Notre Seigneur, Fils unique du Père, et coéternel avec lui, « ayant pris la forme d’esclave » pouvait, en cette forme d’esclave, prier en silence s’il l’avait jugé nécessaire ; mais il a voulu se présenter en suppliant devant son Père, tout en se rappelant qu’il était notre Maître. C’est pourquoi il a voulu que la prière qu’il a faite pour nous, nous fût connue ; car l’édification des disciples ressort non seulement des leçons que leur donne un si grand maître, mais encore de la prière qu’il adresse à son Père en leur faveur. Et si ces paroles étaient l’édification de ceux qui se trouvaient présents pour les entendre, Jésus voulait certainement qu’elles devinssent aussi la nôtre, à nous qui devions les lire, recueillies dans son Évangile.
C’est pourquoi lorsqu’il nous dit : « Père, l’heure est venue, glorifiez votre Fils ; » il nous enseigna que ce qu’il ferait ou laisserait se faire, en quelque temps que ce fût, est disposé d’avance par celui qui n’est point sujet au temps ; car les événements qui se déroulent dans la suite des temps, ont leurs causes efficientes dans la sagesse de Dieu, en laquelle ne se trouve aucun temps. Gardons-nous donc de croire que cette heure soit venue amenée par la fatalité, car elle a été fixée par Dieu qui dispose les temps. Les lois des astres n’ont pas non plus régi la passion du Christ ; il est inadmissible que les astres puissent forcer à mourir le Créateur des astres.
Il en est qui entendent que le Fils a été glorifié par le Père en ce sens qu’il ne l’a pas épargné mais l’a livré pour nous tous. Mais si l’on dit que le Christ a été glorifié par sa passion, combien plus par sa résurrection ? Dans sa passion, en effet, son humilité se manifeste plutôt que sa gloire ; l’Apôtre l’atteste lorsqu’il dit : « Il s’est humilié lui-même, s’étant fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ». Ensuite il ajoute, au sujet de sa glorification : « C’est pourquoi Dieu l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père ». Voilà la glorification de notre Seigneur Jésus-Christ, elle a commencé à sa résurrection.
Saint Augustin, traité 104 sur saint Jean, leçon des matines.