Splendor patris et figura
Se conformans homini
Potestate, non natura,
Partum dedit virgini.
Celui qui est la splendeur du Père et sa forme incréée, a pris la forme de l'homme. Sa puissance, et non la nature, a rendu féconde une vierge.
Adam vetus
Tandem lætus
Novum promat canticum;
Que le vieil Adam se console enfin, qu'il chante un cantique nouveau.
Fugitivus
Et captivus
Prodeat in publicum.
Longtemps fugitif et captif, qu'il paraisse au grand jour.
Eva luctum,
Vitæ fructum
Virgo gaudens edidit
Nec sigillum
Propter illum
Castitatis perdidit.
Eve enfanta le deuil ; une vierge, dans l'allégresse, enfante le fruit de vie. Et ce fruit n'a point lésé le sceau de sa virginité.
Si crystallus sit humecta
Atque soli sit obiecta,
Scintillat igniculum;
Nec crystallus rumpitur,
Nec in partu solvitur
Pudoris signaculum.
Si le cristal humide est offert aux feux du soleil, le rayon scintille au travers ; Et le cristal n'est point rompu : ainsi n'est point brisé le sceau de la pudeur dans l'enfantement de la Vierge.
Super tali genitura
Stupet usus et natura
Deficitque ratio;
Res est ineffabilis,
Tam pia, tam humilis
Christi generatio.
A cette naissance, la nature est dans l'étonnement, la raison est confondue. C'est chose inénarrable, cette génération du Christ, si pleine d'amour et si humble.
Frondem, florem, nucem sicca
Virga profert et pudica
Virgo Dei filium;
Fert cælestem vellus rorem,
Creatura creatorem,
Creaturæ pretium.
D'une branche aride sont sorties la feuille, la fleur et la noix ; et de la Vierge pudique, le Fils de Dieu. La toison a porté la rosée céleste, la créature le Créateur, rédempteur de la créature.
Frondis, floris, nucis, roris
Pietati salvatoris
Congruunt mysteria:
Frons est Christus protegendo,
Flos dulcore, nux pascendo,
Ros cælesti gratia.
La feuille, la fleur, la noix, la rosée : emblèmes mystérieux de l'amour du Sauveur. Le Christ est la feuille qui protège, la fleur qui embaume, la noix qui nourrit, la rosée de céleste grâce.
Cur, quod virgo peperit,
Est Iudæas scandalum?
Cum virga produxerit
Sicca sic amygdalum.
Pourquoi l'enfantement de la Vierge est-il un scandale au Juif, quand il a vu l'amandier fleurir sur une verge desséchée?
Contemplemur adhuc nucem;
Nam prolata nux in lucem
Lucis est mysterium;
Trinam gerens unionem
Tria confert: unctionem,
Lumen et edulium.
Contemplons encore la noix; car la noix, mise en lumière, offre un mystère de lumière. En elle trois choses sont réunies ; elle nous présente trois bienfaits : onction, lumière, aliment.
Nux est Christus: cortex nucis
Circa carnem pœna crucis,
Testa corpus osseum;
Carne tecta deitas
Et Christi suavitas
Signatur per nucleum.
La noix est le Christ ; l'écorce amère de la noix est la croix dure à la chair; l'enveloppe marque le corps. La divinité, revêtue de chair, la suavité du Christ, c'est le fruit caché dans la noix.
Lux est cæcis et unguentum
Christus ægris et fomentum
Piis animalibus.
O quam dulce sacramentum
Fœnum carnis in frumentum
Convertit fidelibus.
Le Christ, c'est la lumière des aveugles, l'onction des infirmes, le baume des coeurs pieux. Oh ! qu'il est suave, ce mystère qui change la chair, cette herbe fragile, en divin froment pour les fidèles !
Quos sub umbra sacramenti,
Iesu, pascis in præsenti,
Tuo vultu satia;
Splendor patri coæterne,
Nos hinc transfer ad paternæ
Claritatis gaudia.
Ceux que, dans cette vie, tu nourris, ô Jésus ! sous les voiles de ton Sacrement, rassasie-les un jour de l'éclat de ta face. Coéternelle splendeur du Père, enlève-nous de ce séjour jusqu'aux joies des clartés paternelles. (Amen.)
Adam de Saint-Victor (†1146), traduction dom Guéranger.