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Saint Joachim

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Début du protévangile de Jacques, traduction Gustave Brumet.

On lit dans les histoires des douze tribus d'Israël, que Joachim était fort riche et il présentait à Dieu de doubles offrandes, disant en son cœur : « Que mes biens soient à tout le peuple, pour la rémission de mes péchés auprès de Dieu, afin que le Seigneur ait pitié de moi. » La grande fête du Seigneur survint et les fils d'Israël apportaient leurs offrandes et Ruben s'éleva contre Joachim, disant : « Il ne t'appartient pas de présenter ton offrande, car tu n'as point eu de progéniture en Israël. » Et Joachim fut saisi d'une grande affliction et il s'approcha des généalogies des douze tribus en disant en lui-même : « Je verrai dans les tribus d'Israël si je suis le seul qui n'ait point eu de progéniture en Israël. » Et en recherchant il vit que tous les justes avaient laissé de la postérité, car il se souvint du patriarche Abraham auquel, dans ses derniers jours, Dieu avait donné pour fils Isaac. Joachim affligé ne voulut pas reparaître devant sa femme ; il alla dans le désert et il y fixa sa tente et il jeûna quarante jours et quarante nuits, disant dans son cœur : « Je ne prendrai ni nourriture ni boisson, mais ma prière sera ma nourriture. »

Sa femme Anne souffrait d'un double chagrin et elle était en proie à une double douleur, disant : « Je déplore mon veuvage et ma stérilité. » La grande fête du Seigneur survint et Judith, la servante d'Anne, lui dit : « Jusques à quand affligeras-tu ton âme? Il ne t'est pas permis de pleurer, car voici le jour de la grande fête. Prends donc ce manteau et orne ta tête. Tout aussi sûre que je suis ta servante, tu auras l'apparence d'une reine. » Et Anne répondit : « Éloigne-toi de moi ; je n'en ferai rien. Dieu m'a fortement humiliée. Crains que Dieu ne me punisse à cause de ton péché. » La servante Judith répondit : « Que te dirai-je, puisque tu ne veux pas écouter ma voix ! C'est avec raison que Dieu a clos ton ventre afin que tu ne donnes pas un enfant à Israël » Et Anne fut très affligée, et elle quitta ses vêtements de deuil ; elle orna sa tête et elle se revêtit d'habits de noces. Et, vers la neuvième heure, elle descendit dans le jardin pour se promener, et, voyant un laurier, elle s'assit dessous et elle adressa ses prières au Seigneur, disant : « Dieu de mes pères, bénis-moi et écoute ma prière, ainsi que tu as béni les entrailles de Sara et que tu lui as donné Isaac pour fils. »

En regardant vers le ciel, elle vit sur le laurier le nid d'un moineau et elle s'écria avec douleur. « Hélas ! à quoi puis-je être comparée ? à qui dois-je la vie pour être ainsi maudite en présence des fils d'Israël ? Ils me raillent et m'outragent et ils m'ont chassée du temple du Seigneur. Hélas ! à quoi suis-je semblable ? je ne peux être comparée aux oiseaux du ciel, car les oiseaux sont féconds devant vous, Seigneur. Je ne peux être comparée aux animaux de la terre, car ils sont féconds. Je ne peux être comparée ni à la mer, car elle est peuplée de poissons, ni à la terre, car elle donne des fruits en leur temps et elle bénit le Seigneur. »

Et voici que l'ange du Seigneur vola vers elle, lui disant : « Anne, Dieu a entendu ta prière ; tu concevras et tu enfanteras et ta race sera célèbre dans le monde entier. » Anne dit : « Vive le Seigneur, mon Dieu ; que ce soit un garçon ou une fille que j'engendre, je l'offrirai au Seigneur, et il consacrera toute sa vie au service divin. » Et voici que deux anges vinrent lui disant : « Joachim, ton mari, arrive avec ses troupeaux. » L'ange du Seigneur descendit vers lui, disant : « Joachim, Joachim, Dieu a entendu ta prière, ta femme Anne concevra. » Et Joachim descendit et il appela ses pasteurs, disant : « Apportez-moi dix brebis pures et sans taches, et elles seront au Seigneur mon Dieu. Et conduisez moi douze veaux sans taches, et ils seront aux prêtres et aux vieillards de la maison d'Israël, et amenez-moi cent boucs et ces cent boucs seront à tout le peuple. » Et voici que Joachim vint avec ses troupeaux, et Anne était à la porte de sa maison et elle aperçut Joachim qui venait avec ses troupeaux, elle courut et se jeta à son cou, disant : « Je connais maintenant que le Seigneur Dieu m'a bénie, car j'étais veuve et je ne le suis plus ; j'étais stérile et j'ai conçu. » Et Joachim reposa le même jour dans sa maison.

Le lendemain, il présenta ses offrandes en se disant en son cœur : « Si le Seigneur m'a béni, qu'il y en ait pour moi un signe manifeste sur la lame des ornements du grand-prêtre. » Et Joachim offrit ses dons et il regarda la lame ou bephoil, lorsqu'il fut admis à l'autel de Dieu et il ne vit pas de péché en lui. Et Joachim dit : « Je sais maintenant que le Seigneur m'a exaucé et qu'il m'a remis tous mes péchés. » Et il descendit justifié de la maison du Seigneur et il vint dans sa maison. Anne conçut et le neuvième mois elle enfanta et elle dit à la sage-femme : « Qu'ai-je enfanté ? » et l'autre répondit : « Une fille. » Et Anne dit : « Mon âme s'est réjouie à cette heure. » Et Anne allaita son enfant et lui donna le nom de Marie.

Commentaires

  • C'est magnifique et si touchant.
    A cette époque, on se désolait de ne pas pouvoir donner d'enfant à son peuple. On avait la conscience de la lignée.
    Aujourd'hui, on fait tout pour ne pas en avoir du tout, ou pour en avoir le moins possible, même dans le mariage.
    Aie pitié de notre pauvre peuple, Seigneur !

  • "Fort riche", mais avec l'esprit de pauvreté.

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