Le fardeau et le joug que le Seigneur imposa à saint Jean, en lui confiant le soin de la Vierge Mère, furent vraiment un joug suave et un fardeau léger. Qui donc ne partagerait très volontiers la demeure de cette Mère, qui porta neuf mois dans son sein le Verbe incarné et vécut avec lui, très doucement et dévotement, pendant trente années ? Qui ne porterait envie au disciple bien-aimé du Seigneur qui, en l’absence du Fils de Dieu, obtint la présence de la Mère de Dieu ? Mais, si je ne m’abuse, nous pouvons, nous aussi, obtenir par nos prières de la bonté du Verbe, incarné à cause de nous et crucifié à cause de son grand amour pour nous, qu’il nous dise à nous aussi : « Voici ta Mère. » Et qu’il dise de nous à sa Mère : « Voici ton fils. »
Le doux Seigneur n’est pas avare de ses dons, pourvu que « nous approchions du trône de sa grâce avec » foi et « confiance », avec un cœur non pas hypocrite, mais véritable et sincère. Celui qui a voulu nous faire cohéritiers du royaume de son Père ne dédaignera certes pas de nous avoir pour cohéritiers de l’amour de sa Mère. Quant à cette Vierge très bonne, elle ne sera pas accablée par la multitude de ses enfants, car elle a un cœur immense, et elle désire vivement éviter la perte d’aucun de ceux que son Fils a rachetés par un sang si précieux et une mort d’un si grand prix. « Approchons donc avec confiance du trône de la grâce » du Christ ; humblement et avec larmes, demandons-lui qu’il dise à sa Mère, de chacun de nous : « Voici ton fils. » Et qu’il dise de sa Mère, à chacun de nous : « Voici ta Mère. »
Quel bonheur ce sera pour nous de vivre sous l’égide d’une pareille Mère ! Qui osera nous arracher de son sein ? Quelle tentation pourra nous vaincre, si nous mettons notre confiance dans le patronage de la Mère de Dieu, qui est aussi la nôtre ? Et nous ne serons pas les premiers à avoir reçu un tel bienfait. Beaucoup nous ont précédés ; oui, beaucoup ont accédé à ce patronage unique et tout maternel de cette Vierge, et aucun n’en est revenu déçu ou triste : tous, soutenus par le patronage d’une telle Mère, tout joyeux et contents. Car c’est d’elle qu’il est écrit : « Elle broiera ta tête ». Ils ont donc confiance, grâce à elle, qu’eux aussi marcheront hardiment « sur l’aspic et le basilic, fouleront aux pieds le lion et le dragon ». Car il semble impossible qu’il se perde, celui dont le Christ a dit à la Vierge : « Voici ton fils », pourvu que lui-même ne fasse pas la sourde oreille à ce que le Christ lui dit : « Voici ta mère. »
Homélie de saint Robert Bellarmin, lecture des matines (commentaire de l’évangile du jour).