Séquence d’un recueil de Maastricht du début du XVIe siècle (Bibliothèque royale de La Haye KB 71 A 4). Traduction de l’Année liturgique.
Doctori gentium
Gentes applaudite :
Votaque mentium
Voce depromite.
Au Docteur des nations, nations, applaudissez, et, de la voix, publiez vos vœux.
Pastori gregibus
Curam impendere :
Pastorem ovibus
Incumbit colere.
Au pasteur appartient de conduire le troupeau ; aux brebis d'honorer le pasteur.
Electum vasculum,
Honoris ferculum
Tumoris vacuum,
Jure percolitis,
Qui veri quæritis
Fontis irriguum.
Vase d'élection, rempli d'honneur, sans vaine enflure, à bon droit recherché de quiconque se plaît au pâturage qu'arrosent les eaux de la vraie fontaine !
Exempli gratiam,
Laudis materiam
In hoc exilio
Confert et gaudium,
Doctoris gentium
Sacra conversio.
Du Docteur des nations la conversion sainte donne la joie en cet exil : exemple à suivre, objet de louange.
Rapax mane,
Sero munificus :
Non inane
Benjamin typicus
Tulit auspicium.
Au matin, ravisseur ; sur le soir, magnifique : ce ne fut pas en vain que de Benjamin la figure nous fournit un présage.
Parit mater
Doloris filium :
Vocat pater
Dextræ suffragium,
Doctus mysterium.
La mère enfante un fils de douleur ; le père l'appelle l'élu de la droite, pénétrant le mystère.
Quod Saulus rapuit,
Paulus distribuit :
Divisit spolia
Legis in gratia.
Ce que Saul a ravi, Paul en fait le partage ; il distribue les dépouilles de la loi sous la grâce.
Quem Annas statuit
Ducem malitiæ,
Christus exhibuit
Ministrum gratiæ.
Celui qu'Anne établit chef de perversité, le Christ en fait un ministre de la grâce.
Dum vacat cædibus,
Cæcatus corruit :
Lapsa de nubibus
Vox eum arguit :
Il ne rêve que carnage, et tombe aveuglé ; une voix le reprend, descendant des nues :
Cur me persequeris,
Saule, nec sequeris :
Cur in aculeum
Vertis calcaneum ?
« Pourquoi persécuter celui que tu dois suivre ? pourquoi, Saul, regimber contre l'aiguillon ?
Cum me persequeris,
Præstare crederis
Mihi obsequium :
In meis fratribus
Cruentis manibus
Versando gladium.
« Tu me poursuis, et l'on croit que tu me rends hommage ! et c'est contre mes frères que tes sanglantes mains tournent le glaive !
Excessit littera,
Cesserunt Vetera :
Præconem gratiæ
Te nunc constituo :
Surge continuo,
Locum do veniæ.
« C'en est fait de la lettre ; les figures ont cessé : dès cette heure, je te fais le héraut de ma grâce ; lève-toi maintenant, je te pardonne. »
O plena gratia,
De cujus cumulo
Arenti copia
Redundat sæculo.
O grâce vraiment pleine, dont l'abondance déborde à flots sur le monde desséché !
Felix vocatio,
Non propter meritum :
Larga donatio,
Sed præter debitum.
Fortunée vocation, non provenue du mérite ; largesse immense, nullement due !
Per aquæ medium,
Per ignem Spiritus,
Ad refrigerium
Transit divinitus.
Par le chemin de l'eau, par le feu de l'Esprit, il passe de ses ardeurs fiévreuses à la divine fraîcheur.
Mutato nomine,
Mutatur moribus :
Secundus ordine,
Primus laboribus.
Son nom change, et ses mœurs ont changé : deuxième en dignité, premier pour le labeur.
Par est apostolis
Vocatis primitus :
Præest epistolis,
Vocatus cælitus.
Egal aux Apôtres appelés d'abord, lui dont l'appel est venu des cieux prévaut par ses Epîtres.
Ter virgis cæditur,
Semel lapidibus :
Ter mari mergitur,
Nec perit fluctibus.
Trois fois il est battu de verges, une fois lapidé ; trois fois la mer l'engloutit, sans qu'il meure dans ses flots.
Ad cælum tertium
Raptus in spiritu,
Dei mysterium
Mentis intuitu
Intuetur,
Nec loquitur,
Quia nec loqui sinitur.
Au troisième ciel son esprit est ravi : du regard de l'âme il contemple le mystère de Dieu, mais, empêché de parler, ne sait le redire.
O pastor inclyte,
Pastorum gloria,
Felici tramite
Tua ovilia
Deduc,
Perduc,
Constitue
Perennis loco pascuæ.
Amen.
O Pasteur illustre, des Pasteurs la gloire, par un heureux sentier, tes troupeaux, amène, conduis, établis-les au lieu du pâturage éternel. Amen.
Commentaires
Très jolie séquence sur la vie et l'importance de saint Paul !
Comme toujours, la traduction ornée de Dom Guéranger est contestable :
"il passe de ses ardeurs fiévreuses à la divine fraîcheur" !
Seuls "Il passe" et "fraîcheur" correspondent au texte latin. C'est particulièrement dommage pour DIVINITUS, adverbe qui manifeste la grâce de Dieu ; = par un effet de la volonté divine", traduit Gaffiot lui-même, car le mot est dans Cicéron et Virgile déjà.