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20e dimanche après la Pentecôte

La lecture du Saint Evangile que vous venez d’entendre, mes frères, n’a pas besoin d’explication. Mais pour que je ne paraisse pas l’avoir laissée passer sans rien dire, je vous en parlerai quand même en quelques mots, plutôt pour vous exhorter que pour vous l’expliquer.

Je ne vois d’ailleurs qu’un point dont il nous faille chercher l’explication, c’est de savoir pourquoi cet homme venu demander la guérison de son fils s’est entendu dire : «Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croyez pas.» N’est-il pas évident qu’il croyait, cet homme qui implorait la guérison de son fils? Aurait-il imploré cette guérison de la part du Seigneur, s’il n’avait pas cru qu’il était le Sauveur? Pourquoi donc Jésus dit-il : «Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croyez pas», à celui qui a cru avant de voir un signe?

Souvenez-vous pourtant de ce que cet homme a demandé, et vous verrez clairement qu’il a douté dans sa foi. Car il a prié Jésus de descendre pour guérir son fils. Il désirait donc la présence corporelle du Seigneur, alors que celui-ci n’est absent d’aucun lieu par son esprit. L’officier royal ne croyait donc pas assez fermement en Jésus, puisqu’il ne le jugeait pas capable de rendre la santé sans être physiquement présent. Si la foi de cet homme avait été parfaite, il aurait été persuadé qu’il n’y a pas de lieu où Dieu ne soit présent. Il a ainsi considérablement manqué de foi, parce qu’il n’a pas rendu honneur à la Majesté mais à sa seule présence corporelle. Il a donc demandé la guérison de son fils, mais sa foi se mêlait de doute, puisque tout en croyant que celui à qui il s’adressait avait le pouvoir de guérir, il a toutefois pensé qu’il était absent d’auprès de son fils mourant. Mais le Seigneur, qu’il supplie de venir, lui montre qu’il est déjà là où il l’invite : d’un simple commandement, il rend la santé, lui dont la volonté a créé toutes choses.

Il nous faut ici considérer avec grande attention ce que le témoignage d’un autre évangéliste nous apprend du centurion qui vient au Seigneur et lui dit : «Seigneur, mon serviteur est couché dans ma maison, frappé de paralysie, et il souffre cruellement.» Jésus lui répond aussitôt : «J’irai le guérir.» (Mt 8, 6-7). Pourquoi donc notre Rédempteur refuse-t-il d’aller corporellement auprès du fils de l’officier royal, qui lui avait pourtant demandé de venir, alors qu’il promet d’aller corporellement auprès du serviteur du centurion, sans cependant qu’on l’en ait prié? Il ne consent pas à se rendre par lui-même auprès du fils de l’officier royal; il ne refuse pas d’aller auprès du serviteur du centurion. Pourquoi cette manière d’agir, sinon pour réprimer notre orgueil, qui ne nous inspire de l’estime que pour les honneurs et les richesses des hommes, et non pour leur nature faite à l’image de Dieu? Quand nous jaugeons les biens dont les gens s’entourent, il est clair que nous ne nous soucions pas de leur être intérieur; et lorsque nous considérons leur aspect physique, pourtant bien digne de mépris, nous ne nous intéressons pas à ce qu’ils sont. Mais notre Rédempteur ne voulut pas aller auprès du fils de l’officier royal, et se montra prêt à se rendre auprès du serviteur du centurion, pour bien faire voir que les saints doivent mépriser ce qui est élevé pour les hommes, et ne pas mépriser ce que les hommes jugent digne de mépris. Notre orgueil se trouve ainsi blâmé, lui qui ne sait pas estimer les hommes par ce qui les fait hommes, et qui ne regarde, comme nous l’avons dit, que les choses extérieures qui les environnent, sans considérer leur nature, ni reconnaître l’honneur de Dieu en eux. Voici que le Fils de Dieu ne veut pas se rendre auprès du fils de l’officier royal, et qu’il est prêt pourtant à aller guérir le serviteur. Si le serviteur de tel ou tel nous demandait de nous rendre auprès de lui, aussitôt notre orgueil nous répondrait en secret dans notre pensée : «N’y va pas! Ce serait t’abaisser, te déshonorer, et avilir ta charge.» Celui qui vient du Ciel ne refuse pas d’aller sur terre auprès d’un serviteur, et nous qui venons de la terre, nous n’acceptons cependant pas d’être humiliés sur terre. Quoi de plus vil, quoi de plus méprisable devant Dieu que de rechercher la considération des hommes et de ne pas craindre le regard du témoin intérieur!

Aussi le Seigneur dit-il aux pharisiens dans le Saint Evangile : «Vous êtes de ceux qui se font passer pour justes devant les hommes; mais Dieu connaît vos cœurs, et ce qui est élevé aux yeux des hommes est abominable aux yeux de Dieu.» (Lc 16, 15). Remarquez, mes frères, remarquez bien ces paroles. Car s’il est vrai que ce qui est élevé aux yeux des hommes est abominable aux yeux de Dieu, alors les pensées de notre cœur sont d’autant plus basses aux yeux de Dieu qu’elles sont plus hautes aux yeux des hommes, et l’humilité de notre cœur est d’autant plus haute aux yeux de Dieu qu’elle est plus basse aux yeux des hommes.

Saint Grégoire le Grand

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