Le cardinal Schuster nous dit :
Le corps de sainte Monique demeura à Ostie jusqu’à 1162 ; c’est alors qu’un certain Walter, prieur des chanoines réguliers d’Aroasia en Belgique, le déroba furtivement et le transporta dans son monastère. Les actes de cette translation, rapportés par les Bollandistes, ne semblent autoriser aucun doute, d’autant plus que la présence en Belgique des reliques de sainte Monique depuis plus de sept siècles est assurée par les documents.
Comme on ignorait le jour du trépas de sainte Monique, les chanoines d’Aroasia, qui célébraient déjà le 5 mai la conversion de saint Augustin, attribuèrent à la solennité de sa mère le jour précédent. Du monastère de Walter le culte de sainte Monique se répandit en Belgique, en Allemagne et en France, si bien que la fête du 4 mai entra peu à peu dans l’usage liturgique général.
Les Bollandistes ont repris le récit de la Translatio sanctae Monicae, écrite autour de 1165 par Gautier (Walter) de l’abbaye d’Arrouaise (Aroasia en latin), en « Belgique » (dans le diocèse d’Arras). En voici le résumé.
Gautier quitta Arrouaise pour Rome en septembre 1161, chargé par son abbé, Fulbert, d’une mission auprès du pape Alexandre III. Arrivé à Agaune, il convainquit l’abbé Rodolphe de l’accompagner. Ils arrivèrent à Vada, sur la côte toscane, en pleine querelle entre Alexandre III et Frédéric Barberousse. Menacés d’être conduits auprès de l’empereur, ils parvinrent à se réfugier à Pise après une éprouvante ascension nocturne du Montenero. L’abbé de Saint-Maurice resta à Pise, Gautier alla à Rome, et de là à Terracine où il trouva enfin Alexandre III, mais celui-ci ne put traiter son affaire car il était sur le point de partir en Gaule. Découragé, Gautier apprit de surcroît que l’abbé de Saint-Maurice, voulant le rejoindre, avait été arrêté par le préfet de Rome, mais il parvint à le faire libérer. Ensemble ils allèrent à Ostie pour trouver un bateau et y restèrent un temps indéterminé, attendant que la météo leur fût favorable. À Ostie se tenait une sorte de colloque (collocutio !) d’ecclésiastiques désœuvrés, attendant de pouvoir embarquer pour rejoindre le pape et qui entretemps nouaient des contacts avec les collègues locaux. Ceux-ci leur racontèrent l’histoire des reliques de sainte Monique, dont la sainte elle-même avait récemment demandé l’invention et la translation, sans cependant qu’on ait eu le temps de procéder à cette cérémonie. Il est vrai que l’évêque, en réalité le cardinal-évêque d’Ostie, était très accaparé par la crise politico-ecclésiastique en cours. Finalement, sur la suggestion d’Ulric, clerc de l’abbé d’Agaune, Gautier déroba les reliques. Gautier, Rodolphe, Ulric et les reliques de Monique quittèrent enfin Ostie, mais ce fut un faux départ : une forte tempête les contraignit à revenir à terre. Leur bateau repartit cependant derechef, et après de nouveaux périls marins ils retrouvèrent enfin le pape à Gênes. Là Gautier reçut la nouvelle de la démission de l’abbé d’Arrouaise Fulbert, ce qui annulait sa mission. Le cardinal-évêque d’Ostie, présent à Gênes auprès du pape, ayant appris que les reliques de Monique avaient été volées par un clerc français, Gautier quitta précipitamment la ville et, après un détour par Agaune, arriva à Arrouaise. La translation fut solennellement célébrée le 20 avril 1162.