L’inversion accusatoire a pris des proportions industrielles dans le cadre de la guerre en Ukraine. Cela s’étend même au domaine musical. On sait que ce sont les occidentaux qui interdisent les musiciens russes, et même en beaucoup d’endroits la musique russe, mais il faut tenter de faire croire que c’est le contraire qui se passe : que les Russes ont fermé leurs frontières.
Ainsi le magazine Diapason titre sur le fait que le Concours Tchaïkovski, l’un des plus importants du monde, est maintenu cette année en Russie, alors même qu’il a été exclu de la Fédération mondiale des concours internationaux de musique. Donc il est incroyablement maintenu, mais « la participation des candidats issus de pays qui soutiennent l'Ukraine semble des plus hypothétiques. D'autant que c'est le très controversé Valéry Guerguiev, soutien officiel de Vladimir Poutine, qui préside la compétition... » Et l’on insiste : « Les candidats issus de pays qui soutiennent ouvertement l’Ukraine seront-ils autorisés à se rendre en Russie ? »
Or il en est des musiciens comme des hommes d’affaire et des touristes : les frontières de la Russie sont grandes ouvertes à quiconque veut aller dans le pays (et sans test, sans vaccin, sans masque). Ce sont les pays qui soutiennent ouvertement l’Ukraine qui font en sorte qu’il soit très difficile d’aller en Russie. Ce n’est ni Poutine ni Guerguiev qui met des bâtons dans les roues, ce sont les gouvernements occidentaux et notamment leurs compagnies aériennes.
Et le magazine Diapason le sait très bien. Il le sait d’autant mieux qu’en juin dernier un jeune Français, Clément Nonciaux, a décroché la médaille d’argent de la direction d’orchestre au premier concours international Rachmaninov à Moscou. Et Clément Nonciaux a balayé les objections sur sa participation en proclamant qu’il avait été « très satisfait et heureux » d’avoir eu l’opportunité de « diriger trois orchestres dont l’orchestre Mariinsky, l’un des plus grands orchestres du monde », et que cela ne se refuse pas. Et il a même osé ajouter que la musique doit réunir les gens et pas les séparer et que « Valéry Guerguiev, qui était président du jury, a d'ailleurs fait tout un beau discours là-dessus, sur l’envie que la musique nous rapproche tous »…
Commentaires
Le concours a été créé en 1958 en pleine guerre froide, pour mettre en avant l’excellence de l’école soviétique. Pour montrer que les Russes, même soviétisés, sont moins cons que les Yankees le premier lauréat fut le pianiste américain Van Cliburn (1934-2013). Le jury ayant demandé la permission à Nikita K d'accorder le prix à un Américain, celui-ci demanda: "est-il le meilleur?" Réponse: "oui" "Alors, donnez-lui le prix"
En 1962 fut institué aux USA le prix Cliburn, tous les 4 ans.