Mosaïque du Xe siècle, monastère de saint Luc (du nom de l’ermite qui le fonda), non loin de Delphes.
Les plus anciennes représentations de Daniel dans la fosse aux lions représentent presque toujours le prophète dans la position de l’orant. Le texte biblique n’évoque pas sa prière, mais il est évident que dans cette épreuve le prophète prie, et que Dieu exauce sa prière : « De ore leonis libera me Domine » (psaume 21) - véritable refrain de l'office au temps de la Passion.
Pendant le carême, cet épisode illustre donc l’importance de la prière, et aussi du jeûne : Daniel jeûne six jours, et le septième il est miraculeusement nourri par Habacuc que l’ange a pris par les cheveux en Palestine au moment où il allait porter à manger aux moissonneurs. Plusieurs pères diront que c’est par le jeûne que Daniel a fermé la gueule des lions (auxquels il a même appris à jeûner…).
Dans l’iconographie, le repas des moissonneurs est un pain ou plusieurs pains dans une corbeille : c’est le pain qui vient du ciel, le pain des anges, donc l’eucharistie.
Le lion est la figure de la mort, du diable qui « rôde comme un lion rugissant cherchant qui dévorer » et faire descendre aux enfers : c’est le symbolisme insistant de la fosse dans les psaumes, c’est donc la fosse où Daniel a été jeté.
Mais Daniel en ressort indemne : il est la figure de la mort, de la descente aux enfers et de la résurrection du Christ, il est une icône pascale. (La fosse de Daniel a été scellée par l’empereur, comme le tombeau du Christ par Pilate.)
Les lions perdent leur agressivité et lèchent les pieds de Daniel. Le prophète est la figure du Christ qui rétablit la création dans son innocence principielle : « Daniel fut jeté dans la fosse, mais les lions n’osaient le toucher, car ils voyaient briller en lui l’ancienne image du roi de la nature ; ils reconnaissaient les nobles traits qu’ils avaient vus sur le visage d’Adam avant le péché ; ils s’approchèrent de Daniel avec la même soumission qu’auprès d’Adam lorsque le premier homme leur imposa leurs noms » (saint Jean Chrysostome sur la Genèse).
Daniel au milieu des lions est dans la paix, comme le sera le fidèle au paradis.
Tel est à grands traits (plus de détails ici) l’enseignement qui était délivré aux catéchumènes pendant le carême en préparation de leur baptême à Pâques, ce qui explique la présence de cet épisode dans une messe du carême, et la très grande quantité de représentations de Daniel dans la fosse aux lions dans les églises antiques.
Première page du commentaire de Daniel par saint Jérôme ; Derrière Daniel il y a un A : « Anno tercio regni io(A)chi regis Iude… » On voit l’ange qui tient Habacuc par les cheveux, et qui porte trois pains. Daniel est ici manifestement une figure du Christ. (Manuscrit de Cîteaux, premier tiers du XIIe siècle.)
N.B. Aux matines byzantines du mercredi de la sixième semaine de carême (demain), on chante: "Daniel scellé par le jeûne ferma la bouche des fauves. Imite-le, mon âme, et chasse par le secours de la croix le serpent qui rugit comme le lion et cherche à faire sa proie de toute âme."