce n'est pas lui qui a manqué aux supplices, ce sont les supplices qui lui ont manqué : "Celui qui m'aura confessé devant les hommes Je le confesserai, à mon tour, devant mon Père", (Mt 10,32) dit le Seigneur. Ils l'ont confessé. "Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé." (Mt 10,22). Ils ont persévéré, et, jusqu'à la fin, sans défaillance et sans tache, ils ont soutenu les mérites de leur courage. Il est encore écrit : "Soyez fidèle jusqu'à la mort et Je vous donnerai la couronne de vie". (Ap 2,10). Jusqu'à la mort, ils sont restés fidèles, inébranlables, invincibles. Quand à la volonté de confesser le Christ et à la confession même s'ajoute la mort dans la prison et dans les chaînes, la gloire du martyre est consommée.
Enfin, tenez note des jours où ils sortent de ce monde, afin que nous puissions joindre leur mémoire à celles des martyrs. D'ailleurs, Tertullus, notre frère si dévoué et si fidèle, au milieu des sollicitudes que lui imposent les services de tout genre qu'il rend aux frères, ne manque pas de s'occuper aussi des corps de ceux qui meurent là-bas. Il m'a écrit et me fait connaître les jours où nos bienheureux prisonniers passent à l'immortalité par une mort glorieuse et nous offrons ici, en leur mémoire, des oblations et des sacrifices que bientôt, avec la Protection de Dieu, nous célébrerons là-bas avec vous.
Que les pauvres aussi, comme je vous l'ai souvent écrit, fassent l'objet de vos soins, j'entends ceux qui, debout encore et combattant courageusement avec nous, n'ont pas abandonné le camp du Christ. Nous leur devons d'autant plus d'affection et de soins que ni la pauvreté n'a pu les réduire, ni la tourmente de la persécution les abattre et que, servant fidèlement le Seigneur, ils ont donné un exemple de foi aux autres pauvres. Je souhaite, frères très chers et très regrettés, que vous vous portiez toujours bien et que vous vous souveniez de nous. Saluez de ma part la communauté des frères. Adieu.